Les embouteillages dans le ciel alourdissent la facture carbone

Effectifs insuffisants, grèves, manque d'investissements : les failles dans le contrôle aérien en Europe font monter en flèche le nombre de retards d'avions, avec pour résultat un allongement des trajectoires, désastreux pour l'environnement.
Face à l'engorgement, les avions doivent patienter sur le tarmac au décollage ou en l'air pour atterrir, ou encore, en altitude de croisière, emprunter des itinéraires "bis", plus longs ou à des paliers différents entraînant une surconsommation de carburant. Conséquence : une augmentation contre-productive de gaz à effet de serre à l'heure où le transport aérien est placé sous les projecteurs pour ses émissions de dioxyde de carbone (CO2).
La situation a atteint son paroxysme l'été 2018 en raison, en grande partie, d'une "pénurie de contrôleurs aériens en Allemagne et de grèves en France", selon Eamonn Brennan, le directeur général d'Eurocontrol, une organisation intergouvernementale chargée d'harmoniser la navigation aérienne en Europe. "2018 a été la pire année jamais vue en Europe. En moyenne un vol sur trois a été en retard et le retard moyen a été de 41 minutes", a-t-il expliqué.
"Il faut recruter des contrôleurs aériens. Le retour à un niveau suffisant ce ne sera pas avant 2021-2022", estime Maurice Georges directeur de la navigation aérienne à la Direction générale de l'aviation aérienne (DGAC). Selon lui, l'Europe "s'est fait un peu surprendre par la vigueur de la reprise du trafic depuis 2015", après un creux de la vague lié à la crise financière de 2008.

Le trafic devrait croître de 2,5 % cette année

Pour éviter qu'une situation similaire ne se reproduise cet été, des mesures ont été prises pour contourner les points de congestion. Un certain nombre de trajectoires ont été déplacées pour éviter les endroits les plus saturés notamment l'Allemagne, le Benelux mais aussi le centre d'Aix-en-Provence conduisant à "des trajectoires plus longues, mauvaises pour l'environnement", reconnaît Eamonn Brennan. Il espère que cette année la situation sera maintenue à peu près au même niveau que l'an dernier mais, avec un trafic qui devrait croître de 2,5 %, "si rien n'avait été fait ils auraient doublé pour atteindre 44 millions de minutes" de retard, contre 19 millions en 2018.
"Nous devons d'urgence réformer l'espace européen pour faire des vols plus directs, suivre des routes plus efficaces pour arriver à une réduction en émission carbone de 10 %", estime pour sa part Thomas Reynaert, directeur de l'association Airlines for Europe (A4E), née du ras-le-bol d'une quinzaine de compagnies aériennes face aux retards récurrents. Outre l'impact négatif de ces retards pour l'image des compagnies, ils pèsent sur leurs finances, puisqu'un règlement européen prévoit des indemnisations forfaitaires en cas de retard de plus de trois heures, en fonction de la distance parcourue.
En 2018, "la croissance du trafic a été de 3,5 % et celle des émissions polluantes de 5 %" et cela en raison d'un schéma dépassé d'organisation du réseau européen de trafic aérien qui date de "près de cinquante ans", regrette Eamonn Brennan.
La "fragmentation" du ciel européen où les frontières entre États perdurent est une autre absurdité, selon lui. "L'idée est de redessiner complètement l'espace aérien. Le travail est déjà réalisé. Il reste juste aux États de le mettre en œuvre", souligne Eamonn Brennan qui espère que la nouvelle Commission européenne prendra le sujet à bras le corps.
Un groupe de sages de la Commission a publié en début d'année dix recommandations sur une réforme du contrôle aérien en Europe, prévoyant notamment une gestion de réseau centralisée par Eurocontrol. En 2004, l'Europe avait lancé le programme de "Ciel unique européen" et son bras technologique Sesar. "On a un portefeuille d'une soixantaine de solutions Sesar, mais on a une carence dans la mise en œuvre", déplore Florian Guillermet, directeur exécutif de Sesar JU.

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