Neuves-Maisons change de braquet

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Le port au débouché de la Moselle canalisée se fixe de nouvelles ambitions sous sa gestion désormais privée.

Le port de Neuves-Maisons ne veut plus être « un cul-de-sac », un « terminus » de la Moselle canalisée à grand gabarit. Filipe Pinho, président réélu de la communauté de communes concernée, celle de Moselle et Madon, le proclame haut et fort. Et il a trouvé un allié dans le secteur privé pour joindre le geste à la parole : Bétons Feidt. Ce groupe luxembourgeois, arrivé sur place dès 2013 par l’installation d’une centrale à béton, se trouve à l’origine d’une nouvelle gouvernance, voulue tremplin d’une redynamisation. Il a déclenché la création en 2019 de la société Lorport qui a pris à la fois la propriété et l’exploitation de la zone portuaire. Soit une configuration hors de celle des « Ports lorrains » réunis dans la nouvelle concession, dont Neuves-Maisons ne fait donc pas partie.

À Lorport est confié le soin de transformer Neuves-Maisons en « la porte d’entrée multimodale sud de l’agglomération nancéienne », expose Filipe Pinho. Dans cet objectif, la société a enclenché sans tarder sa prospection commerciale. Une prospection commerciale a convaincu Terialis-EMC2 pour des engrais solides, la Société des carrières de l’Est et la branche carrières du cimentier Vicat de devenir des utilisateurs du port. « L’implantation bord à voie d’eau est un pilier de la stratégie du groupe, elle s’est déjà appliquée plus au nord à Metz-La Maxe et Thionville-IIlange côté français et à Mertert au Luxembourg », rappelle son directeur France Christophe Mendes, également dirigeant de Lorport. Les coopératives céréalières représentent un autre potentiel. Le groupe In Vivo a d’ailleurs rejoint la famille Feidt au capital de Lorport. Au total, les chargeurs déjà implantés ont investi au cumul 50 millions d’euros sur place, selon Lorport.

Une vision environnementale

La nouvelle société exploitante se fixe l’objectif d’un trafic annuel d’environ 700 000 tonnes, dans une estimation qu’elle qualifie de prudente. « Outre les chargeurs immédiatement proches, les zones prioritaires sont les départements des Vosges et de la Haute-Marne. Riche d’un important tissu industriel, Neuves-Maisons représente pour eux le débouché le plus proche pour des expéditions vers la mer du Nord », souligne Christophe Mendes. Lorport assure ne pas souhaiter capter de trafics partant de beaucoup plus loin, au nom des économies de C02, dont Bétons Feidt a fait pour sa propre activité une règle d’or. Elle compte en convaincre les ports voisins, ceux de Toul à l’Ouest de Nancy, et de Frouard au Nord. « Si chacun veut tirer la couverture à soi, les pré-acheminements vont parcourir une trentaine de kilomètres en plus. Entre Toul et Lorport, chaque poids lourd supplémentaire représente l’émission de 10,1 kg de C02 aller-retour. Entre notre zone et Frouard, c’est également 7,8 kg en plus. Par une stratégie intelligente, nous avons l’opportunité de retirer de la route 25 000 camions sur une année entière », calcule Christophe Mendes.

Filipe Pinho voit dans le développement du trafic fluvial à Neuves-Maisons une autre opportunité, sous l’angle du report modal et de l’aménagement du territoire : délester le trafic routier jusqu’à… ne plus justifier l’élargissement de l’A31 au sud de Nancy. « Le projet conçu avec Lorport répond parfaitement à la politique de développement économique fixée par les élus communautaires : garder l’industrie comme pilier, en intégrant l’enjeu environnemental, notamment par le fait de réinvestir des terrains existants, aujourd’hui délaissés ».

La création du port de Neuves-Maisons remonte au début du XXe siècle – il fut alors le premier le long de la partie du cours de la Moselle restée française après 1870. Le grand gabarit a été mis en service en 1976 mais depuis, le trafic se résumait, pour l’essentiel, aux flux sidérurgiques, et quasi-exclusivement dans un seul sens, celui des entrées de ferrailles afin de faire tourner le four électrique de l’aciérie qui s’est convertie à cette technologie de production dans les années 1980. Pour Christophe Mendes : « En ciblant les trafics d’exportation, notre projet va permettre le rééquilibrage de l’activité portuaire et de l’hydraulicité ».

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