Le MV Wakashio, un vraquier de 203 000 tpl, propriété de Nagashiki Shipping (groupe Okiyo Maritime) et affrété par Mitsui OSK Lines (MOL) sous pavillon panaméen, avait heurté un récif corallien à Pointe d'Esny, à l'île Maurice, le 25 juillet 2020. En provenance de Chine, le navire faisait route vers le Brésil lorsqu’il a échoué, provoquant une marée noire dans l'océan Indien avant de couler.
Les nappes de pétrole, qui se sont répandus sur environ 30 km le long des côtes, ont impacté une vaste zone de coraux si bien que les scientifiques ont évoqué « la pire catastrophe écologique de l'océan Indien. »
La Pointe d'Esny est un sanctuaire connu pour sa faune rare, désigné comme site d'importance internationale par la convention de Ramsar pour ses zones humides. Aucune étude scientifique sur l'impact de la marée noire n'a été publiée mais il est estimé qu’au moins 300 m de récif corallien ont été endommagés.
Les conditions météorologiques ont ensuite entravé les efforts de nettoyage et exercé une pression supplémentaire sur la coque du navire, qui s'est brisée en deux environ trois semaines après s'être échoué. Il avait été alors décidé de saborder la partie avant du navire tandis que l’enlèvement de l'épave de la partie arrière a duré plusieurs mois.
Valeur de leçon
Le capitaine Sunil Kumar Nandeshwar (58 ans) et son officier, Hitihanillage Subhoda Janendra Tilakaratna (45 ans), qui plaidaient coupables, ont été jugés fin décembre par un tribunal de Port Louis pour mise en danger de la sécurité de la navigation. Une peine de 20 mois de prison a été prononcé à l’encontre des deux marins, qui sont en détention provisoire depuis 16 mois. Ils devraient donc être très prochainement libérés*. « Les peines sobt pleinement justifiées », a plaidé la magistrate Ida Dookhy-Rambarun, qui entend donner à la sentence une « valeur de leçon » pour des « actions irresponsables ».
Les causes de l’accident restent improbables. Le navire aurait dévié de sa route parce que le capitaine aurait voulu obtenir une meilleure connexion téléphonique et Internet afin de permettre à un membre d’équipage, dont c’était l’anniversaire, de parler à sa famille.
Lors de l’audience, le capitaine Nandeshwar a présenté ses excuses tout en admettant avoir bu de l'alcool lors de la fête d'anniversaire et avoir autorisé la vigie du navire à quitter la passerelle pour y assister. L’officier a déclaré au tribunal qu'il était l'officier de quart au moment de l'échouement, mais que le navire était en pilotage automatique. Bien qu'il ne disposait pas de cartes précises de l'île Maurice, il a admis ne pas avoir consulté écho-sondeur du navire avant de heurter le récif.
Tensions entre le propriétaire et des associations locales
Le propriétaire du vraquier a demandé pour sa part en novembre à la Cour suprême de l'île Maurice de limiter les réclamations individuelles à environ 16,5 M$. Le gouvernement mauricien avait présenté un dossier d’indemnisation d’un montant de 46 M€ pour dommages et intérêts. Une somme que Port Louis entendait utiliser pour aider les pêcheurs touchés par la catastrophe et pour la construction de 100 chalutiers. Les pêcheurs espéraient recevoir un dédommagement entre 2 500 et 3 000 $ par personne.
Les assureurs du navire auraient accepté d’indemniser environ 1 000 pêcheurs qui recevront chacun environ 112 000 roupies mauriciennes (2 265 €), selon le ministre mauricien de la pêche, Sudheer Maudhoo.
La compagnie japonaise MOL s'était, elle, engagée en fin d’année dernière à financer pour quelque 10 M€ des opérations de dépollution des rivages alors que des traces d’hydrocarbures sont encore régulièrement signalées.
La condamnation marque la fin de la procédure pénale, mais des actions en responsabilité civile peuvent encore être engagées.
Adeline Descamps
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