Qui de la Chine ou de l’Inde pour acheter du pétrole russe ?

Les raffineurs chinois, qui dépendent des importations pour 70 à 100 % de leurs besoins, ne semblent pas pour l’instant pressés de s'emparer du pétrole russe en détresse quand bien même il se touche à des prix particulièrement attractifs. L’Inde en revanche semble plus réceptive. Le premier raffineur du pays vient d’acheter trois millions de barils de brut de l'Oural.

L’information serait anedoctique en temps ordinaires. L’époque ne l’est pas. Indian Oil Corp, le premier raffineur du pays, a acheté trois millions de barils d'Oural russe au négociant Vitol pour livraison en mai, selon des sources commerciales relayées par Reuters. Il s’agit de son premier achat de cette qualité depuis que la Russie a envahi l'Ukraine le 24 février.

Les sanctions occidentales à l'encontre de la Russie ont conduit de nombreuses entreprises et plusieurs pays à boycotter le pétrole russe, par précaution et anticipation car le négoce de pétrole n’est pas sous embargo (excepté aux États-Unis) tant qu’il n’est pas contracté avec une entité commerciale contrôlée, détenue ou liée à des intérêts russes. Ce mouvement de rejet a fait chuter le brut russe à son plancher. Ce qui le rend très abordable.

L’entreprise publique indienne avait déclaré fin février qu'elle achèterait du pétrole russe sur la base de livraisons afin d'éviter toute complications liées à la fixation des navires et à l'assurance. Vitol, l’une des trois premières sociétés mondiales de courtage de pétrole brut (avec Glencore et Gunvor) a vendu les cargaisons avec une réduction de 20 à 25 $ par baril par rapport au Brent daté, sans préciser le prix auquel le pétrole russe a été fixé. 

La demande indienne en pétrole devrait augmenter de 8,2 % cette année pour atteindre 5,15 Mb/j alors que l'économie se remet des ravages causés par la pandémie. L'Irak est actuellement le premier fournisseur de l'Inde avec une part de 27 %, devant Arabie saoudite (17 %), les Émirats arabes unis (13 %) et les États-Unis (9 %) selon l'agence de presse Press Trust of India.
 

Un acte isolé

Mais IOC reste encore isolé. Les raffineurs asiatiques – qui dépendent des importations pour 70 à 100 % de leurs besoins –, ne semblent pas pour l’instant pressés de s'emparer du pétrole russe en détresse même avec un écart de 6 $ le baril par rapport à d’autres origines.

Pour l’heure, ils s'en tiennent à leurs fournisseurs traditionnels tels que le Moyen-Orient, l'Amérique latine et l'Afrique, indique S&P Global Commodity Insights, tout en ajoutant que certains volumes supplémentaires de pétrole russe au comptant pourraient aller vers des pays comme la Chine et l'Inde. Mais les prix du brut, extrêmement volatils actuellement avec des allers-retours au dessus de 100 $ par tonne, ont réfréné leur appétit, quelle que soit la provenance du baril.

L'Asie a importé environ 1,6 million de barils par jour (Mb/j) de brut de Russie en 2021, ce qui représente moins de 5 % du total des importations de la région. Les importations de brut russe par les raffineurs privés ont chuté de 43 % en février après avoir atteint leur plus haut niveau sur six mois à 2,77 Mt en janvier, ce qui a ramené la Russie au quatrième rang des principaux fournisseurs de brut. Les arrivées d'ESPO russe dans le Shandong – où se trouvent les petites raffineries indépendantes du pays – ont chuté de 39,2 % en février, à 1,55 Mt, après avoir atteint un niveau record de 2,55 Mt en janvier.

Une indifférence temporaire ?

Le prix compte n'est pas le seul facteur pris en compte par les entreprises chinoises. Selon les analystes, le bénéfice/risques à exploiter un brut que les tours de distillation n’ont pas l’habitude de traiter n’est pas garanti.

Les fortes baisses récentes des écarts de prix au comptant pour l'ESPO, le Sokol et le Sakhalin Blend n’auront sans doute pas manqué de susciter de l’intérêt dans les dernières séances de négociation. Mais les obstacles logistiques (de nombreux armateurs refusant de faire escale dans les ports russes), les primes d’assurance élevées à naviguer dans les zones de conflit et la formalités douanières plus lourdes (pour les vraquiers et pétroliers en provenance des ports russes) semblent prendre le pas pour l’instant. Sans compter le contexte extrêmement mouvant avec des sanctions graduelles.

Ces réticentes pourraient être rapidement levées si le baril de brut effectue de fréquentes visites dans un territoire à plus de 100 $. La raffinerie Chengda New Energy, d'une capacité de 3 Mt par an, a été contrainte de fermer son unité de distillation de brut le 9 mars en raison de la détérioration des marges du fait du prix de la matière première. Selon JLC, qui fournit des informations dans ce secteur, le taux de production moyen de 40 raffineries indépendantes du Shandong a atteint 57 % le 9 mars, contre 60 % environ une semaine plus tôt et 70 % les mois précédents.

Un penchant pour le brut iranien

Plus que sur le pétrole russe, la Chine compte sur une autre origine blâmée. Les importations de brut en provenance de l’Iran, pourtant sous embargo international, ont continué à arriver dans les ports de Shandong en février, avec environ 1,84 Mt livrées, et marquées comme des bruts d'autres origines. Ce chiffre est toutefois inférieur d'environ 19 % aux 2,28 Mt importées en janvier, toujours selon les données de S&P Global. Effrontément, selon une information relayée par un média d’État, la Banque centrale d'Iran a indiqué avoir contracté des ventes de pétrole iranien d’une valeur de 18,6 Md$ sur le premier semestre, contre 8,5 Md$ au cours de la même période l'année dernière. 

Les raffineurs indépendants chinois s'attendent manifestement à ce que les sanctions sur les bruts iraniens soient bientôt levées, alors que des négociations sont en cours pour réactiver l'accord de 2015 conclu entre l’Iran d’un côté et les États-Unis, la Chine, la France, le Royaume-Uni, la Russie et l'Allemagne, de l'autre.

La Société nationale iranienne du pétrole (National Iranian Oil Company, NIOC) se montre tout aussi optimiste. Elle limiterait actuellement ses exports dans la perspective des ventes internationales à venir.

La Russie semble, elle, regarder ailleurs. Le pays cherche à stimuler ses exportations de pétrole vers l'Inde, a déclaré le vice-premier ministre russe Alexandre Novak le 10 mars, après une baisse spectaculaire de l'intérêt des consommateurs occidentaux pour son pétrole. 

Adeline Descamps

 

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