Le 25 novembre dernier, la compagnie Baleària a annoncé la mise en service d’une nouvelle ligne ro-pax quotidienne entre Motril (Andalousie) et Tanger Med avec le Volcán de Tauce (1 100 mètres linéaires). Elle complète ainsi son offre sur le Maroc, où elle est présente depuis 2003, assurant sept rotations quotidiennes entre Algésiras et Tanger et opérant les lignes Almeria-Nador et Sète-Nador, lancée en 2020.
Armas Trasmediterranea, de son côté, a démarré le transport de camions entre Motril et Al Hoceima : il s’agit pour l’instant de produits alimentaires. Selon nos informations, la compagnie italienne GNV, qui appartient au groupe MSC, envisagerait d’ouvrir une ligne vers le Maroc depuis Valence tandis que plusieurs ports du sud de l’Espagne souhaitent développer le trafic avec le voisin d’outre-Méditerranée. Le Maroc est « dans le radar » notamment de Barcelone et de Valence.
Baleària en pole position
Lors de la réunion organisée le 24 novembre dernier à Madrid par l’Association espagnole pour la promotion du Transport maritime de courte distance (TMCD) SPC-Spain, le président de Baleària, Adolfo Utor a vivement défendu le trafic avec l’Afrique du nord, « depuis la Mauritanie jusqu’à l’Égypte ». Selon lui, la pandémie a accéléré un processus de relocalisation des activités industrielles qui va s’intensifier et générer de nouveaux flux de trafics. Outre l’activité sur le Maroc, il propose une ligne hebdomadaire entre Valence et Mostaganem, rouverte en novembre 2021 avec la fin du Covid, mais souhaiterait être davantage présent en Algérie. La Tunisie l’intéresse également.
Le phénomène de relocalisation vient s’ajouter aux exportations traditionnelles de fruits et de légumes marocains et à l’industrialisation du Maroc autour de Tanger Med (automobile notamment). Ainsi, par exemple, le groupe Inditex (Zara, Bershka, Stradivarius, Massimo Dutti, Pull and Bear) envoie des tissus au Maroc et réimporte des produits fabriqués. Le royaume chérifien est le troisième partenaire commercial de l’Espagne avec une valeur d’exportations et d’importations s’élevant à 9,5 Md€ et 7,5 Md€ respectivement et une balance commerciale excédentaire.
Le Maroc, moteur de croissance en Méditerranée
Cette dynamique a sa traduction concrète en termes de trafic maritime. Le nombre de poids lourds (camions, remorques et semis) traversant le détroit de Gibraltar, essentiellement sur l’axe maritime Tanger Med-Algésiras, est passé de 252 000 en 2013 à 426 000 véhicules en 2021 et devrait atteindre le cap des 600 000 en 2025, selon l’Autorité portuaire de la baie d’Algésiras (APBA). Lors de la réunion de SPC-Spain, le président de Puertos del Estado, Alvaro Rodríguez Dapena, n’a pas hésité à établir un parallèle avec l’expansion du trafic routier entre l’Espagne et la France depuis l’adhésion du voisin d’Outre-Pyrénées à la CEE, le 1er janvier 1986.
Un trafic en hausse de 40 %
Selon l’Observatoire statistique du TMCD en Espagne, publié par SPC-Spain, l’ensemble du trafic roulier entre les ports espagnols de Méditerranée et le Maroc a augmenté de 40 % pendant le premier semestre de 2022 (par rapport à la même période de l’année antérieure) pour atteindre 8,3 Mt. Ce dynamisme contraste avec la stagnation du trafic avec l’Italie pendant la même période (4,8 Mt). Le trafic avec l’Algérie, bien qu’en progression (+ 23 %) demeure bien plus modeste à ce jour (90 000 t).
Que ce soit avec ou sans passagers, le trafic roulier offre des avantages appréciables : disponibilité de lignes, régularité des horaires, absence de manutention portuaire, etc. Alvaro Rodríguez Dapena mentionne même un « transfert » depuis le conteneur vers le roulier. Pour les armateurs espagnols, qui ont loupé le coche du trafic entre l’Espagne et l’Italie, le trafic péninsule-Maroc offre l’occasion de se positionner en force sur un marché à fort potentiel de croissance et de tenter de damer le pion à l’offensive des compagnies italiennes dans la péninsule.
Daniel Solano