Au bord de la Deûle, le site de Metaleurop transformé

Les sites fluviaux, portuaires ou industriels, peuvent connaître plusieurs vies. L’ancienne fonderie de plomb de Noyelles-Godault, site industriel ultra-pollué lors de sa fermeture, a été reconvertie par Suez en plateforme de recyclage des déchets de toute nature. Pied de nez à l’histoire pour cette ancienne friche industrielle bord à voie d’eau. Suite à la désindustrialisation frappant les sites alentour, elle était devenue le premier employeur privé du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Mais en 2003, la fonderie Metaleurop située à Noyelles-Godault, entre Lens et Douai, a fermé. Catastrophe sociale pour les 2 400 personnes qui y travaillaient. Casse-tête environnemental car le site industriel, exploité depuis la fin du XIXe siècle, est considéré comme le plus pollué de France. Le site classé Seveso 2, d’une surface de 67 ha et longé par 450 m de quai sur la Deûle à grand gabarit, regorge de divers substances : plomb, zinc et hydrocarbures sont présents sur et dans les sols. Pour dépolluer, l’État lance un appel d’offres, remporté par le groupe Suez. « L’usine était restée en charge avec des coulées de plomb dans les creusets et 3,5 km de canalisations de gaz pleines. Nous avons aussi dû procéder à une dépollution pyrotechnique, l’usine ayant été piégé avec des explosifs par les anciens salariés. Sans compter que le site avait été bombardé pendant les deux guerres mondiales... », se rappelle François Grux, directeur général délégué d’IWS Minerals France, filiale de Suez, qui avait, à l’époque, dirigé les opérations de dépollution.

Une lourde dépollution

Suez commence, avec d’anciens salariés réembauchés pour cette tâche, par s’atteler à l’inventaire de la pollution de ce site exploité depuis 1894 et qui produisait chaque année 130 000 t de plomb, 100 000 t de zinc et 260 000 t d’acide sulfurique. Au total, 926 types de déchets différents sont répertoriés, dont 83 000 m² d’amiante ciment. 83 bâtiments sont à désamianter et à démolir. Du nettoyage à sec du site, recouvert de poussière de plomb, jusqu’à la déconstruction des bâtiments, dont seulement six ont été conservés, le démantèlement aura duré deux ans. 47 000 t de déchets ont été valorisées, surtout des métaux. 190 000 t ne l’ont pas été : trop pollués, ils ont été stockés sur place.

La dépollution du sol a aussi été au programme, concernant une surface de 50 ha sur les 67 ha du site. À certains endroits, utilisés pour la production d’acide, il a fallu décaisser sur plusieurs mètres de profondeur, puis reconstituer le sol. Ailleurs, des bactéries ont été utilisées contre la pollution aux hydrocarbures. Enfin, il a fallu recouvrir le sol pour neutraliser la pollution due au plomb. « Pendant les 50 premières années d’exploitation de l’ancienne fonderie, les scories de plomb n’étaient pas mises en terril, mais utilisées pour remblayées le terrain, l’usine étant construite sur d’anciens marais. Nous avons décidé, pour isoler ce remblai ancien, de rehausser le terrain avec une épaisseur d’1 m de schiste, déchet provenant de l’extraction du charbon. En effet, le plomb ne relargue pas de pollution lorsqu’il ne reçoit pas de précipitation. Sur les 500 000 t de matériaux nécessaires à cette opération, un tiers était déjà présent sur site, un tiers est venu en camion de terrils locaux, le dernier tiers par bateau », détaille François Grux.

Pour cela, 300 m de quai ont été rénovés et équipés. Ils sont désormais utilisés pour des transports fluviaux de déchets valorisables ou valorisés. Car, au-delà de la dépollution du site achevée en 2006, le projet de Suez pour Noyelles-Godault prévoyait, dès l’origine, sa reconversion en plateforme de tri et de recyclage des déchets. Le groupe industriel, devenu propriétaire des terrains, a installé sur cet « écopôle » ses propres activités : centre de tri pour les déchets des entreprises, déchets industriels et encombrants, plateforme de dépollution des sols pollués aux hydrocarbures, recyclage des câbles électriques par l’entreprise Recycâble, filiale commune à Suez et au fabricant de câble Nexans. Des activités d’entreprises tierces y sont aussi implantées : un transporteur routier, le loueur Kiloutou, qui y procède au reconditionnement et à la revente en lots de matériel de chantier de seconde main. On est dans l’économie circulaire.

Des activités tertiaires liées au recyclage ont aussi pris place sur le site. Au total, une dizaine d’entreprises y sont implantées, employant environ 300 collaborateurs. Mais seulement une poignée d’anciens salariés de Metaleurop. Pour Suez : « Ce n’est pas étonnant, puisqu’on sait qu’il n’y a pas eu d’activité sur le site de 2003 à 2006. Les salariés de Metaleurop Nord étaient assez avancés en âge. De plus, l’activité a totalement changé : ce ne sont plus les mêmes métiers ». 

Une logistique fluviale 

Il reste encore des terrains disponibles, y compris bord à voie d’eau, sur le site Suez de Noyelles-Godault. Le quai est situé sur la Deûle, accessible aux bateaux de 3 000 t. Il n’est cependant utilisé que par des bateaux de 1 200 t, le principal chargeur sur le fluvial étant IWS Minerals, branche de Suez spécialisée notamment dans le traitement des terres polluées. Les bateaux de 1 200 t sont utilisés pour des transports de terres polluées à destination du Benelux, où des centres de traitements utilisent des procédés adaptés à d’autres types de pollution. « Certains procédés n’existent pas en France, par exemple, le traitement thermique pour les enrobés. Il est nécessaire d’avoir des usines spécialisées au niveau européen pour traiter des volumes suffisants. Par exemple, Suez dispose à Noyelles-Godault de la capacité de traiter les terres polluées aux PCB ou aux hydrocarbures. Ces transports fluviaux de terres polluées concernent 40 000 t par an, et ce tonnage est en augmentation », indique François Grux Ce devrait d’autant plus être le cas dans l’avenir, Suez prévoyant de doubler la surface de sa plateforme de retraitement.

D’autres transports fluviaux sont effectués pour le compte de Suez en sortie de son écopôle de Noyelles-Godault. La plateforme de tri, où sont acheminés des déchets collectés localement, a ainsi expédié en 2019 par transport fluvial 44 t de balles de papier, 5 358 t de carton, 10 386 t de bois et 2 407 t de plastique. À cela s’ajoute les transports de cuivre, issu du broyage de câble par l’entreprise Recycâble, installée sur l’écopôle. Précédemment installé à Calais, Recycâble est justement venu s’installer à Noyelles-Godault pour ne plus utiliser le camion pour ses expéditions. Le transport fluvial a été jugé plus sûr pour éviter les vols lors du transport de cuivre, même si la destination finale, Lens, n’est situé qu’à quelques kilomètres.

D’autres transports fluviaux sont réalisés par des entreprises n’appartenant pas au groupe Suez, mais installées sur le site. Il s’agit, en particulier, de la centrale d’enrobée, qui réceptionne chaque année cinq à dix bateaux de 1 200 t de granulats. Selon Suez : « On peut imaginer que des entreprises n’ayant pas accès au bord à voie d’eau puissent utiliser notre quai et les services associés, comme le pont à bascule dont nous sommes équipés ». 

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