Une convention internationale pour protéger l’eau et l’environnement

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Entretien avec Katrin Moosbrugger et Charline Daloze qui présentent les principales caractéristiques de la Convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure (CDNI) expliquant son succès.

La Convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure (CDNI) a été signée à Strasbourg en 1996 par 6 pays l’Allemagne, la Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse. Au terme des ratifications par tous les États signataires, elle est entrée en vigueur le 1er novembre 2009.

Les organes prévus par cette convention internationale pour la gestion et l’administration ont alors été mis en place, soit la Conférence des Parties Contractantes (CPC) et l’Instance Internationale de Péréquation et de Coordination (IIPC). CPC et IIPC s’appuient pour l’exercice de leurs missions respectives sur un Secrétariat exécutif qui est assuré par le secrétariat de la Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR). Le siège de ces organes de la CDNI est situé au Palais du Rhin à Strasbourg tout comme le Secrétariat exécutif. L’application de la CDNI est assurée sur la base des dispositions introduites dans les réglementations nationales des 6 pays signataires. Pour la France, par exemple, il s’agit du décret n° 2010-197 du 23 février 2010. Chaque pays a désigné une institution nationale (IN) qui est chargée de l’application des mesures relatives aux déchets huileux et graisseux (partie A de la CDNI). Pour l’Hexagone, c’est Voies navigables de France (VNF).

Le texte de la convention distingue la collecte, le dépôt et la réception des déchets en trois catégories : « déchets huileux et graisseux survenant lors de l’exploitation du bâtiment » (partie A), « déchets liés à la cargaison » (partie B), « autres déchets survenant lors de l’exploitation du bâtiment » (partie C).

Un système de financement original

La CDNI vise à protéger l’environnement et tout particulièrement l’eau. « Il faut remettre la CDNI dans son contexte historique, rappellent Katrin Moosbrugger, secrétaire exécutive de la CDNI et secrétaire générale adjointe de la CCNR, et Charline Daloze, chargée de mission. Dans les années 1960, une baleine s’est retrouvée dans le Rhin et est remontée jusqu’à Bonn. Elle est morte, son corps incrusté de déchets et recouvert d’huiles. Cela a aidé à une prise de conscience des pollutions présentes dans l’eau, ressource essentielle à la vie. C’est aussi le lieu où s’exercent les activités de la navigation intérieure ». Celles-ci doivent respecter ce milieu fragile et ses usages multiples. Il y a donc eu une prise de conscience des efforts à fournir pour améliorer la qualité de l’eau du Rhin. Lors de la négociation de la convention dans les années 1990, des systèmes de gestion des déchets existaient déjà dans certains des pays qui ont signé le texte comme l’Allemagne, la Suisse, les Pays-Bas.

« L’enjeu de la convention est d’éviter absolument tout rejet de déchets dans l’eau et tout dépôt sauvage de déchets, notamment les plus polluants comme les déchets huileux et graisseux qui font l’objet de la partie A du texte, poursuivent Katrin Moosbrugger et Charline Daloze. Pour y parvenir, le moyen mis en place est un mécanisme de financement indirect original fondé sur le principe du pollueur-payeur. Le financement s’applique à tout le monde. Cela signifie que tout le monde paie le même tarif et dépose les déchets dans les stations de réception prévues à cet effet le long du réseau navigable. Toute incitation à rejeter des déchets dans l’eau ou à les déposer à terre de manière sauvage disparaît ».

C’est donc la profession de la navigation intérieure qui paie et finance le système d’élimination des déchets par une « rétribution d’élimination » en fonction du volume de gazole avitaillé avec un montant de 7,50 € par 1 000 litres. Ce sont les stations d’avitaillement qui prélèvent la contribution grâce à un système de terminaux. Le batelier ouvre un « ECO-compte », l’alimente car le système fonctionne sur le modèle du prépayé, et dispose d’une « ECO-card ». Une nouvelle « ECO-card » est diffusée depuis l’automne 2018 par les IN et remplace progressivement les cartes précédentes. De nouveaux terminaux de paiement mobiles de nouvelle génération sont aussi mis en service dans les stations d’avitaillement. Aucun frais bancaire ne s’applique. « La profession ne paie que l’élimination, l’administration est payée par les États signataires de la convention », indiquent Katrin Moosbrugger et Charline Daloze.

Il appartient aux IN d’organiser le système de financement uniforme de la réception et de l’élimination des déchets huileux et graisseux (partie A). Il appartient aussi aux IN de s’assurer que le réseau des stations de réception est suffisant dans leurs pays respectifs et de faire remonter les coûts correspondants. La péréquation financière internationale, c’est-à-dire les recettes et les coûts transmis par chaque IN puis la redistribution aux 6 États signataires, relève de l’IIPC. Chaque fin d’année, l’IIPC produit pour la CPC un rapport relatif à l’évaluation annuelle du système de financement et émet des propositions pour le montant de la rétribution d’élimination pour l’année suivante.

Des recettes, des coûts, une péréquation

« La convention fonctionne selon un principe de solidarité/redistribution entre les 6 États signataires, expliquent Katrin Moosbrugger et Charline Daloze. Par exemple, les Pays-Bas perçoivent des recettes plus élevées, l’Allemagne fait face à des recettes qui ne couvrent pas les coûts. L’équilibre financier est établi par une formule de répartition dite la « péréquation internationale ». C’est aussi en fonction de ce principe que la convention a mis en place un tarif unique de 7,50 €/1 000 litres de gazole. Ce tarif a été fixé en 1996, est entré en vigueur en 2011 et n’a pas changé depuis. »

Le montant du tarif de la rétribution d’élimination apparaît relativement faible par rapport au cours du gazole et à ses variations. Pour Katrin Moosbrugger et Charline Daloze : « C’est un tarif très intéressant pour un service indispensable à la profession. Il organise un marché du traitement de déchets pour une filière dont aucun membre seul ne pourrait l’organiser ou alors à des coûts nettement supérieurs et avec des solutions plus complexes que celles possibles avec une convention internationale ».

Au cours des dernières années, les coûts du système ont eu tendance à augmenter pour deux raisons principalement. D’une part, le réseau de station de réception des déchets a dû être complété dans certains des États signataires comme la Belgique. D’autre part, des obligations réglementaires nouvelles s’imposent à la navigation intérieure en dehors de la CDNI comme l’obligation du passage à la double-coque pour les bateaux déshuileurs. Si ces derniers bénéficient d’une dérogation jusqu’en 2038, les 40 bateaux déshuileurs sous contrat dans le cadre de la CDNI vont devoir s’y préparer sans trop tarder maintenant. Comme autre réglementation, il y a le règlement EMNR et ses normes plus restrictives en matière d’émissions polluantes des moteurs des bateaux fluviaux. Les bateaux déshuileurs devront aussi les respecter.

Le système est encore à l’équilibre en 2018 grâce à l’excédent des années passées et le tarif de la rétribution pour élimination va demeurer à 7,50 € pour 2019, a décidé la CPC lors de sa réunion d’hiver le 13 décembre 2018. Pour maintenir cet équilibre à l’avenir, la CPC a lancé une réflexion sur les solutions possibles qui vont faire l’objet d’échanges avec la profession et les IN. Une audition de la profession est prévue le 17 décembre 2019 et un atelier sous forme de table-ronde pourrait être organisé en 2020. « Notre rôle est de préparer l’avenir. Aujourd’hui, il semble quasiment inévitable d’augmenter le montant de la rétribution après 10 ans de maintien du même tarif, avancent Katrin Moosbrugger et Charline Daloze. La profession a totalement adhéré à cette convention. Nous travaillons également en coopération avec des organisations agréées représentatives au niveau international et qui vont au-delà de la profession pour certaines. Elles permettent des échanges plus larges sur la préservation de l’eau, de l’environnement. La convention a démontré son efficacité. Grâce à elle, les pollutions ont quasiment disparu et les quelques-unes qui surviennent encore sont de bien moindre dangerosité qu’auparavant ».

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