L’équipement maritime finlandais, premier fabricant de scrubbers, a investi en R&D pour étudier le potentiel de la capture et stockage du carbone. La technologie permettrait d’améliorer les dispositifs d’épuration des gaz en capturant le carbone au point d'échappement.
Il fallait trouver un relais de croissance aux scrubbers (EGCS), ces dispositifs qui jouent le rôle de pots catalytiques pour les navires en agissant notamment sur le dioxyde de soufre (SOx). On les dit condamnés à terme, du moins dans leur version à boucle ouverte et de nombreux ports les ont déjà proscrits. Par un vote il y a quelques semaines, la commission des Transports (TRAN) du Parlement européen a recommandé aux États membres de l'UE de les restreindre par précaution et a demandé à la Commission « de mettre en œuvre, sur la base d'une analyse d'impact, une suppression progressive des EGCS ».
La décision avait fait vivement réagir les industriels de la filière, réunis au sein de la Clean Shipping Alliance, qui a pour membres une trentaine de compagnies maritime. L’association avait estimé que cette décision « sans aucune preuve scientifique à l'appui » stopperait net les « progrès réalisés jusqu'à présent vers la neutralité carbone ».
Un site pilote à Moss
En attendant, la R&D de Wärtsilä sur la technologie de capture et stockage du carbone aurait « mis en évidence la possibilité de renouveler les systèmes d'épuration actuels » et leur potentiel pour traiter les émissions de CO2. « S'appuyer sur le succès des technologies existantes et éprouvées, telles que les scrubbers, sera essentiel pour atteindre les objectifs de décarbonation de l'industrie, soutient Sigurd Jenssen, directeur du traitement des gaz d'échappement chez Wärtsilä. Les technologies de réduction des gaz d'échappement ont atteint un point de maturité suffisant pour explorer des applications au-delà de la seule conformité au soufre. »
Parvenue à des termes concluants de ses recherches et développement, l’équipementier est en train d'installer une usine pilote d’1 MW dans son centre d'essai de Moss, en Norvège. Le site testera les applications maritimes mis en exergue par sa R&D.
Une technologie tout aussi controversée
Pour rappel, la technologie qui permet de séquestrer le carbone est déjà éprouvé dans certains secteurs, notamment des centrales de production d'électricité qui utilisent des énergies fossiles ou sur des sites industriels (sidérurgie, cimenterie, raffinage, chimie, pétrochimie…) mais se heurte encore à de nombreux verrous techniques et financiers ainsi qu’à des limites (lieux pour séquestrer le carbone). Elle essuie par ailleurs les critiques des ONG.
Une fois séquestré, le CO2 peut être transporté et réinjecté dans des réservoirs géologiques hermétiques – par exemple d'anciens champs pétroliers – pour y être stocké définitivement. Dans certains cas, il peut aussi être réutilisé (CCUS). Il n'existe aujourd'hui qu'une vingtaine de sites exploités à cet usage à travers le monde, selon le Global CSS Institute.
Dans le transport maritime, le défi porte sur le stockage à bord du carbone capturé. Chaque tonne de combustible de soute brûlée génère environ trois tonnes de CO2, ce qui nécessite de nouveaux quotas de volume et de poids si le CO2 doit être stocké plutôt qu'émis.
Traiter le SOx et le CO2
Une récente étude de la CE Delft, spécialiste indépendant des études sur les scrubbers mais souvent mandaté par ses promoteurs, a notamment démontré que l'augmentation de l'empreinte de CO2 due au raffinage supplémentaire du MGO se situerait entre 10 et 15 % et pourrait même atteindre 25 %. En revanche, l'augmentation du CO2 généré par l'EGCS ne serait que de l'ordre de 1 à 1,5 %. En outre, le scrubber permettrait de limiter la production de dioxyde de soufre (SOx) en deçà de celle requise par les exigences plus strictes de l'OMI en vigueur depuis le 1er janvier 2020. L’étude en déduit que l'EGCS permet d’atteindre des objectifs beaucoup plus bas en matière de CO2 et de SOx.
Adeline Descamps
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