« La construction d’un bateau-école s’inscrit dans la durée »

L'actuel convoi-école du CFANI date des années 1950 et 1960. 

François Manouvrier, directeur du Centre de formation des apprentis de la navigation intérieure (CFANI) du Tremblay, détaille pour NPI l’avancée du projet de construction de bateau-école. Il revient aussi sur les difficultés à augmenter les effectifs formés pour répondre aux besoins des entreprises de transport.

NPI : Où en est le projet d’acquisition d’un nouveau convoi-école ?

François Manouvrier : Nous sommes toujours en phase d’étude. Nous avons missionné le cabinet AB Ship pour nous aider à définir précisément le cahier des charges et les plans du bateau. Cela va aussi participer à constituer une esquisse financière plus précise, afin de nous permettre d’aller chercher des aides pour ce projet.

NPI : Pourquoi le convoi-école existant doit-il être remplacé ?

François Manouvrier : Il est difficilement concevable de former des jeunes sur du matériel beaucoup plus âgé qu’eux. Il est devenu plus que nécessaire de trouver un successeur à l’actuel convoi-école, constitué d’un micro-pousseur datant de 1962 et d’une barge au gabarit Freycinet construite dans les années 1950.

Le nouveau matériel d’apprentissage de la navigation doit servir de vitrine à la navigation fluviale et à la formation dans ce domaine. Il aura un usage d’apprentissage, mais aussi un rôle de démonstration.

NPI : Quel cahier des charges allez-vous fixer ?

François Manouvrier : Il s’agit de construire deux bateaux qu’il sera possible d’assembler en convoi pour une longueur totale de 100 m et 8 m de large.

  • Le premier sera un automoteur équipé comme un bateau à passagers avec douze cabines doubles et une capacité de 50 personnes en croisière promenade.
  • La deuxième unité sera une barge automotrice, équipée d’une partie cale sèche et d’une partie citerne, pour apprendre les différentes techniques du transport de marchandises.
  • Le fait que les deux bateaux soient des automoteurs permettra de former deux groupes simultanément, et de mutualiser les coûts avec Fluvia pour l’utilisation du bateau.

NPI : Jusqu’où peut aller cette mutualisation ?

François Manouvrier : Le CFA va acquérir ce convoi dont il sera propriétaire. Il pourra le mettre aussi à disposition de Fluvia. L’ISNI d’Elbeuf pourrait également être intéressé ; les discussions sont dans l’attente de l’avancée technique de notre projet.

NPI : Alors qu’on parle beaucoup de « verdissement » de la flotte, quels choix allez-vous faire pour la propulsion des nouveaux bateaux ?

François Manouvrier : La construction d’un bateau-école s’inscrit dans la durée ; il doit donc approcher au plus près les dernières avancées techniques. La difficulté, c’est que l’on sait que le gasoil classique dit probablement ses derniers mots ; mais on ne sait pas encore par quoi il sera remplacé demain.

Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins. Les carburants diesel de synthèse seront peut-être une alternative. L’hydrogène ou le gaz naturel posent la question de l’avitaillement, l’électrique celle de la disponibilité des bornes de recharge…

Ce qui est sûr, c’est que la propulsion finale sera électrique. Nous aurons, dans un premier temps, un générateur diesel pour alimenter la propulsion électrique. La place suffisante à bord est prévue pour évoluer, par la suite, vers d’autres sources d’énergie.

NPI : S’agira-t-il d’une construction neuve ou de la modernisation de bateaux existant ?

François Manouvrier : Nous profitons dans ce domaine de l’expérience d’autres centres de formation :

  • Nos collègues wallons ont fait, il y a quelques années, le choix d’une construction neuve.
  • De leurs côtés, leurs homologues flamands ont rééquipé une bateau existant pour un prix presque similaire mais ont obtenu un bateau qui ne répond pas entièrement à leurs attentes.
  • Nous estimons donc plus simple de concevoir de A à Z un bateau neuf, comme le fait le lycée de Montélimar.

NPI : Dans quel délai envisagez-vous de lancer la construction ?

François Manouvrier : L’objectif est de disposer du nouveau convoi dans un délai de deux à cinq ans. Nous devons pour cela réunir les financements nécessaires. Un appel a été lancé aux armateurs fluviaux, pour que la profession prouve qu’elle soutient le projet et qu’il n’est pas issu de la seule volonté du CFANIDes financements institutionnels seront aussi recherchés, qu’ils soient régionaux, nationaux ou européens. L’OPCO Mobilités sera aussi sollicité. Le budget nécessaire est de l’ordre de 6 millions d'euros.

NPI : Quels sont les effectifs du CFA cette année ?

François Manouvrier : Nos effectifs sont stables, avec 70 apprenants répartis sur les trois années de formation. Chaque année, c’est un défi de maintenir nos effectifs, voire de les augmenter. Nous souffrons en effet du déficit d’image de notre métier : il ne s’agit pas d’une mauvaise image, mais d’une absence d’image.

NPI : Accueillez-vous davantage de jeunes qui ne sont pas issus du monde de la batellerie ? Davantage de filles ?

François Manouvrier : Les jeunes issus du milieu de la batellerie sont de moins en moins majoritaires. Ils représentent aujourd’hui environ la moitié de nos effectifs. Quant à la féminisation, elle est très variable d’une année sur l’autre. Nous comptons cette année 11 jeunes filles sur 70 apprentis, ce qui est plutôt dans la moyenne haute.

NPI : Ce nombre de 70 apprentis pas an répond-il aux besoins exprimés par la profession ?

François Manouvrier : Même si l’on additionne les flux sortant de notre CFA et des deux autres écoles, on est loin du compte. D’autant que l’on commence à ressentir les premiers effets de la directive qui allonge à 540 jours la durée de formation pour devenir conducteur.

Les entreprises qui font de la croisière-promenade ont coutume d’embaucher des jeunes issus des métiers du tourisme, de les employer quelques temps comme guide, puis de les former en interne à la navigation. S’ils se tournaient vers nous cette formation serait plus rapide, surtout pour devenir capitaine.

L’apprentissage ne coûte pas grand-chose aux entreprises et leur permet d’assurer la relève de demain avec des gens dont la formation est déjà adaptée à leurs propres méthodes.

NPI Avez-vous la possibilité de former davantage d’apprentis ? Quels sont les leviers possible ?

François Manouvrier : Sans changer nos structures, nous pouvons accueillir 15 à 20 apprenants supplémentaires. Ce dont nous avons besoin pour augmenter les flux en entrée de nos formations, c’est que les armateurs recrutent les personnes dont ils ont besoin, puis se tournent vers nous pour les former. Or ce n’est pas encore ancré dans leurs habitudes et c’est l’inverse qui se produit : ils nous sollicitent pour embaucher nos apprentis.

Les compagnies de transport de passagers sont celles qui embauchent le plus. Elles ont, pour attirer les apprentis, des moyens RH dont nous ne disposons pas. Elles doivent activer tous leurs leviers pour accompagner la campagne de promotion des métiers du transport, y compris du transport fluvial, actuellement menée par l’OPCO Mobilités.

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