L'extraction minière en haute mer pourrait commencer bientôt

Plonger dans les tréfonds du Pacifique pour extraire à grande échelle des minerais convoités : ce qui était jusqu'à récemment un horizon lointain pourrait devenir une réalité redoutée par les défenseurs de l'océan, alarmés des risques pour des abysses qui sont loin d'avoir livré tous leurs secrets.
"Je pense qu'il y a un risque réel et imminent" que l'extraction de minerais convoités commence, malgré "les risques environnementaux importants et les lacunes dans les connaissances", assure Emma Wilson, du groupement d'ONG Deep Sea Conservation Coalition.
Et le traité pour protéger la haute mer, même s'il est adopté lors des négociations qui commencent le 20 février, risque de ne pas changer la donne : il n'entrera pas en vigueur tout de suite et il devra composer avec l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM).

En vertu de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM), basé en Jamaïque, et ses 167 États membres ont la main sur ce "patrimoine commun de l'humanité", le plancher océanique hors eaux territoriales des États et les ressources qu'il recèle. Avec un double mandat jugé irréconciliable par les ONG : protéger l'environnement profond et y organiser les activités liées aux minerais convoités par les industriels.

Dans l’attente d’un code minier

L'exploitation n'est pas censée commencer avant l'adoption d'un code minier en discussion depuis près de dix ans. Mais Nauru, petit État insulaire du Pacifique lassé d'attendre un accord, a lancé un pavé dans la mare en déclenchant en juin 2021 une clause permettant de réclamer l'adoption de ces règles d'ici à deux ans.

À l'expiration de cette période, le gouvernement pourra solliciter un contrat d'exploitation pour Nori (Nauru Ocean Resources), filiale du canadien The Metals Company qu'il sponsorise. Mettant en avant sa "bonne foi", Nauru a promis de ne rien faire avant l'assemblée de l'AIFM de juillet, espérant y voir l'adoption du code minier.

Mais il est "très improbable" que le code soit terminé pour juillet, juge Pradeep Singh, expert en droit de la mer au Research Institute for Sustainability de Potsdam, en Allemagne. Ainsi le premier contrat d'exploitation pourrait être accordé à Nori, sans code minier, craignent des ONG, dénonçant des procédures "obscures" et une posture "pro-extraction" du secrétariat de l'AIFM.

Accusations "sans fondement", répond son secrétaire général Michael Lodge, qui souligne qu'il revient au conseil de l'organisation (composé de 36 États membres) d'octroyer les contrats, non au secrétariat.

Un début de la production d'ici la fin 2024

The Metals Company se prépare malgré tout : "Nous visons un début de la production d'ici la fin 2024", indique son PDG Gerard Barron. Avec 1,3 million de tonnes par an au début, puis environ 12 millions d'ici 2028, précise-t-il, décrivant une "collecte" aux impacts "les plus légers", comparés à l'extraction terrestre.

Il s'agit ici de tonnes de nodules polymétalliques, petites concrétions riches en minéraux (manganèse, nickel, cobalt, cuivre et terres rares) déposées sur la plaine océanique au fil des siècles. Notamment dans la zone de fracture de Clipperton au milieu du Pacifique où Nori a conduit fin 2022 un test grandeur nature "historique", à 4 km de profondeur.

Mais "on ne parle pas juste de ramasser des nodules sur le fond, il s'agit d'aspirer les sédiments, parfois sur plusieurs mètres de profondeur", accuse Jessica Battle, de WWF. "L'océan profond est la partie la moins connue des océans, alors certains changements pourraient se produire sans qu'on s'en rende compte", s'inquiète Lisa Levin, de l'institut océanographique Scripps.

Et "si The Metals Company commence, ils ne seront pas les seuls", prédit la biologiste marine, qui a signé l'appel à un moratoire, soutenu par une douzaine de pays, dont la France ou le Chili, et des entreprises, notamment automobiles.

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