Édouard Louis-Dreyfus, Armateurs de France : « la course a commencé. Nous sommes conscients de l’urgence »

Édouard Louis-Dreyfus, président de Louis Dreyfus-Armateurs depuis 2015 et d'Armateurs de France depuis ce 4 avril 2023.

Crédit photo ©Olivier Brunet
Après avoir effectué deux mandats, Jean-Emmanuel Sauvée a passé la barre d'Armateurs de France à Edouard Louis-Dreyfus le 4 avril pour un mandat de deux ans. Le président du groupe Louis Dreyfus Armateurs arrive à la tête de l'organisation professionnelle à un moment où il va falloir être plus vert que bleu.        

Transmission de flambeau chez Armateurs de France (AdF). Après deux mandats effectués en trois ans, Jean-Emmanuel Sauvée a passé la barre de l’organisation professionnelle à Édouard Louis-Dreyfus le 4 avril pour un mandat de deux ans.

Le président du groupe Louis Dreyfus Armateurs depuis juillet 2015, double profil de juriste et grande école de commerce, a débuté sa carrière dans le trading de produits pétroliers chez Texaco à Londres avant de rejoindre la branche trading (sucre et café) du groupe Louis Dreyfus (négoce) en 2002 au desk londonien. Il va ensuite rapatrier la branche shipping quand la compagnie armait encore des vraquiers et n’avait pas encore été rachetée par son père (2007), Philippe Louis-Dreyfus, qui va la faire « pivoter » dans les services maritimes à haute valeur ajoutée (pose de câbles sous-marins, support à l’éolien offshore, logistique de projets complexes, etc.).

Capitalisme familial

« Je souhaite inscrire ma présidence dans le cadre d’une grande collégialité. C’est en ayant en tête la nécessaire solidarité économique et le sens de l’intérêt commun, ces valeurs qui permettent de passer sans encombre les périodes les plus difficiles, que j’ai accepté de prendre la présidence », anticipe le nouvel élu sur ses engagements à venir, avec en memoire les tempêtes essuyées par son prédécesseur (une pandémie et une guerre).

C’est donc le retour d’un Louis-Dreyfus à la tête du syndicat, que son père, Philippe, grand militant de la cause patronale, a présidé entre 2002 et 2004, une mandature marquée par la création du registre international français (Rif) et la controversée taxe au tonnage.

Certains, à l’instar du secrétaire d’État chargé de la Mer Hervé Berville, qui en a fait mention dans son intervention à l’occasion de la soirée annuelle qui a suivi l’assemblée générale, y ont vu des symboliques, l’entreprise Louis Dreyfus Armateurs incarnant la gestion patrimoniale et la vision au long cours de l’entreprise familiale, ce capitalisme alternatif porteur des enjeux de souveraineté nationale, qui colorent aujourd’hui en bleu, blanc, rouge les discours.

400 navires à décarboner

Edouard Louis-Dreyfus (génération 70s') hérite d’une structure de 60 armateurs – soit quasiment toute la profession à l’exception de quelques remarquables boycott –, qui à ses 120 ans fait face à une vague scélérate : la décarbonation totale de la filière d’ici à 2050. Un immense chantier qui supposerait le renouvellement de la flotte du pavillon français : 400 navires et quelque milliards à trouver.

« La course a commencé. Nous sommes conscients de l’urgence de la situation. Nous avons un rôle clé à jouer, en tant qu’armateurs, dans cette transition écologique. Les armateurs y sont déjà engagés », a rappelé le nouveau président en ouverture de son premier discours tenu à l’occasion de la soirée annuelle d’AdF au pavillon Gabriel, où la filière au complet était réunie. Avec plusieurs ministres au premier rang, dont Hervé Berville (Mer), Clément Beaune (Transports), Jean-Yves Le Drian (Affaires étrangères et Europe). Et l’Élysée en illustre voisin. « Je pense notamment à tous ceux qui innovent en équipant leurs navires de dispositifs véliques, à ceux qui renouvellent leur flotte avec des navires propulsés au GNL ou avec d’autres carburants alternatifs comme le HVO ou le méthanol. Je pense aussi à tous ces jeunes armements qui ont récemment rejoint Armateurs de France, et qui démontrent par les idées innovantes de leurs projets de navires, tout le dynamisme et la vitalité de notre secteur maritime », a-t-il rappelé.

Il aura un mot à ce propos à l’endroit de CMA CGM, notable absent ce soir-là, pour saluer la création du Fonds Énergies doté de 1,5 Md€ « dans le but d’accélérer la transition énergétique de notre secteur. Sa solidarité à l’égard de l’ensemble de notre filière l’honore ».

Une feuille de route durable et responsable

Á l’issue de la soirée, la filière a remis sa « feuille de route décarbonation » au gouvernement. Les priorités seront définies à l’occasion du CIMer (Comité interministériel de la mer) en juin, présidé par la première Ministre Élisabeth Borne.

Le nouveau président rappellera les quelques obsessions de la filière : vigilance maintenue sur le dumping social sur le détroit au nord quand bien même une première manche a été gagnée avec l’unanimité des parlementaires sur la proposition de loi portée par le député Renaissance Le Gac (présent). Il attend le même consensus de la part des sénateurs, qui devrait examiner le projet en juin.

« Nous devons poursuivre nos efforts pour favoriser les conditions de travail des marins et permettre une concurrence saine, équitable et loyale en Europe mais aussi sur l’ensemble des mers du monde ».

Il saluera la persévérance de Jean-Marc Roué (Brittany Ferries) et Jean-Claude Charlo (DFDS) sur ce dossier et « l’ensemble des partenaires sociaux qui sont aussi parmi nous ce soir ».

Aller plus loin dans le dialogue social

À l'endroit des salariés, il souhaite au nom de l’organisation aller plus loin dans le dialogue avec les syndicats et faire aboutir les négociations sur les minima conventionnels de la branche du personnel d’exécution. Dans le prolongement de ce qui a été acquis l'an dernier.

Armateurs de France et les trois syndicats d’officiers CFE-CGC Marine, CFDT et Fomm CGT ont signé l’an dernier un accord qui prévoit une revalorisation de 10 % des minima salariaux conventionnels de la branche des officiers cadre. Une négociation qui a fait événement car le dialogue social achoppait depuis novembre 2012.

Reprendre le fil sur la flotte stratégique

Édouard Louis-Dreyfus reprend aussi le combat sur la flotte stratégique, pour laquelle son père a beaucoup plaidé. Sous ce terme se rangent les navires que l’on dit essentiels car ils transportent des matières premières vitales à l’approvisionnement du pays ou parce qu’ils remplissent une fonction cardinale. La guerre en Ukraine et le retour d’une conflictualité exacerbée ont remis le dossier en haut de la pile. Le député Renaissance du Var, Yannick Chenevar, vient d’être missionné par la Première ministre et le secrétaire d’État à la Mer sur le chantier. Les armateurs ont été auditionnés.

L’engagement de la flotte stratégique est pourtant inscrit dans le Code de la Défense de 2017, suite de la loi sur l’Économie bleue de 2016, mais son application est marbrée.

« Nous suivrons avec intérêt la mission de la flotte stratégique. Les multiples crises que nous traversons aujourd’hui nous y obligent. Il est temps que les travaux entrepris à l’occasion de la loi économie bleue de 2016 aboutissent et qu’ainsi l’État dispose des moyens nécessaires à la sécurisation des approvisionnements de nos territoires, de nos moyens de communications, des services et travaux maritimes, et puisse proposer des moyens utiles à nos forces armées en cas de crise », posera le nouveau président des armateurs français.

Adeline Descamps

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