Le Rhin constitue une « autoroute » fluviale internationale qui relie les ports de la mer du Nord à l’Allemagne, la France et la Suisse. Le long de la frontière franco-allemande, il est aménagé pour la production hydroélectrique. La Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR) organise la coopération entre les Etats membres.
Sur une longueur d’une centaine de kilomètres, dix ensembles « écluses-usine » se succèdent entre Kembs et Iffezheim, point d’entrée sur la partie allemande du Rhin. Ils permettent la navigation et la production d'électricité.
Sur la partie française du Rhin, la voie fluviale est exploitée par Voies navigables de France (VNF) et huit écluses sont concédées à EDF. Rappelons que l’écluse de Gambsheim est, elle, gérée par VNF et celle d’Iffezheim relève du Service de la navigation allemande (WSA).
Ou, plutôt, il devrait constituer une « autoroute » fluviale car la situation vécue par les artisans-bateliers ne correspond pas vraiment au niveau attendu sur une telle voie navigable internationale, reliant Rotterdam, premier port maritime européen, à des ports intérieurs français, suisse, allemand. Sans oublier l’importance économique de la navigation sur l’axe rhénan et les enjeux écologiques.
« Comme si nous étions séquestrés à bord de nos bateaux »
Le témoignage d’un artisan batelier naviguant régulièrement sur ce canal montre en effet une situation très difficile pour l’activité du transport fluvial en elle-même, dont la performance est mise en cause, mais aussi concernant les conditions d’accueil pour la vie quotidienne à bord, empêchant notamment de concilier au mieux l’activité professionnelle avec la vie de famille.
Jean-Baptiste Castelain, capitaine du bateau Milanko, témoigne :
- « C’est le seul canal où on nous interdit un débarquement aux écluses. Nous n’avons aucune aire de stationnement, pas de ducs d’Albe, aucune commodité à disposition. C’est comme si nous étions séquestrés à bord de nos bateaux, c’est inhumain.
- Nous ne pouvons pas amarrer les bateaux qui restent les uns derrière les autres dans le canal en attendant le passage des écluses. Cela signifie que les moteurs de propulsion tournent sans arrêt alors que l’on nous parle de réduction des émissions, de transition énergétique.
- Ne pas pouvoir débarquer la voiture aux écluses nous empêche de concilier notre activité professionnelle avec notre vie de famille. Notre bateau est aussi notre logement et le lieu de vie de la famille. Je devais aller récupérer mes deux enfants qui se trouvaient à terre, j’ai perdu deux heures sur mon temps d’itinéraire.
- Ni mes enfants ni mon épouse ne vont pouvoir revenir à bord tout de suite. Heureusement, je n’ai pas perdu ma place dans le tour du passage de l’écluse avec l’accord de l’éclusier et l’appui de la gendarmerie fluviale ».
EDF, un gestionnaire froid et fermé
Le temps de navigation perdu par un artisan-batelier ne peut pas facilement se rattraper : au lieu de livrer en début de soirée, il pourra, au mieux, être au quai de son client le lendemain en fin de matinée. Jean-Baptiste Castelain précise :
- « Pour certains artisans-bateliers, le retard ne peut pas être facturé au client. D’autre part, tous les temps d’attente imprévus nous mettent en situation illégale concernant le nombre d’heures travaillées.
- Le seul intérêt d’EDF avec le canal dont il a la concession, c’est de faire tourner les barrages hydroélectriques. EDF n’a mis en place aucun service pour les navigants et ne prend pas au sérieux son rôle de gestionnaire d’un canal qui est aussi une voie navigable.
- Nous avons devant nous un gestionnaire froid et fermé. Il nous ballade sur le sujet des aires de stationnement, il y a eu une étude qui a été menée mais aucune suite n’a encore été donnée.
- Nous nous ridiculisons par rapport à l’Allemagne et à la Suisse avec la manière dont les choses se passent sur la partie française du canal, alors qu’un traité international le régit ».
Une situation aggravée par le contexte de grève
La situation apparaît encore aggravée ces derniers temps avec le contexte de la grève contre la réforme des retraites, suivie par des agents d’EDF en charge de la gestion des écluses.
Certaines d’entre elles ont été arrêtés, une autre occupée, une autre remise en route après réquisition d’un agent. Les voies navigables sont-elles le bon endroit pour des blocages ?
D'autre part, il est possible, selon l'interprétation de certains acteurs, de considérer que le blocage d'écluses contrevient directement à la libre circulation sur le Rhin, inscrite au cœur du traité fondateur de la navigation rhénane (convention de Mannheim).