Le conteneur, cette vulgaire boîte devenue si essentielle

La crise des équipements fait assurément flamber le coût de transport pour les chargeurs mais elle enflamme aussi les bénéfices des loueurs de conteneurs. D’après leurs résultats financiers, les conditions actuelles leur ont été extrêmement profitables. Selon eux, les fabricants chinois n’ont aucun intérêt à augmenter les cadences. Le prix ou le volume, il faut choisir…

Dans le monde de la fabrication et de la location des conteneurs, les rapports de force sont vite établis. Trois entreprises chinoises - CIMC, DFIC et CXIC – assurent 80 % de la production mondiale de conteneurs. Trois sociétés dominent le marché de la location : Textainer, Triton et CAI. Au cœur de ce marché, un objet parallélépipédique en métal, de simple facture, est devenue en quelques mois une denrée rare et précieuse.

La faible disponibilité des équipements est devenue tout autant la grande cause internationale du transport maritime qu’une bombe à retardement. La vulgaire boîte doit ce statut à un satané virus qui a mis la pagaille dans l’organisation para-millimétrée des échanges internationaux, avec à la fois des infrastructures portuaires pas forcément dimensionnées pour gérer des à-coups et des transporteurs qui peinent à gérer une demande forte et subite. In fine, il faut accélérer les rotations pour que les conteneurs vides soient là où ils sont utiles alors qu’aujourd’hui ils stationnent là où ils ne sont pas désespérément nécessaires. Il en ressort des retards dans la livraison des marchés de consommation et des coûts de transport qui étranglent les chargeurs dont la facture flambe, parfois sur un multiple de 10, avec un Shanghai-Fos à 8 835 $ pour un 40 pieds (FEU).

Mais le prix du conteneur s’en ressent également : il est passé de 1 800 $ par CEU début 2020 (cost equivalent unit, unité de mesure de référence) à 2 500 $ en fin d’année et à 3 500 $ voire plus ces derniers jours.

Textainer : des commandes de conteneurs pour une somme de 925 M$

La situation ne fait pas que des mécontents. Leurs résultats étaient guettés et ils n’ont pas trompé les attentes. Les trois principaux loueurs de boîtes viennent de publier des résultats impressionnants, profitant de la divine période.

Textainer a annoncé un bénéfice net de 41 M$ pour le quatrième trimestre 2020, contre 28,8 M$ un an auparavant, bien au-delà de ce que lui prêtait le consensus financier. Les revenus de location ont augmenté de 12,4 M$ au cours des trois derniers mois de l’année par rapport au trimestre précédent.

« Nous avons réagi rapidement à la forte reprise du conteneur en juillet 2020 en investissant massivement dans de nouveaux conteneurs. Au cours du second semestre de cette année-là, nous avons investi 890 M$ pour accroître notre flotte, dont 470 M$ sur le seul quatrième trimestre. La quasi-totalité est actuellement louée », a indiqué Olivier Ghesquiere, le PDG de Textainer à l’occasion de la présentation des résultats. Sur le dernier trimestre de l’année 2020, le taux d’utilisation moyen de son parc de conteneurs s’élevait à 99,5 %.

La société a signé un autre chèque de 925 M$ pour de nouvelles boîtes, dont elle devrait être livrée d’ici juin. « Bien que les prix des nouveaux conteneurs soient actuellement à des niveaux historiquement élevés, le prix moyen de nos prochaines commandes pour 2021 est bien inférieur aux niveaux actuels et la quasi-totalité d'entre elles sont pré-engagées dans des baux d'une durée moyenne supérieure à 10 ans », prévient le dirigeant.

Triton : 1,7 Md$ engagés dans des conteneurs à livrer en 2021

Triton a soldé les trois derniers mois de l’année avec un résultat net de 115,2 M$ contre 77,2 M$ pour le quatrième trimestre 2019. « Les volumes d'échanges et la demande de conteneurs ont été exceptionnellement forts en fin d’année. L'utilisation de notre parc a atteint les 98,9 % au 31 décembre et se situait à 99,1 % au 9 février », a détaillé Brian Sondey, directeur général de Triton, devant les investisseurs. Depuis, la société a engagé 1,7 Md$ dans de nouveaux équipements à livrer en 2021.

« Nos performances au quatrième trimestre ont bénéficié de la forte demande de leasing et ont été dopées par des prix de vente exceptionnels pour les conteneurs d'occasionNos clients n'ont en général pas anticipé la reprise rapide des échanges au second semestre, et tous les grands transporteurs maritimes se sont trouvés sans conteneurs en nombre suffisant. Ils ont principalement compté sur le leasing pour répondre à leurs besoins. » Triton ne va pas s’en plaindre. Le loueur a fourni ou réservé plus de 1,3 MEVP de conteneurs neufs et d'occasion depuis le début du troisième trimestre 2020. Selon Brian Sondey, les prix actuels pour les nouvelles commandes de conteneurs approchent les 3 500 $ pour un conteneur de 20 pieds et « ils continuent d'augmenter ».

CAI : 340 M$ engagés pour des conteneurs jusqu'au début du troisième trimestre de 2021

Quant à CAI, à 82 M$, les revenus de location de conteneurs ont atteint un niveau record au cours des trois derniers mois de l’année. L’entreprise affichait alors un taux d'utilisation moyenne de 99,3 % de son parc détenu en propre.

« Le marché mondial des conteneurs a été remarquable ces derniers trimestres, la demande a été sans précédent et les prix des conteneurs ont atteint des niveaux records. Nous nous attendons à ce que la demande de conteneurs reste forte tout au long de 2021 », explique Timothy Page, le directeur financier de CAI. 

La société américaine dispose d’engagements pour la livraison de 340 M$ de nouveaux conteneurs jusqu'au début du troisième trimestre de 2021. « Nous continuons à nous concentrer sur des baux à très long terme et, en raison des prix historiquement élevés des conteneurs et d’un marché spéculatif, nous limitons nos engagements », insiste le dirigeant qui anticipe une « réduction probable des ventes de conteneurs en raison d'un manque de stock disponible dû à nos niveaux d'utilisation élevés. »

Pour quelle stratégie vont opter les fabricants ?

Alors qu’il est attendu que le petit nombre d'usines chinoises contrôlant le marché mondial produisent en grandes séries et à cadence forcée, les loueurs de conteneurs ont tendance à penser que cela n’est pas dans leur intérêt. « Elles gèrent les capacités de façon à maintenir les prix à un niveau élevé et à maximiser leurs revenus », reconnaît formellement Timothy Page. « C'est une nouvelle dynamique dans notre industrie. Et je pense qu'elle va se maintenir. » Une allusion à l’année 2020 où les usines chinoises avaient joué le volume plus que le prix.

Plus inquiétant, selon les professionnels, une grande partie des conteneurs fabriqués ces derniers mois ont été rapidement absorbés par la demande. Mais que fera le marché de cet afflux de boîtes ? « On ne se retrouvera pas dans une situation avec un excès de conteneurs, car le marché était en pénurie bien avant qu’on en soit là », rassure Olivier Ghesquiere, le PDG de Textainer. 

Adeline Descamps

 

 

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