Une nouvelle donne pour CFT/Sogestran sur l'axe Seine

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CFT Seine a enregistré un trafic de 4 millions de tonnes de marchandises tous trafics confondus en 2021. L'activité fluviale sur l'axe Seine a bénéficié ces dernières années des chantiers du Grand Paris. Ce n’est plus le cas, l'évacuation des déblais faisant l'objet d'une pause jusqu'en 2025. L'entreprise doit se redimensionner, indique Mathieu Blanc, directeur métier fluvial chez CFT/groupe Sogestran. Un article extrait du dossier spécial « axe Seine » du magazine mai-juin 2022 de NPI.
2021 a été incontestablement une année de croissance pour CFT Seine grâce notamment à l'activité des chantiers du Grand Paris. Comme les années précédentes, l'évacuation des déblais a entraîné une intense activité fluviale. « Nous avons travaillé sur trois dossiers, Eole, T2A et P3A. Ils ont représenté, pour nous, trois millions de tonnes de déblais soit 1750 barges et 300 000 kilomètres parcourus. Une centaine de navigants et de sédentaires ont été mobilisés. Nous étions sur tous les points de chargement et de déchargement. C'est une belle réussite industrielle pour nous dans un contexte de crise sanitaire de surcroît », explique Matthieu Blanc, directeur métier fluvial chez CFT/groupe Sogestran. Toutefois, le responsable ne cache pas une certaine déception concernant le trafic conteneurs en 2021 pour « des raisons de performance du passage portuaire au Havre. Le sujet n'est malheureusement pas nouveau », complète Matthieu Blanc. Pour le professionnel du transport fluvial, la bonne nouvelle vient de la suppression depuis le 1 avril 2022 par CMA CGM des surcoûts de manutention portuaire pour le chargement des conteneurs au Havre et à Fos-sur-Mer. « Cela va nous permettre de gagner en compétitivité, une dizaine de pour cent. Cela ne peut être que positif pour faire basculer un certain nombre de conteneurs de la route vers le fluvial. La compétitivité permet de gagner des parts de marché. Nous espérons en voir les effets d'ici la fin de l'année. Cette suppression des surcoûts est quelque chose que nous réclamions depuis longtemps, à savoir un traitement similaire à ce qui se passe dans les ports d'Europe du Nord ».

40 postes supprimés

Depuis plusieurs années, les clients de CFT n'ont pas « révolutionné » leur supply chain ce qui entraîne des trafics plutôt stables. « Il n'y a pas vraiment de nouveaux marchés parce que le pays se réindustrialise doucement ». Sur l'axe Seine, le Grand Paris et le trafic conteneurs sont les deux grands piliers de l'activité de CFT. Matthieu Blanc explique, cependant, que 2022 est une année paradoxale. « En 2021, nous avons eu de l'activité avec un gros investissement des équipes. Mais, aujourd'hui, malheureusement, un plan de sauvegarde de l'emploi a été mis en place depuis le mois de mars pour supprimer une quarantaine de postes afin d'accompagner une décroissance liée à la fin de l'activité du Grand Paris. Ce chantier représentait pour CFT une grosse activité avec des millions de tonnes traitées, quarante barges chargées et déchargées par semaine. Le Grand Paris, ce sont quarante-deux barges et onze pousseurs ». Sur cette activité, CFT Seine connaît donc une pause aujourd'hui. L'entreprise est à la recherche d'autres relais de croissance sur l'axe Seine en attendant 2025, date à laquelle les chantiers liés au grand Paris devraient permettre à l'entreprise de retrouver une activité plus importante. L'entreprise estime également que ponctuellement les Jeux Olympiques de Paris peuvent relancer quelques dossiers. « Nous ne négligeons aucune opportunité aujourd'hui ». Conséquence de cette conjoncture et pour adapter la taille de l'entreprise au marché actuel, CFT doit redimensionner sa flotte pour les vracs sec et liquide avec un noyau de soixante-dix coques contre cent auparavant. La transition se fera tout au long de l'année 2022. De manière générale, Matthieu Blanc observe deux grandes tendances qui se dessinent chez les clients. La première, c'est la digitalisation avec une demande croissante d'information sur le passage et le traçage de la marchandise. « Nous mettons à disposition de la data à nos clients mais nous ne la traitons pas ». La seconde, c'est la demande de « décarbonation », un sujet sur lequel CFT s'investit activement avec différents projets de mode de propulsion visant à réduire sur les longues distances les émissions de gaz à effet de serre et à les supprimer totalement pour les trajets en zones urbaines. L'entreprise fait ainsi des expérimentations avec des carburants ou bio-carburants de nouvelle génération, avec de l'hydrogène (projet de l'automoteur Zulu 6). « Les clients savent que nous sommes capables d'apporter des solutions dans le domaine mais force est de constater que peu d’entre eux sont prêts à payer le coût de la transition énergétique. Mais nous sommes confiants. Nous évangélisons », confie le responsable. Pour lui, le rôle de l'opinion publique sur ces sujets aujourd'hui mais aussi le coût du carbone qui commence à peser sont des éléments qui peuvent aller dans le sens d'une accélération de la transition énergétique.

Une logique industrielle

Si CFT salue l'initiative de Haropa Port d'équiper l'axe Seine en prises électriques, elle souhaite que les quais privés et donc les industriels eux-mêmes soient également en mesure de fournir de l'électricité aux unités fluviales. Celles-ci passent 40 % de leur temps à quai pour les opérations de chargement et de déchargement. Matthieu Blanc salue le programme d'investissement supplémentaire de Voies navigables de France (VNF) tout en regrettant qu'il n'ait pas pu être lancé plus tôt. « Nous sommes dans l'attente sur l'axe Seine d'une vraie logique industrielle pour les systèmes d'écluses, non pas d'une logique de service aux usagers ». Parmi les axes de progression, Matthieu Blanc cite aussi la fluidité du passage des barges dans les ports. « On peut améliorer encore les choses sur ce sujet. Nous allons sur le terminal multimodal du Havre parce que nos clients nous le demandent. Mais nous sommes un peu déçus par le niveau de service des escales sur le terminal. Est-ce dû à un manque de personnel ? Il faudrait que la question soit traitée ». Sur l'axe Seine, le responsable estime qu'il est crucial d'avoir un terminal fluvial fort et prépondérant comme il est tout aussi important d'avoir un port prépondérant. « Sur la Seine, c'est Gennevilliers qui doit jouer ce rôle et qui doit être performant dans sa dimension industrielle ».

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