Fincantieri a clôturé 2019 sur un chiffre d’affaires de 5,8 Md€

 

Le groupe italien de construction navale, sous cloche depuis la mi-mars, a présenté des résultats financiers qui détonnent, bien que neutralisés par les destins contraires de Vard. L’année 2020 risque d’infléchir le cours de ses affaires si la crise ne cesse pas dans « un délai raisonnable ». 

Quel contraste. Il y a encore quelques semaines, sans la vague scélérate du covid-19, les résultats du géant italien de la construction navale ne seraient sans doute pas passés inaperçus mais n’auraient pas surpris. Alors qu’il a prolongé la mise sous cloche de l’ensemble de sa production, à l’arrêt déjà depuis la mi-mars, pour respecter le décret du président du Conseil des ministres italien adopté le 22 mars, Fincantieri vient de publier les résultats financiers de son exercice 2019.

Le groupe, né à la fin des années 50 de la volonté de la puissance publique de regrouper différents chantiers navals (civils et militaires), a clôturé 2019 sur un chiffre d’affaire de 5,8 Md€, en hausse de 8 % par rapport aux 5,4 milliards enregistrés en 2018. L’activité a été tirée par la construction de paquebots (+ 10,8 %) qui contribue à hauteur de 56 % de ses revenus. Les revenus du segment des navires militaires est également en progression de 4,8 %, représentant 23 % du total. La croissance de ces domaines a notamment contribué à contrebalancer la mauvaise année pour ses résultats offshore et spécialisés, en chute de près de 30 %.

Plombé par ses sites norvégiens

Cependant, la performance négative de sa filiale norvégienne Vard, pour laquelle un plan de restructuration a été mis en œuvre suite à la fermeture de deux de ses cinq sites en Norvège*, a plombé les résultats du groupe. L'Ebitda s'est élevé à 320 M€ en 2019, contre 421 M€ un an plus tôt. La perte nette ajustée a atteint les 71 M€ en 2019 contre un bénéfice ajusté de 114 M€ en 2018. Le résultat net se solde par un déficit de 148 M€ contre un bénéfice de 69 M€ en 2018.

Visibilité hors covid-19

Sur le plan opérationnel, le groupe disposait au 31 décembre 2019 d’une visibilité confortable avec un carnet garni de 109 commandes totalisant 32,7 Md€ dont 8,7 Md€ passés en 2019 et 28 nouvelles unités. Le seul segment de la croisière a représenté 13 commandes pour six compagnies totalisant un valeur de 6 Md€. Compte tenu du contexte, ce succès peut s’avérer à double tranchant pour cette entreprise qui a assis sa relance sur les paquebots et navires de transport passagers dans les années 90 et 2000 à l’instar d’autres chantiers européens, évincés de la construction de navires marchands ou de porte-conteneurs par le Japon et la Corée du Sud, et désormais la Chine.

Fincantieri concède que 2020 va affecter significativement le cours de ses « affaires ». Mais la société, contrôlée encore par l’État italien (la Cassa Depositi e Prestiti est actionnaire à 71 % via la société Fintecna), estime que « son capital et sa structure économique permettront de faire face » à condition que la sortie de crise se fasse « dans un délai raisonnable ». Pour l’heure la société, qui déclare se concentrer sur la préservation de ses clients et de ses « partenaires stratégiques » pour consolider le carnet de commandes acquis, n’évoque pas d’annulations ou de reports, pourtant sans doute inévitables. Elle suspend cependant toutes ses projections, compte tenu de l'incertitude pesant sur de nombreux paramètres, et  « divulguera au marché (la société a une part en bourse), un nouveau plan d'affaires 2020-2024 dès que le groupe aura une évaluation claire des impacts ».

Année stratégique dense

L’année 2019 a été dense pour le groupe sur un plan plus…stratégique. Le constructeur italien et son homologue Genova Industrie Navali (GIN), maison mère des chantiers génois San Giorgio del Porto et T. Mariotti, ont conclu en mars un accord de coopération. À cette occasion, Fincantieri a pris une participation minoritaire dans le capital de T. Mariotti, précédemment allié au chantier néerlandais Damen dans les navires de croisière. 

À la barre du groupe depuis avril 2002, Giuseppe Bono a été reconduit à la tête du conseil d’administration jusqu’en 2021. C’est ce nouveau conseil d’administration qui devra concrétiser certains chantiers dont la presse se fait régulièrement l’écho. À moins qu’ils ne restent en fond de cale. Le premier concerne la prise de contrôle du français Chantiers de l’Atlantique par l’italien Fincantieri, qui ne semble pas avoir la faveur de l’antitrust européen (pas plus que de l’Allemagne d’ailleurs dont l’action de lobbying cherche à préserver son fleuron Meyer Werft). La Commission a repoussé sa décision (en principe au 17 avril), Bruxelles aurait demandé à l’industriel transalpin des cessions dont l’acceptation semble improbable.

Le 15 janvier dernier, son partenariat initié en 2018 avec le constructeur naval militaire Naval Group (lui-même actionnaire des Chantiers de l’Atlantique) s’est matérialisé par la création de la joint-venture Naviris (50/50 %) dédiée aux navires de surface, qui ambitionne d’atteindre 1,5 à 1,7 Md€ de prises de commandes d’ici la fin 2022. Un dossier « naval défense » qui se heurte toutefois, sur les marchés exports, à une concurrence frontale (non résolue) entre l’Italien et le français. À ce niveau, autant dire entre Paris et Rome.

Adeline DESCAMPS

* Aukra, plutôt dédié aux chalutiers et Brevik, deux sites hérités de Aker, puis revendus à STX avant d’être acquis par Fincantieri en 2013. Les autres chantiers de Vard sont Søviknes (auquel sont confiés les Explorer de Ponant), Langsten (paquebots d’expédition d'Hapag-Lloyd Cruises) et Brattvåg (navires scientifiques).

 

SEA Europe demande la protection européenne

La fédération européenne représentant les chantiers navals et les fabricants d'équipements maritimes ne cache pas ses inquiétudes. Le secteur de la construction navale est affecté par l’arrêt de la production, le chômage technique ainsi que des problèmes de liquidités qui en découlent. Elle craint que les reports de commandes ne s’amoncellent, les armateurs abordant cette période de fortes turbulences déjà fragilisés par un endettement important.

« L'Europe risque de perdre un secteur stratégique au profit de l'Asie, alors que les chantiers navals et les fabricants d'équipements maritimes européens sont essentiels dans le cadre du Green Deal européen (nom du grand dessein du nouvel exécutif européen) ainsi que pour l'accès aux mers et le commerce des biens et des passagers. Une telle perte rendrait l'Europe entièrement dépendante de l'Asie pour la conception, la construction, la réparation, la modernisation et l'équipement des navires civils », s’alarme Kjersti Kleven, la présidente de SEA Europe, rappelant que le secteur dont elle défend les intérêts est particulièrement vulnérable « car il est fortement orienté vers l'exportation et très dépendant de l’économie mondiale ».

SEA Europe craint une casse sociale de plus d'un million d'emplois et des impacts économiques estimés à 120 Md€. Le syndicat exhorte la Commission à mettre en place une politique sectorielle et un soutien financier adaptés aux besoins spécifiques de ses entreprises. 

« L'épidémie a déjà clairement démontré les effets pervers de la dépendance de l'Europe vis-à-vis des nations étrangères. Il faut veiller à ne pas les reproduire dans le secteur européen de la technologie maritime, en particulier en période de tensions politiques internationales et de protectionnisme commercial croissants et alors que l’Europe fait montre de grandes ambitions politiques comme en témoigne le Green Deal », conclut l'association.

 

 

 

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