Le fret a quasiment disparu sur le canal des Deux-Mers, devenu l’emblème du tourisme fluvial. Le transport de marchandises pourrait cependant y redémarrer, cette relance s’appuyant sur la logistique urbaine. « Sur la longue distance, sauf cas particulier, le fluvial ne serait pas rentable sur un canal du Midi limité à un gabarit de 30 m. Mais ce mode est pertinent en zone urbaine, à Bordeaux comme à Toulouse. On ne va pas révolutionner la logistique locale, on n’arrivera pas au même niveau qu’à Paris, mais il y a des choses intéressantes à faire pour que le fluvial prenne des parts de marché », estime Ghislain Frambourt, directeur adjoint de la direction territoriale Sud-Ouest de VNF.
À Toulouse, il note un « grand intérêt pour la voie d’eau en centre-ville », quand bien même il s’agit de petit gabarit. Tisséo, le réseau de transport en commun de l’agglomération toulousaine, prévoit la construction d’une troisième ligne de métro et envisage d’utiliser le fluvial pour le chantier. La décision n’est pas encore prise, mais les acteurs locaux s’organisent en conséquence. En 2020, un test de transport de matériaux de construction a ainsi été réalisé pour le constructeur Spie Batignolles par la société l’Équipage : Jean-Marc Samuel a transporté 130 t de blocs de béton à bord de son bateau Tourmente. Un des objectifs était de valider le tirant d’eau du canal dans la traversée de Toulouse.
Le canal latéral à la Garonne pourrait aussi être utilisé à Toulouse pour des transports liés à des livraisons de colis. « Ce que fait ULS à Strasbourg, il n’y a pas de raison pour que ce ne soit pas faisable à Toulouse », note, par exemple, Ghislain Frambourt. La ville présente en effet les infrastructures nécessaires à de tels schémas logistiques. En centre-ville, les ports Saint-Sauveur et de l’Embouchure peuvent, sans travaux conséquents, être utilisés pour des déchargements de marchandises. En périphérie, le quartier de Lalande dispose d’une plateforme qui a longtemps servi à des activités logistiques et pourrait être utilisée pour le chargement des bateaux.
« Le fleuve est la solution »
Changement de gabarit à Bordeaux : la ville comme l’hinterland sont desservis par une Garonne dont l’aménagement permet la navigation à grand gabarit jusqu’à Langon, à 50 km en amont du Pont de Pierre. Le transport fluvial d’éléments d’Airbus s’est arrêté avec la fin de l’assemblage à Toulouse de l’A380. Quelques éléments de Beluga XL sont encore prévus en 2021, mais, à partir de 2022, la plateforme de Langon sera disponible : une opportunité pour de nouveaux transports fluviaux dans la région !
À Bordeaux, les élus souhaitent redonner au fleuve, déjà utilisé pour des transports de passagers intégrés dans le réseau de transport public, une place centrale en matière de transport de marchandises. En témoigne l’intitulé de la délégation de l’adjointe au maire Nadia Saadi, chargée des mutations économiques et de l’économie du fleuve, qui déclare : « Le fleuve et l’estuaire ont été pendant de nombreuses années les grands oubliés des politiques de la ville et de la métropole. Afin d’engager une mutation économique du fleuve, qui n’était envisagé que sous l’aspect touristique, nous travaillons sur un schéma directeur des équipements fluviaux, pour les passagers comme pour les marchandises car le fleuve est la solution qui permet de désengorger les transports ».
Cinq quais ont été identifiés pour de la logistique urbaine sur les rives de la Garonne, qui permettront le déchargement de marchandises pour des livraisons par vélo-cargo. Les zones d’embarquement prévues sont pour certaines peu éloignées du centre-ville : par exemple Bassens, en rive droite de la Garonne à l’aval immédiat de Bordeaux. D’autres le sont beaucoup plus, comme Marmande, en amont sur la Garonne. À mi-chemin entre Agen et Bordeaux, on y trouve beaucoup de maraîchers qui pourraient livrer par bateaux leurs récoltes sur les quais bordelais.