Maersk : des résultats financiers éclipsés par le départ théâtral de Søren Toft chez MSC

Le départ de Søren Toft a provoqué des effets collatéraux dans la gouvernance de deux leaders mondiaux, néanmoins partenaires dans une alliance. Pourtant, le n°1 mondial du transport conteneurisé vient de présenter à ses actionnaires un 3e trimestre plus présentable après une traversée du désert. Il le doit à son austérité budgétaire qui n'est pas sans risques, notent les analystes financiers.

La présentation des résultats financiers de A.P. Møller – Maersk serait presque passée inaperçue, éclipsée par la sortie quasi théâtrale de Søren Toft. L’annonce de son départ aura provoqué un remaniement de la gouvernance du groupe danois et de son partenaire italo-suisse dans l’alliance maritime 2M. Quelques jours à peine après l’annonce de sa démission le 11 novembre, le responsable mondial de l’exploitation de Maersk et vice-président de AP Moller, dans l’entreprise depuis 1994, était confirmé au poste du CEO chez MSC. Dans la foulée, il était annoncé que Gianluigi Aponte, 79 ans, fondateur, actionnaire majoritaire et président du conseil d'administration de MSC allait laisser les rênes (sans mentionner d'échéance) à son fils, Diego Aponte, lui, dans l'entreprise familiale depuis 1997 et PDG depuis 2014.

Hors ce tohu-bohu, A.P. Møller – Maersk avance dans sa transformation en recouvrant un peu de souffle opérationnel. Il vient de présenter à ses actionnaires un 3e trimestre plus présentable après une traversée du désert (dont il n’est pour autant pas sorti), liée à son recentrage sur son cœur de métier, le transport maritime, les services portuaires et la logistique. L'acquisition de Hamburg Süd et l'intégration de ses activités de transport et de logistique lui auraient d'ores et déjà permis de dépasser son objectif de 1 Md$ d'économies tirées des synergies.

Le 3e trimestre du groupe danois se caractérise surtout par une amélioration de ses ratios de rentabilité pour l'ensemble de ses activités en dépit d’un chiffre d'affaires en retrait de 0,9 %, à 10,1 Md$, reflétant l’affaiblissement des échanges conteneurisés. Le repli s’est amorcé au cours de ce 3e trimestre, en écho à la montée en puissance des restrictions commerciales et au ralentissement généralisé de l’économie mondiale.

« Nous avons dégagé un flux de trésorerie disponible élevé et un rendement du capital investi de 6,4 % grâce à de solides résultats opérationnels dans notre division Océan, à des marges plus élevées dans l'exploitation des terminaux et à de solides résultats dans le secteur logistique (cf. détails plus bas), s'auto-satisfait Søren Skou, qui confirme sa confiance. Conformément à ce qu’il avait déjà annoncé fin octobre, le CEO prévoit désormais un Ebitda de 5,4 à 5,8 Md€ sur l’année, contre 5 Md$ précédemment communiqués.

Ceinture sur les investissements

Le leader mondial du transport conteneurisé doit la restauration de ses indicateurs en grande partie à sa discipline observée dans les investissements, non sans sacrifices et risques, alertent les observateurs financiers.

Outre les nombreuses incertitudes ombrageant son environnement (ralentissement économique mondial, fluctuation des prix des soutes exacerbée par la réglementation IMO 2020 et celle des taux de change), le patron du groupe insiste, figé dans son objectif de rentabilité, sur la discipline budgétaire qui a été observée. L’exercice 2019 devrait contenir les dépenses à 2,2 Md$, après avoir investi 3,2 Md$ en 2018.

Et les dépenses d’investissement se limiteront entre 3 et 4 Md$ pour 2020 et 2021, a prévenu la direction, sachant que l'amortissement annuel actuel de Maersk est d'environ 3 Md$ par an (hors loyers). Cette règle se traduira par une « diminution des actifs de l'entreprise au cours des deux prochaines années », soulignent les analystes du secteur. Le transporteur maritime avait déjà eu l’occasion de dire que la croissance de ses capacités sera « légèrement inférieure » à celle du marché en 2020 et 2021. Ce qui le place en position de faiblesse par rapport à ceux qui le talonnent, estime Alphaliner.

L'expert y voit en effet une brèche dans laquelle ses proches concurrents vont s’empresser de s’engouffrer pour rafler quelques parts de marché (il voit d’ailleurs dans le départ de Søren Toft un signal fort des ambitions du concurrent direct de Maersk). MSC et Cosco ont gagné 1,1 % et 1 % du marché mondial au cours des deux dernières années, tandis que Maersk a perdu 1,5 % sur la même période, selon les données d'Alphaliner. MSC, le 2e armateur mondial par la capacité conteneurisée (3,74 MEVP), dispose à ce jour de 15,9 % de parts de marché mondiales et 303 668 EVP sont à livrer. Avec 4,2 MEVP et près de 18 % de PDM, Maersk n'attend quelque 40 000 EVP. Le n°3 Cosco est encore loin, à 12,5 % de PDM avec 2,944 MEVP mais avec des grandes ambitions…

Confiance de mise

Dans son analyse financière en support à la présentation de ses principaux indicateurs, le groupe danois estime que les restrictions commerciales ont coûté au secteur de 0,5 à 1 point en 2019, détérioration de la confiance et des investissements des entreprises compris. En 2020, l'impact négatif devrait être d’un autre point de croissance.

Jusqu'à présent (depuis 2018), les États-Unis ont imposé des droits de douane sur 550 Md$ de produits chinois, et la Chine, en représailles, a taxé 185 Md$ de produits américains. L’impact serait encore faible, car la nature craignant le vide, les importateurs américains auraient trouvé refuge dans d'autres pays voisins de la Chine comme le Vietnam, la Corée, la Thaïlande, l'Inde et le Mexique (il suffit de regarder les imports et les exports pour s'en apercevoir). Sur cette base, Søren Skou estime que la croissance du commerce conteneurisé sera de l’ordre de 1 à 2 % pour 2019, guère moins que ce qu'il envisageait en début d'année.

Le transporteur a présenté ces données dans un contexte trimestriel, où la flotte mondiale de porte-conteneurs a augmenté de 3,9 % par rapport au 3e trimestre 2018 offrant sur le marché 23,1 MEVP. Les livraisons se sont élevées à 364 000 EVP (45 navires), dominées par les navires de plus de 10 000 EVP, tandis que 52 000 EVP (21 navires) ont été envoyés au rebut et 761 000 EVP ont été retirés du marché soit pour s'ajuster à la demande soit pour s’équiper dans la perspective de la réglementation sur le soufre contenu dans les carburants. En conséquence, la croissance de la capacité effective de la flotte au troisième trimestre n'a été que de 0,5 %.

Pour ce qui le concerne, à l’issue du 3e trimestre, sa flotte se composait de 307 navires détenus en propre et de 396 affrétés. Il avait 105 000 EVP inactifs (quelque 10 navires) pour retrofit IMO2020. La capacité inutilisée correspondait donc à 13,8 % du total au repos de l'ensemble du marché.  

Adeline Descamps 

 

Faits et chiffres 

 

Le résultat d'exploitation du groupe avant intérêts, impôts et amortissements (Ebitda) s'est amélioré de 14 % à 1,7 Md$. Le cash-flow d'exploitation a augmenté de 25 % à 1,7 Md$ et le cash-flow libre avant capitalisation des loyers s’est élevé à 1,5 Md$. Encore dans des sphères élevées (12,9 Md$ à la fin du deuxième trimestre 2019, 15 Md$ fin 2018), la dette nette portant intérêts a légèrement diminué, à 12,1 Md$, après le rachat des actions reçues dans Total S.A. dans le cadre de la vente de Maersk Oil pour une valeur de 363 M$ (en ligne avec son intention de distribuer une partie importante du produit de la vente des actions, le conseil d'administration a autorisé de racheter des actions d'une valeur maximale de 1,5 Md$ sur une période allant jusqu'à 15 mois*).

 

La meilleure tenue de ses résultats financiers est en grande partie liée à sa division Ocean (CA de 7,3 Md$), qui comprend les activités de lignes régulières sous les marques Maersk Line, Hamburg Süd, Aliança et Sealand, dont le résultat d'exploitation avant intérêts, impôts et amortissements (Ebitda) s'est amélioré de 13 %, à 1,268 Md$, résultant, selon la direction, d’une plus grande discipline dans ses capacités. Elle a permis de compenser la baisse des taux de fret de 3,6 % par rapport au 3e trimestre de 2018 au global (la chute la plus sensible, de 9 %, a été enregistrée sur l'axe Asie - Europe du Nord). Ces améliorations résultent surtout des économies réalisées sur les coûts de soute, la baisse des prix du pétrole ayant permis de réduire la facture de carburant du transporteur d'environ 200 M$. En hausse de 2,1 %, les flux transportés ont été tirés par la croissance de 10 % sur les marchés intrarégionaux (et plus particulièrement intra-asiatiques) tandis que les volumes Nord-Sud ont augmenté de 2,3 % (en lien avec la hausse des importations africaines en provenance d’Asie). Les volumes Est-Ouest ont diminué de 3 % (en phase avec les restrictions commerciales sur les volumes d'importation de la Chine et le ralentissement économique aux États-Unis).

L’exploitation des terminaux (Terminaux & Remorquage, CA de 986 M$) a vu son bénéfice opérationnel s’envoler de 33 %, à 313 M$. Le chiffre d'affaires, en hausse de près de 5,8 % (986 M$), a été tiré par ses activités en Amérique latine (+ 26 %), en lien avec la montée en puissance des volumes de Moin (sic) et en Amérique du Nord (+ 12 %) en raison de la dynamique à Los Angeles et Port Elizabeth. L'Asie a cependant reculé de 9 %, principalement en raison de la sortie de Kobe et de la baisse des volumes à Mumbai, en Inde. Les volumes « maison » (provenant de la division Ocean) ont progressé bien plus faiblement (+ 4,3 %) que ceux liés à des clients « externes »  (+ 11,9 %).

L’activité logistique présente une marge brute en hausse de 13 %,  à 336 M$ en écho à l'augmentation des activités dans l'entreposage notamment.

* La première phase s’est achevée le 25 septembre 2019, la valeur marchande totale des actions acquises s'élevant à 494 M$. La seconde s'étend jusqu’au 28 février 2020. Les actions à acquérir seront limitées à une valeur de marché totale d’environ 500 M$. Au 30 septembre, A.P. Moller - Maersk détenait 2,42 % du capital social.

 


 

 

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