Les aides publiques pour la transition énergétique du fluvial

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Lors du colloque « Vert le fluvial » consacré au financement de l’évolution des bateaux dans le contexte des transitions énergétique et écologique, les aides publiques ont été passées en revue. Le PAMI mis en place par VNF est un succès, avec une enveloppe financière grandissante octroyée à ce dispositif de financement et son ouverture aux bateaux de transport de passagers. Toutefois, pour des projets concrets comme celui de la Communauté portuaire de Paris, il apparaît que les aides actuelles ne suffisent pas.

Le financement du verdissement de la flotte fluviale, qui a fait l’objet du colloque « Vert le fluvial » organisé par VNF le 16 octobre 2020, est « la pierre angulaire ou le talon d’Achille » de l’évolution des bateaux, selon le directeur de l’établissement public, Thierry Guimbaud.

L’objectif est une navigation fluviale zéro carbone en 2050. Avec une première étape en 2035, où les émissions carbonées devront déjà avoir été réduites de 35 % par rapport à leur niveau de 1990, comme le rappelle Nicolas Trift, sous-directeur des ports et du transport fluvial au ministère chargé des transports : « Beaucoup de moyens existent, comme le plan hydrogène ou le PAMI, il faut les rendre plus visibles. Au-delà du financement, il y a la question réglementaire. Vous pouvez compter sur le ministère des transports pour lever les freins réglementaires à l’innovation technologique. Le fluvial est, de tous les modes massifiés, celui qui peut passer à l’hydrogène le plus rapidement ».

Le rôle du plan de relance

La transition énergétique de la flotte doit notamment s’appuyer sur les gestionnaires d’infrastructures, pour le déploiement d’équipements d’approvisionnement en électricité ou en hydrogène.

« Le budget de VNF est passé de 150 M€ en 2019 à 220 M€ en 2020 et dépassera 300 M€ en 2021 et 2022 ; ce doublement en deux ans du budget de VNF est un aspect capital du plan de relance fluvial, dont une partie concerne le verdissement », souligne Thierry Guimbaud, qui ajoute que « le rôle de VNF, en tant que bras armé fluvial de l’État, est d’accompagner, de soutenir et de dynamiser ce verdissement du fluvial. La transition des autres modes est très rapide, et notre mission est de faire en sorte que l’avantage environnemental du fluvial ne disparaisse pas. Nous nous y employons en « fluvialisant » les dispositifs d’aide existant. D’ailleurs, la remotorisation des bateaux se fait plus rapidement en France que dans les autres pays d’Europe : avec seulement 10 % de la flotte, nous comptons pour 20 % du marché européen de la remotorisation ».

L’exemple du travail mené par la communauté portuaire de Paris

Le soutien public au verdissement de la flotte doit aussi se faire selon des modalités pratiques qui collent aux attentes des acteurs du transport fluvial. Président de la communauté portuaire de Paris (CPP), Olivier Jamey souligne qu’en 2030, il n’y aura plus de véhicule terrestre carboné dans la capitale. « On doit anticiper cela, pour que le fluvial tienne son rang de mode propre », affirme-t-il.

De son côté, le président d’Entreprises fluviales de France (E2F), Didier Léandri, a souligné que « le verdissement est un impératif environnemental, sociétal et réglementaire auquel nous devons nous préparer », ajoutant toutefois que la priorité actuelle des entreprises était aussi de passer le cap de la crise économique suite à la crise sanitaire.

La CPP, qui compte 130 membres, dont la moitié pour des installations fixes et la moitié pour l’exploitation des 141 bateaux navigant dans Paris, s’emploie à accompagner ses membres dans la transition vers la navigation décarbonée. Avec le choix, écologique et économique, de remotoriser en électrique la flotte actuelle plutôt que de construire de nouveaux bateaux. « Une démarche forcément collective, précise Olivier Jamey, aucun acteur ne pouvant y arriver seul ».

L’étude menée par la CPP étudie un panel de 12 bateaux, représentant six usages différents de la flotte parisienne. Le coût de la transition vers l’électricité de la flotte actuelle est estimé à 100 M€. En comparant le coût d’exploitation en thermique au coût d’investissement et de fonctionnement en électrique sur dix ans, moyenne de la durée des conventions d’occupation à Paris, le constat est simple : aucun bateau ne peut se passer de subvention pour atteindre la neutralité économique de cette transition.  Avec les subventions existantes, qu’elles soient accordées par la ville, la région, VNF ou l’Union européenne, les deux bateaux de la catégorie « bateau promenade » parviennent à la neutralité économique, mais seulement un bateau sur deux dans les catégories « petits bateaux », « restauration » et « automoteurs ». Dans les catégories « bateau de travail » et « bateau privatif » en revanche, aucun bateau ne peut réussi une transition énergétique neutre économiquement selon l’étude de la CPP.

« Les sept dispositifs d’accompagnement existants ne répondent pas aux mêmes critères et n’ont pas la même temporalité. Nous devons les rendre plus accessibles, pour ne pas dissuader les porteurs de projets de se lancer dans la transition énergétique », affirme Olivier Jamey, qui estime à 30 à 40 M€ les besoins financiers pour parvenir à une transition neutre économiquement pour les acteurs parisiens du fluvial.

Transition écologique et économique

« Il faut accoler à la notion de transition écologique celle de transition économique, confirme Didier Léandri. D’autant que l’accès au financement va se durcir pour les entreprises, auxquelles on demandera des garanties plus importantes qu’avant la crise. C’est tout l’intérêt du plan de relance, qui oriente les flux financiers vers les investissements verts. Nous avons aussi besoin d’une fiscalité incitative à l’investissement : il y a bien quelques dispositifs dans les dernières lois de finance, mais qui restent encore insuffisants. Il faut aussi sécuriser l’investissement pour que les entreprises soient certaines de pouvoir exploiter, chacune sur son marché, les bateaux équipés des technologies choisies. Pour l’hydrogène par exemple, cela nécessite une filière d’approvisionnement, mais aussi une réglementation qui permette son utilisation. Mais l’hydrogène n’est pas la seule voie possible. Il n’y a d’ailleurs pas de solution universelle, techniquement stable et économiquement soutenable, ce qui nous oblige à passer par différentes étapes. Certaines entreprises pratiquent le refit de moteurs thermiques, d’autres l’hybridation ou le 100 % électrique. Rien qu’à Paris, neuf bateaux électriques ont été lancés en 2020, avec des financements privés et l’aide du PAMI de VNF ».

Le rôle important du PAMI

Le plan d’aide à la modernisation et à l’innovation (PAMI), lancé par VNF en 2008, monte en puissance depuis sa création. Le premier PAMI, qui couvrait la période 2008-2012, a concerné un ensemble de projets totalisant 20 M€ d’investissement. Pour le PAMI actuellement en cours (2018-2022), ce montant atteint déjà 120 M€ à ce jour, dont 10,2 M€ d’aides accordées par VNF en deux ans. Cela concerne 228 projets, dont 30 créations d’entreprises et 25 achats de bateaux dans le cadre du développement d’une activité préexistante.

Le plafond accordé par bateau progresse : de 60 000 € lors de sa création, il atteint aujourd’hui 150 000 €. Considérant que la contrainte économique sur les bateaux à passagers était de plus en plus forte, le dispositif est désormais ouvert aux bateaux de transport de passagers ainsi qu’à la plaisance locative.

Le PAMI est en train de devenir le guichet unique pour l’accès des entreprises à d’autres financements et aides publiques. L’Ademe, par exemple, consacre 4,2 M€ à l’amélioration de la performance de la flotte fluviale et aux économies d’énergies, à travers des aides à la remotorisation. « Pour obtenir ces aides, il suffit de déposer uniquement un dossier auprès de VNF, qui les instruit et les présente à l’Ademe, précise Joffrey Guyot, chargé de mission à la direction du développement de VNF. Nous avançons même l’argent, que l’Ademe nous rembourse. Les aides au verdissement sont conséquentes : 40 % versées par VNF, et même 50 % grâce à l’Ademe. Mais elles n’atteignent pas encore le maximum de 60 % autorisé par l’Union européenne ».

Les régions aussi s’engagent aux côtés de VNF pour financer le PAMI. L’Île-de-France, a voté une enveloppe de 1,5 M€ pour le plan en cours pour agir sur les motorisation des bateaux, comme elle le faisait déjà précédemment pour les véhicules routiers. Cette somme ayant déjà été entièrement distribuée, VNF envisage de demander une rallonge financière à la région. La région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, de son côté, abonde le PAMI à hauteur d’1 M€. Mais, à la différence de la région capitale, les projets n’y sont pas assez nombreux pour que toute l’enveloppe attribuée au verdissement de la flotte par la région Sud soit consommée. Des négociations sont en cours avec la région Hauts-de-France pour qu’elle aussi participe à abonder le PAMI.

« Le PAMI répond aux enjeux de la décarbonation et de la qualité de l’air, pour lesquels il y a de plus en plus d’attente sociétale, souligne Philippe Cauneau, ingénieur à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Ce plan permet aux professionnels du transport fluvial d’investir dans des solutions innovantes. Mais il n’est pas suffisamment dimensionné. Alors que les subventions sont un élément clé pour que les bateliers obtiennent des financements bancaires, ce que l’on ne connaît pas c’est le nombre de dossiers non financés ».

Lors du colloque ont aussi été présentées des solutions de financements privés comme les certificats d’économie d’énergie.

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