Faut-il que l'Iran se réconcilie avec les pays occidentaux ? La question agite la campagne de la présidentielle du 28 juin, sur fond de marasme économique.
Cette élection se tient alors que les pays occidentaux, États-Unis en tête, ne cessent de renforcer leurs régimes de sanctions contre Téhéran en mettant en cause la poursuite de son programme nucléaire, ses soutiens au Hamas dans la guerre contre Israël et à la Russie opposée à l'Ukraine ou "les violations" aux droits humains.
Une partie des six candidats au scrutin destiné à remplacer le président Ebrahim Raïssi, tué dans un accident d'hélicoptère en mai, font de la levée de ces sanctions une priorité s'ils étaient élus.
Des sanctions coûtant 100 Md$ par an
"Nous sommes sous sanctions depuis 45 ans. Pourquoi ? Elles frappent durement les gens", se lamente Hamid Habibi, un commerçant du bazar de la capitale, qui aimerait que le prochain président "cherche à retisser les liens avec les États-Unis et les pays européens".
Fayyaz Zahed, professeur de relations internationales à l'université de Téhéran, souligne que la question des sanctions a été au cœur des deux premiers débats télévisés de la campagne, qui portaient sur l'économie. "Presque tous les candidats ont expliqué qu'elles avaient des effets dévastateurs" et qu'il était donc "crucial de résoudre ce problème pour soulager les souffrances du peuple".
L'ancien président modéré Hassan Rohani a récemment estimé que les sanctions coûtaient au pays quelque "100 milliards de dollars par an, directement ou indirectement".
"Si nous pouvions lever les sanctions, les Iraniens pourraient vivre confortablement", a résumé Masoud Pezeshkian, le seul des six candidats représentant le camp réformiste.
Les 85 millions d'Iraniens sont confrontés à une très forte inflation, de l'ordre de 40 %, à un chômage élevé et à la dépréciation record du rial, la monnaie nationale, par rapport au dollar.
Renforcer les liens avec la Chine et la Russie
Les experts font remarquer que, quel qu'il soit, le prochain président aura une marge de manœuvre limitée car la stratégie nationale est fixée par le Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, âgé de 85 ans, dont 35 à la tête de la République islamique.
Néanmoins, s'il "gagne la confiance" du Guide et des institutions les plus influentes, comme les Gardiens de la révolution, "le président peut peser sur la politique étrangère" du pays, souligne Fayyaz Zahed.
Partisan de la fermeté face à l'Occident, l'ayatollah Khamenei a appelé, le 22 juin, les six candidats à éviter toute déclaration qui serait susceptible de "plaire à l'ennemi".
Poursuite de la politique anti-occidentale pour certains
L'un des trois favoris, Saïd Jalili, ancien négociateur ultraconservateur du dossier nucléaire, a plaidé pour la poursuite de cette politique anti-occidentale en déclarant que "la communauté internationale ne se composait pas de deux ou trois pays" occidentaux.
Pour lui, l'Iran doit au contraire renforcer ses liens avec la Chine sur le plan économique, avec la Russie dans le domaine de la défense, mais aussi avec les pays arabes, le rival saoudien en tête.
Saïd Jalili s'est positionné comme "le candidat le plus inflexible sur le plan diplomatique", souligne l'expert Fayyaz Zahed.
Le nucléaire pour négocier avec l'Occident
Plus pragmatique, le candidat conservateur Mohamad Bagher Ghalibaf estime que l'Iran ne doit négocier avec les pays occidentaux que s'il a "un avantage économique" à en retirer, en particulier par une levée des sanctions. L'actuel président du Parlement appelle par ailleurs à continuer à accroître les capacités nucléaires du pays, une stratégie qui porte ses fruits en "forçant l'Occident à négocier avec l'Iran".
En revanche, le réformateur Masoud Pezeshkian promeut l'établissement de "relations constructives" avec Washington et les capitales européennes afin de "sortir l'Iran de son isolement". Ces derniers jours, il a mené campagne avec Javad Zarif, qui avait cherché à rapprocher l'Iran des Occidentaux durant ses huit années à la tête de la diplomatie iranienne (2013-2021).
Ce dernier a insisté sur l'impact positif sur l'économie qu'avait eu, en 2015, l'accord international historique sur le nucléaire, censé garantir que l'Iran ne se dote pas de l'arme nucléaire. Les espoirs soulevés en Iran avaient cependant été douchés trois ans plus tard lorsque Donald Trump ordonnait le retrait des États-Unis de cet accord.
Depuis, les négociations sont au point mort et le président Joe Biden a maintenu les sanctions imposées par son prédécesseur.
Le prochain président iranien pourrait être appelé à prendre des décisions cruciales sur ce dossier, alors que certains responsables évoquent une possible évolution de la doctrine nucléaire du pays vers une vocation militaire assumée.
Ahmad Parhizi et Jérôme Rivet
Les États-Unis ont imposé le 25 juin des sanctions économiques à l'encontre d'un réseau bancaire parallèle lié au régime islamique d'Iran, et destiné à contourner les sanctions et à fournir un accès au système bancaire international, a annoncé le département américain du Trésor.
Ces sanctions concernent "près de 50 entités et individus qui constituent de multiples branches d'un réseau bancaire parallèle tentaculaire utilisé par l'armée iranienne pour blanchir des milliards de dollars provenant du pétrole et d'autres revenus illicites", a déclaré le secrétaire adjoint au Trésor, Wally Adeyemo
Le réseau est "utilisé par le ministère de la Défense et de la Logistique des Forces Armées et le Corps des Gardiens de la Révolution Islamique d'Iran (armée idéologique de la République islamique, NDLR) pour obtenir un accès illicite au système financier international", précise le Trésor.
Soutien financier aux Houthis et à Russie
Washington indique que "l'équivalent de milliards de dollars" ont transité par ce réseau depuis 2020, la vente de pétrole et de produits pétrochimiques étant notamment des sources de revenus pour le régime. "Ces revenus sont ensuite disponibles pour toute une série d'activités (...), y compris l'acquisition et le développement de systèmes d'armement avancés tels que les drones", relève encore le ministère américain de l'Économie et des Finances.
Selon l'administration américaine, ils permettraient également de "fournir des armes et des fonds aux groupes régionaux sous la coupe de l'Iran, notamment les Houthis du Yémen, qui poursuivent une campagne d'attaques contre le transport maritime mondial et de transférer des drones à la Russie pour qu'elle les utilise dans sa guerre d'agression contre l'Ukraine".
La rédaction
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