Le Japon veut fusionner 15 chantiers navals

 

Le Japon a dominé la construction navale mondiale jusqu'au début du siècle avant de devoir céder son pré carré sous la pression de ses deux grands voisins, tous deux moins chers, l’un accaparant les volumes, l’autre capitalisant sur l’expertise technologique sur les méthaniers. Des mouvements s’opèrent. Une réplique tardive aux secousses répétées infligées par ses rivaux qui restructurent leurs actifs pour gagner la course à la taille critique. 

Le pays aux manœuvres feutrées et plutôt discrètes d’ordinaire ne fait pas cette fois dans la demi-mesure. Sous pression de ses deux très grands rivaux – la Chine et la Corée du Sud –, le gouvernement japonais envisage de fusionner quinze chantiers navals en vue de construire un (autre) géant de la construction navale. Le plan, répondant au nom de code « All Japan Shipbuilding », rapporte le Nikkei, le quotidien économique qui publie le principal indice boursier de la bourse de Tokyo, est une réaction à détente aux agissements de ses voisins, qui depuis deux à trois ans, s’agitent, consolident et fusionnent ce qui peut l’être.

Le projet piloté par le ministère japonais des terres, des infrastructures, des transports et du tourisme (MLIT) intervient alors que les deux plus grands chantiers navals du pays, Imabari Shipbuilding et Japan Marine United (JMU), avaient déjà annoncé en décembre une « alliance » et un « accord de capital ». Les deux leaders nippons doivent former une entreprise commune d'ici le 31 mars 2021, dans laquelle ils détiendraient respectivement 51 % et 49 % du capital. Elle sera dédiée à tous les navires marchands, excepté les méthaniers. Ensemble, ils contrôleraient 10 % de la construction navale mondiale. Mais il n’est pas question de fusion, a encore répété récemment Yukito Higaki, le président d'Imabari, lors d’une conférence de presse.

Mitsubishi Heavy Industries a également annoncé, à la fin de l'année dernière, la vente de l'un de ses plus grands chantiers navals à son compatriote Oshima Shipbuilding. Deux autres grands constructeurs navals japonais, Mitsui E&S et Tsuneishi Shipbuilding ont conclu pour leur part un partenariat commercial en 2018.

Géographie mondiale sommaire

En matière de construction navale, la géographie mondiale est sommaire. Depuis les années 80, l’activité a été littéralement rayée de la carte de certains pays européens et, quand elle subsiste, les industriels se sont clairement recentrés sur les navires à haute valeur ajoutée, laissant les Asiatiques gagner la bataille du carnet de commandes. Pour les volumes, tout se joue ainsi en intra-asiatique. La Chine, la Corée du Sud et le Japon additionnent 90 % des tonnages livrés selon la Review of maritime transport de la Cnuced, les deux premiers se coursant chacun dans une spécialité. La Chine détient les parts de marché les plus importantes dans les vraquiers (60 %), cargos (47 %) et porte-conteneurs. La Corée se distingue dans les méthaniers (64 %) et pétroliers (42 %). Le Japon garde une prééminence dans les chimiquiers (45 %).

En termes de commandes en tonnes brutes compensées (TBC), la Chine reste le leader mondial avec 26,16 millions de TBC, soit 35 % du total du marché devant sa grande rivale voisine, la Corée du Sud (29 %) et le Japon (15 %). La concurrence n’en est pas moins rude entre pays voisins et pas toujours amis, géopolitiquement parlant. Et les grandes manœuvres dans les opérations de fusion qui animent le marché depuis quelques mois déjà n’y sont pas étrangères.

La Corée du Sud, sous perfusion publique 

Largement subventionnés par de l’argent public après quelques années difficiles (2015 avait enregistré de nombreuses restructurations et licenciements), les chantiers navals sud-coréens pourraient s’imposer pour longtemps à la tête du carnet mondial, le gouvernement ayant à cœur de muscler son industrie navale.

Le projet de rachat de Hyundai Heavy Industries de son compatriote Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering (DSME) en Corée du Sud est une réalité mais s’étire en longueur, pour des raisons réglementaires. L’opération, qui donnerait corps à un géant planétaire, est dans le viseur des autorités européennes de la concurrence. Les deux actuels géants concentreraient plus d’un cinquième du carnet de commandes mondial. Les chantiers navals européens ne cessent de dénoncer les aides d’État dont auraient bénéficié les chantiers sud-coréens. Le Japon porte aussi la charge sur ce dossier dans une autre instance. L’outsider asiatique a déposé le 31 janvier une requête auprès de l’OMC au sujet de ces subventions qu’il juge excessives et qui auraient nui à aux chantiers nippons. Cette action intervient plus d’un an après une requête similaire faite en novembre 2018.

La Chine en grande agitation

Vivement incitée par le gouvernement central, la restructuration de l’industrie de la construction navale chinoise bat son plein. Exceptées ses trois grandes entreprises d’État, China State Shipbuilding Cor. (CSSC), China Shipbuilding Industry Company (CSIC) et Cosco Shipping Heavy Industry (CSHI), la construction navale chinoise (plus de 1 000 chantiers répertoriés), notamment privée, est toujours en phase de rémission. Le monopole des mastodontes publics est d’ailleurs la principale cause de ses malheurs : entre 2009 et 2016, plus de 140 chantiers navals chinois ont disparu tandis que plus de 90 autres ont fusionné ou ont été acquis.

Cela fait quelques années que les chantiers chinois sont invités par les hauts dirigeants de l’État à des négociations en vue de constituer des groupes puissants au niveau mondial dans chacun des secteurs de l’industrie maritime et à chasser la concurrence là où elle n’aurait pas lieu d’être. Le 1er juillet 2019, CSIC et CSSC annonçaient ainsi, dans des avis financiers distincts mais similaires, qu’ils prévoyaient de fusionner. En novembre, Pékin donnait son aval à la nouvelle entité, dénommée China Shipbuilding Group, qui avait alors 410 navires dans son carnet de commandes.

Les deux entités, qui ne formaient qu’un jusqu’en 1999, avaient ces derniers mois procédé à une restructuration de leurs actifs respectifs. L’opération une fois achevée devrait donner naissance à un grand groupe de nature à rivaliser avec le conglomérat sud-coréen, né de la fusion entre HHI et DSME.

Dans le même temps, China Merchants Group est en train d’ouvrir son capital de China Merchants Heavy Industry, le 4e du pays derrière CSSC, CSIC et CSHI, à des investisseurs privés. Il a négocié avec AVIC International Holdings en vue d’un rapprochement à trois qui les lierait aussi à China International Marine Containers (CIMC). Une opération qui créerait alors l'un des plus grands groupes mondiaux dans la construction navale offshore.

Adeline Descamps

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