L’idée d’un bateau tout-électrique est venue en 2016 de Voies navigables de France (VNF) qui l’a proposé à des constructeurs et loueurs, l’établissement s’engageant à installer les bornes électriques pour la recharge des batteries le long de 120 km d’itinéraire en Alsace. Nicols et Les Canalous ont répondu positivement à VNF, tous les deux étant à la fois loueur d’envergure nationale et constructeur de bateaux avec leur propre chantier, à Cholet pour le premier et à Digoin pour le second. Les deux entreprises possèdent chacune deux bases sur le bassin du Nord de l’Alsace. Cette partie du réseau a été choisie car la clientèle majoritairement allemande et suisse est particulièrement sensible à la préservation de l’environnement et donc susceptible d’être intéressée par la location d’un bateau tout-électrique, zéro émission et silencieux. L’analyse était juste : la clientèle du Sixto Green est à 80 % étrangère.
Le clapotis de l’eau
« Nous sommes toujours en phase d’expérimentation, indique Corinne Dufaud. Le dernier comité de pilotage a confirmé que d’un point de vue technique, la réussite est aussi au rendez-vous. Il n’y a eu aucun souci au cours des deux saisons ni avec les batteries ni avec les bornes de recharge ». L’implantation de celles-ci, tous les 11 km, répond aux besoins en permettant un amarrage forain, pour un arrêt lors du déjeuner ou pour la nuit. Le temps de chargement, entre 1 h 30 et 2 h, permet une navigation de 6 à 8 h, les plaisanciers n’ont donc pas à s’arrêter tous les jours pour recharger les batteries ion-lithium. Elles sont aussi simples d’utilisation et proposent plusieurs langues. « Il était important pour nous que nos clients n’aient pas l’impression d’avoir un fil à la patte à cause de la recharge des batteries. Cet objectif est atteint ». Plus globalement, la satisfaction des clients est au rendez-vous : pas de bruit ni d’émissions, pas d’odeur, seul se laisse entendre le clapotis de l’eau sur la coque. « C’est une vraie immersion dans la nature, un tourisme vert, respectueux de l’environnement et des écosystèmes. C’est le bateau de croisière de demain qui démontre que l’écotourisme offre de vraies perspectives de développement durable ».
La déclinaison ailleurs de ce qui a été fait sur cette partie du réseau en Alsace constitue un défi à relever. Le développement, la fourniture, l’installation des 10 bornes de recharge électrique a représenté un coût d’environ 400 000 euros pour VNF. Il faudra plusieurs années pour rentabiliser le Sixto Green de Nicols et la Péniche S des Canalous. Dans le cadre de cette expérimentation, VNF a pris en charge le coût des bornes pour avancer rapidement et démontrer la faisabilité du projet mais ne pourra pas financer seul cet aspect sur les autres parties du réseau comme, par exemple, en Bourgogne ou le canal du Midi. L’une des pistes est de mobiliser les collectivités pour le financement de ce genre de borne électrique de faible puissance.
Législation sur le modèle français
L’actualité de 2020 pour Nicols se conjugue aussi avec l’ouverture de quatre nouvelles bases sur un total de 27 réparties en France, en Allemagne, au Portugal, aux Pays-Bas, et, nouveauté, en Hongrie. Les quatre nouvelles bases sont situées respectivement en France dans la vallée du Lot au départ de Cahors, en Allemagne à Fürstenberg, en Hongrie à Kisköre et Tokaj.
« L’implantation en Hongrie constitue une grande nouveauté et une exclusivité. Il n’y avait pas d’offre de location de bateaux habitables sans permis dans ce pays. Il y avait seulement des bateaux-promenade à Budapest. Pour Nicols, cela représente un développement à fort potentiel et le résultat d’un projet passionnant qui a mobilisé nos deux savoir-faire : le chantier et la location/gestion de bases », raconte Corinne Dufaud.
Le lancement de la première saison en mai 2020 sur les deux bases à Kisköre et Tokaj fait suite à l’appel d’offres de l’Etat hongrois remporté par Nicols en décembre 2018. « Nous avons un rôle d’expertise et de conseil. L’Etat hongrois a investi dans la réalisation des deux bases et des bateaux. Fin novembre 2019, par exemple, nous avons reçu au sein du chantier Nicol’s Yacht une délégation de Hongrois pour une formation technique sur la maintenance des bateaux ; plusieurs autres ont participé à une formation pour apprendre à se servir des outils de réservation pour la commercialisation des produits. Nous avons aussi organisé une formation à l’accueil sur les bateaux, comment expliquer aux plaisanciers leur utilisation ». En 2019, 10 bateaux ont été construits au chantier de Nicols à Cholet, 10 autres le seront en 2020.
La Hongrie a dû adopter une législation pour permettre le lancement de cette nouvelle activité dans le pays. Le gouvernement a pris pour modèle la législation et la réglementation françaises et les textes ont été adoptés à l’automne 2019. « Il faut maintenant faire connaître la nouvelle offre et bien faire comprendre à la clientèle sur place que c’est sans permis de navigation », relève Corinne Dufaud. Pour elle, en Hongrie comme dans tous les pays, il y a un potentiel de clientèle CSP++ pour une telle offre touristique de location de bateaux habitables sans permis. Il y a une commercialisation organisée sur le marché hongrois par l’Etat. « La promotion a largement commencé dans le pays et s’appuie sur les 10 bateaux déjà livrés. De notre côté, nous travaillons régulièrement avec des agences hongroises qui vendent nos croisières ailleurs en Europe et qui nous envoient des clients hongrois : ceux-ci pourront être intéressés pour naviguer près de chez eux ! Nous avons aussi notre clientèle internationale qui peut être intéressée par la nouvelle destination Hongrie ».
Sachant que la base de Kisköre, à environ 1 h 30 de Budapest, est située dans une grande réserve naturelle tandis que Tokaj, un peu plus éloignée de la capitale (2 h 30 à 3 h) se trouve à proximité de la Slovaquie et est renommée pour son vin, peut-être davantage connu quand on l’écrit Tokay.
La participation de Nicols au lancement et à l’implantation de cette offre de location de bateaux habitables sans permis en Hongrie peut constituer un tremplin pour un développement vers d’autres pays de l’Europe de l’Est à plus ou moins brève échéance.