Sauvetage du "Safer", une opération "risquée" mais sans alternative

FSO Safer

© Boskalis

Le transfert d'une énorme cargaison de pétrole d'un supertanker délabré au large du Yémen comporte des "risques évidents", mais attendre une marée noire "inévitable", sans rien faire, n'était "pas une option", a insisté mercredi un haut responsable de l'ONU.
 

Le FSO Safer, vieux de 47 ans, transformé en terminal flottant de stockage et de déchargement, est ancré au large du port stratégique de Hodeida, sans avoir été entretenu depuis 2015, alors que le Yémen est plongé dans l'une des pires crises humanitaires au monde en raison de la guerre qui oppose le pouvoir aux rebelles Houthis.

Les premières images envoyées cette semaine par l'équipage du navire de soutien technique Ndeavor, de l'entreprise Boskalis et dont la filiale SMIT Salvage mènera les opérations, ont montré "un vieux pétrolier rouillé", a commenté Achim Steiner, patron du Programme de l'ONU pour le développement (PNUD), à la manœuvre dans ce dossier.

Le tour du bateau et le premier visuel des experts montés à bord mercredi "n'ont rien révélé que nous n'attendions pas", explique-t-il. Mais il faudra attendre plusieurs jours pour une véritable évaluation.

Dans tous les cas, le transfert prévu de l'équivalent de plus d'un million de barils de pétrole du Safer vers le Nautica, supertanker acheté par le PNUD qui attend à Djibouti, ne sera pas une promenade de santé.

"Scénario du pire"

"Les risques que quelque chose se passe mal sont réels, ils sont évidents. Et si quelque chose se passe mal, beaucoup de questions seront posées", reconnaît Achim Steiner. "Des questions auxquelles on peut répondre: tourner le dos n'était pas une option". Parce que "le scénario du pire", la menace que le Safer se brise, explose ou prenne feu, "était de plus en plus considérée comme un risque inévitable", insiste-t-il.

Or, selon l'ONU, il contient quatre fois la quantité de pétrole de l'Exxon Valdez, pétrolier qui a provoqué en 1989 l'une des plus grandes catastrophes environnementales de l'histoire des États-Unis. En cas de marée noire en mer Rouge liée au Safer, les Nations unies estiment à 20 milliards de dollars le coût du seul nettoyage.

Alors "les Nations unies ont pris la décision de se porter volontaires, parce que l'alternative aurait été simplement de ne rien faire et d'attendre l'accident", lance le patron du PNUD, assurant que tout est fait pour "réduire les risques".

D'abord, la sécurisation du Safer dont les systèmes ne sont plus opérationnels. Ainsi, dans les prochains jours, "des gaz inertes" vont être injectés dans les réservoirs pour "réduire les risques d'explosion ou d'incendie".

Si le pire se produisait, le PNUD et l'Organisation maritime internationale ont prévu un "plan de secours qui dépasse de loin le site du Safer", incluant l'hypothèse d'une marée noire atteignant des côtes où le nettoyage serait compliqué par la présence de mines.

"Dizaines de millions de dollars"

Une "complexité immense" qui a impliqué avocats, experts, consortium d'assurances, sans oublier l'accord des parties au conflit au Yémen. Des risques qui ont aussi découragé certains donneurs potentiels: il manque encore 29 millions de dollars pour cette opération de plus de 140 millions de dollars. Même quand le pompage du pétrole vers le Nautica sera terminé – "si tout se passe comme prévu" d'ici début ou mi juillet – le responsable onusien ne sera pas complètement soulagé.

Le pompage concerne uniquement le brut liquide. Or au fil des ans, "une sorte de boue" de pétrole s'est créée au fond des réservoirs, boue que les experts de SMIT devront aller enlever, explique-t-il. Le sauvetage ne sera terminé que lorsque le Safer sera remorqué vers un parc à ferraille. D'ici là, la qualité du pétrole sera évaluée.

S'il n'a pas été contaminé par l'eau de mer ou d'autres substances, il pourrait représenter "plusieurs dizaines de millions de dollars", estime Achim Steiner. "Des revenus qui pourraient être utilisés pour aider la population du Yémen désespérée, qui se bat pour survivre". Mais l'ONU s'est concentrée dans ses négociations sur l'opération de sauvetage, et non sur la destination de possibles revenus.

Le coordinateur de l'ONU au Yémen David Gressly "continuera à discuter" avec les deux parties au conflit, "en espérant parvenir à une conclusion à laquelle tout le monde peut adhérer".

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