Les compagnies de croisière contraintes de repenser « la philosophie du confinement à bord »

 

Après avoir abordé les impacts prévisibles de la crise sanitaire sur le secteur de la croisière, les réponses que les ports vont devoir organiser pour répondre à des « croisières pandémiques », Yann Alix, de la fondation Sefacil poursuit la réflexion sur les questions posées par la crise sanitaire à l'industrie de la croisière, se plaçant cette fois du point de vue des compagnies. Ou comment restaurer le pacte de confiance avec le passager. Un compromis à trouver entre respect des libertés et confinement maritime.

La magnitude de la crise qui touche le secteur de la croisière est telle que la continuité de sa croissance, pourtant inoxydable depuis trente ans, interroge. Les majors du secteur ont sur les bras des navires flambant neufs d’une valeur nominale proche du milliard d’euros. Ils disposent de carnets de commande à la visibilité d’un quinquennat. Pour certains, ils sont même propriétaires de micro-îles paradisiaques qui devaient incarner le sommet du luxe en combinant les loisirs du navire et le parc d’attractions privatif. Et il aura fallu un virus et une pandémie pour que tout cela soit menacé de disparition. 

Casser la perception du confinement sur le navire

Excepté le petit segment, à part, des croisières thématiques (culturelles, d’aventure, d'expédition, bien-être, avec « star », etc.), une caractéristique majeure de ces dernières années tient au gigantisme des paquebots. Près de 10 000 personnes à bord peuvent dorénavant se côtoyer sur plus de 360 m de long, l’équivalent de quatre terrains de football, et 65 m de large, soit la hauteur d’un immeuble de 15 étages. Aussi immense que paraisse ce volume, il ne parvient cependant pas à étouffer la sensation de confinement.

Avec le Covid-19, les armements vont devoir repenser « la philosophie du confinement à bord ». La multiplication des niveaux, des attractions et des espaces thématiques ne seront plus suffisants. L’agencement même des espaces et la distribution physique des passagers seront à réinventer. Des cabines nettement plus grandes pourraient rassurer les passagers et apaiser leur anxiété face au risque d’un isolement en cas de confinement temporaire. À l’instar des mesures prises dans les avions, telles l’occupation d’un siège sur deux, repenser les distances sociales sur un paquebot va être un colossal défi, particulièrement dans les parties communes et récréatives. Organiser des plages horaires distinctes avec un accès segmenté aux activités selon le pont de résidence pourrait être une de ces adaptations. 

Alors que les plus grands navires disposent d’un carré VIP avec des services exclusifs qui conduisent à une sorte de confinement assumé, dans quelle mesure le navire pourrait-il aussi se compartimenter en « zones », et pas seulement pour des précautions sanitaires ? Dans cette perspective, faire la démonstration que le paquebot peut se transformer en « navire clinique » plutôt qu’en « navire prison » en cas de suspicion pandémique rassurerait le consommateur. Le risque terroriste a conduit à disposer de personnels navigants préparé à gérer un événement lié la sûreté du passager. Demain, il pourrait en être ainsi pour une crise sanitaire à bord. Une « zone médicale » équipée de matériels spécialisés et du personnel formé sur les sujets médicaux et sanitaires pourraient aussi contribuer à restaurer la confiance des passagers.

Quels seront les effets post-traumatiques du Covid-19 sur le secteur de la croisière ?

Moins de liberté individuelle pour le passager mais plus de sécurité collective

Les compagnies de croisière promettent évasion et liberté en voguant d’îles en centres villes historiques, du luxueux restaurant italien au buffet chinois, et ce malgré un confinement maritime assumé. La profusion des services donne aux passagers le sentiment de vivre une expérience unique de liberté qu’il faudra désormais conjuguer avec une « sécurité sanitaire individuelle et collective ». Des idées simples pourraient participer à la prévention des risques. Comme celle de rendre la carte magnétique d’accès aux cabines encore plus intelligente de façon à en faire un passeport médical qui renseigne en temps réel, voire poussée à l’extrême, pourrait assurer la prise systématique de température. Le monitoring des signaux faibles d’un problème sanitaire serait alors centralisé grâce aux technologies de l’intelligence artificielle.

Autre option, tout aussi polémique mais peut-être nécessaire demain, le contrôle plus approfondi des antécédents médicaux mais aussi des voyages et déplacements antérieurs à l’embarquement de tous les passagers. Sur le modèle du « screening minutieux » opéré par les douanes aériennes les plus strictes. Pas simple, mais les passeports biométriques de dernière génération permettraient d’agréger des données sur le nomadisme des passagers et apporter des informations pertinentes pour une gestion anticipée de dangers sanitaires. Croisées avec les informations collectées lors de l’escale (cf.Quelles réponses portuaires apporter aux croisières pandémiques ?), ces mesures permettent de compiler des données personnelles en temps réel pour les agréger dans des modèles prédictifs qui atténuent le risque de perte de contrôle en cas de crise sanitaire et anticipent les mesures palliatives d’urgence.

Quelles réponses portuaires apporter aux croisières pandémiques ? 

À l'armement d'apporter les réponses pour rassurer les futurs croisiéristes

L’armement demeure au cœur de la réponse à apporter pour rassurer les futurs croisiéristes. L’organisation de ses rotations commerciales en s’appuyant sur des ports sanitaires de refuge constitue une autre piste de régulation du risque pandémique. Poster en permanence un ou plusieurs « navires-hôpitaux » sur des escales de type « hub » pourrait être projeté avec notamment une mutualisation des opérateurs de croisière pour orchestrer une réponse coordonnée en cas de crise. Cette perspective répondrait à deux problématiques sanitaires. La première concerne par exemple les îles de la Caraïbe aux moyens médicaux extrêmement limités au regard des millions de croisiériste qui sillonnent chaque année cet immense paradis maritime semi-fermé. La seconde considère les côtes européennes où, où malgré l’existence d’un espace intégré, aucune coordination n’est effective entre les autorités portuaires et les États côtiers, depuis la Baltique jusqu’aux confins de la Mer Égée.

De la même façon que le célèbre Queen Mary a changé d’usage pour devenir un hôtel au quai du port de Long Beach, pourquoi ne pas agencer des navires de croisière en fin de vie en établissements médicaux avancés, destinés autant aux croisiéristes qu'aux personnels navigants et soignants à terre ?

Yann Alix

Retrouvez les deux précédentes contributions :

Quels seront les effets post-traumatiques du Covid-19 sur le secteur de la croisière ?

Quelles réponses portuaires apporter aux croisières pandémiques ? 

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