L’effondrement du pont Morandi à Gênes a des conséquences sur l’activité du port

Le 18 août 2018, l’Italie a rendu hommage aux victimes du pont Morandi. Dix sept familles ont refusé de participer aux funérailles nationales organisées par l’Etat italien, accusé d’avoir sa part de responsabilités dans le drame. En parallèle, l’enquête sur les causes de l’effondrement a commencé. Les conséquences économiques de l’absence du pont commencent aussi à apparaître, notamment pour l’activité du port de Gênes, l’un des plus importants d’Italie.

Le contrat sur la manutention ordinaire et extraordinaire passé entre l’Etat italien et la société Autostrade détenue à 100% par le consortium Atlantia et la liste des travaux de rénovation effectués au niveau de la structure depuis son inauguration en 1967 ont été saisis par les enquêteurs. Des questions sont déjà posées sur l’appel d’offres restreint lancé en mai dernier pour consolider une partie des tirants par Autostrade. Une opération visiblement urgente compte tenu de l’application de la procédure de restriction, la consolidation des tirants ayant été repoussée à plusieurs reprises. Le parquet a aussi saisi les images des caméras de surveillance, les séquences tournées pouvant montrer l’effondrement du pont ou, pour le moins, l’état réel des voies avant et peut-être après le drame.

Sous le pont, les ingénieurs contrôlent les piliers, notamment celui qui menace de s’effondrer en écrasant dans sa chute les immeubles d’où quatre cent familles ont été évacués. L’idée des experts est de démonter le pont avant qu’il ne s’écroule totalement. Mais une question est déjà sur les lèvres de tous les experts : combien de temps le pont tiendra t-il ? 

Une ville coupée en deux

Tandis que les magistrats et les ingénieurs s’interrogent, les Génois tentent de recommencer à vivre. Mais tout est devenu compliqué. « Ce drame va avoir des répercutions importantes sur la vie quotidienne des Génois, sur le plan social et économique », assure Luigi Merlo, ancien président de l’autorité portuaire génoise et actuel président de Federlogistica-Conftrasporto, l’association de la logistique et des transports.

Depuis le 14 août 2018, la ville est coupée en deux car le pont Morandi était la voie centrale du trafic routier. Pour aller d’un point à l’autre, se rendre à l’aéroport ou emprunter l’autoroute qui mène vers le Nord du pays et la France, il fallait passer sur le pont. Des itinéraires alternatifs ont été mis en place avec la réouverture de la voie Aurelia, l’antique voie romaine qui relie la capitale Rome à la France via Gênes. Mais la circulation risque d’être rapidement saturée car au transit journalier des résidents et des poids lourds sur le pont, s’ajoutait le trafic portuaire.

Interrogée par France Info le 15 août 2018 au lendemain de l’effondrement du pont Morandi à Gênes, Elisabeth Borne, ministre des Transports, a estimé que cet accident, le plus meurtrier de ce type en Europe depuis 2001, montrait « toute l'importance de l'entretien des ouvrages ». Elle a indiqué qu’en France, « tous les ponts font l'objet de visites annuelles et de visites plus détaillées tous les trois ans ».

« Je présenterai une loi de programmation des infrastructures à la rentrée, car on veut avoir une visibilité dans la durée, a-t-elle rappelé. L’entretien, c'est notre priorité, ça se traduit dès le budget 2018 et ça se traduira pendant plusieurs années ».

Le 15 mai 2018, la ministre avait annoncé au Sénat le lancement prochain d'un « plan de sauvegarde des routes nationales » visant à rénover d'urgence les chaussées et les ouvrages d'art (ponts, tunnels..) après la remise d'un rapport d'audit mettant en évidence « l'état critique du réseau ». Elle avait alors déclaré : « Notre sous-investissement a été manifeste », en estimant que « 50% des surfaces de chaussées sont à renouveler, alors que près d'un pont sur dix est en très mauvais état ».

Le plan vise à dépenser un milliard d'euros par an pour l'entretien et la modernisation des routes, contre 800 M€ en 2018, soit 100M€ de plus qu’en 2017. Un rapport d’audit, demandé par le gouvernement non rendu public mais dont une synthèse est en ligne sur le site du ministère de la Transition écologique, estime à 1,3 Md€ en moyenne par an le coût des dépenses annuelles à prévoir pour l'entretien et la remise en état du réseau.

Devant la différence entre les besoins estimés et les sommes consacrées, certains relancent l’idée d’une « écotaxe », contre laquelle TLF et la FNTR sont vent debout. Il y aussi l’option d’une « vignette poids lourds » avancée par la ministre des Transports, qui reprend ici une préconisation du rapport du conseil d’orientation des infrastructures remis au gouvernement le 1er février 2018 en vue de préparer la loi de programmation des infrastructures.

Le port de Gênes est isolé

Certains craignent que le Salon nautique, qui se tient chaque année en septembre, soit déplacé. Pire, qu’une partie du trafic portuaire (ferry-boat, paquebots de croisières, porte-conteneurs) soit déviée ailleurs. Car après le drame, le port est isolé. « Les travaux sur la construction d’une nouvelle voie autoroutière reliant Gênes à Ventimiglia n’ont pas été terminés. Le réseau ferré est inadéquat. Le transport des marchandises et l’acheminement des matériaux vers les chantiers navals seront pénalisés», indique Luigi Merlo. Selon un rapport, les activités du port, l’un des principaux européens avec un trafic de 2,2 MEVP de conteneurs et 51,3 millions de tonnes de marchandises par an, créent une valeur annuelle de 10,9 Md€ grâce à toute la filière. Chaque jour, 4000 poids lourds transitent dans le port. La station maritime accueille chaque année 3 millions de passagers. « L’an dernier, le volume global de trafic de marchandises a augmenté de presque 10%. Le tourisme représente 15% du PIB régional avec 15 millions de visiteurs par an dans toute la région. Pour faire face aux difficultés de déplacement après l’effondrement du pont, nous réfléchissons à un système de transport nocturne et à ouvrir les terminaux la nuit car on ne pourra pas utiliser les parcours ordinaires de jour», détaille Giovanni Mondini, président de Confindustria Genova, l’association des industriels régionaux. Comme les cinquante opérateurs portuaires réunis en urgence au lendemain du drame pour évaluer son impact économique, il souhaite que les travaux actuellement en cours soient rapidement terminés, l’économie portuaire étant le moteur de l’économie régionale 

L’administration locale va donc devoir mettre rapidement en place des solutions pour les 25,5 millions de véhicules qui traversaient le pont Morandi chaque année, ce qui représente 30% du volume de trafic routier sortant de la ville. En plus de la remise en ordre des ponts et chaussées de la ville évoquée par le gouvernement, il faut prévoir la réparation du tronçon de voie ferrée et des hangars de stockage endommagés lors de l’écroulement du pont. Le gouvernement a promis d’agir vite. Mais à Gênes, on craint que cela ne soit que des mots.

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