Du monde au mouillage dans les chantiers de démantèlement

 

Les restrictions imposées par les mesures de confinement en Inde, grand pays recycleur de navires, ont paralysé l’activité de ses nombreux chantiers de démantèlement. La vie reprend son cours et les navires affluent en nombre. La situation devrait se tendre encore davantage car les ventes à la ferraille ont également retrouvé de la vigueur. 

Il y a la queue pour mourir. Une vingtaine de porte-conteneurs attendaient fin mai au mouillage dans les chantiers sur les plages d’Asie du Sud, et notamment dans la baie d’Alang, où cohabitent quelque 120 chantiers de recyclage. La plupart des navires en attente de démantèlement avaient été vendus à la ferraille fin mars, a comptabilisé Alphaliner

En outre, au moins une demi-douzaine de navires colonisent le large de Singapour et de Dubaï, attendant de connaître leur destination finale avant d'entamer leur dernier voyage. Douze navires récemment vendus devraient encore étoffer la file d'attente. Fait plus singulier, les tonnages sont plus élevés que d’ordinaire. Parmi eux, deux unités de 7 403 EVP, les plus grands porte-conteneurs jamais mis au rebut, relève le consultant. Deux autres navires de 6 000 à 7 500 EVP devraient rejoindre la liste des navires à démolir dans les prochains jours.

Parmi les navires actuellement en attente ou en cours de démantèlement, la plupart sont dans les segments 1 500-2 000 EVP, à quelques exceptions près, toutefois, les Kokura (7 403 EVP), E. R. Pusan (6 008 EVP), YM Cypress (5 551 EVP) et YM Bamboo (5 551EVP).

Sujet clivant

L’activité y avait été stoppée net par les restrictions décidées par les pouvoirs publics pour lutter contre la propagation. L'assouplissement des mesures dans le sous-continent indien, à la fin du mois de mai, a permis le retour à un semblant d’activité.

Dans un monde d’avant-Covid, le sujet était clivant. Un règlement européen entré en vigueur depuis le 1er janvier 2019 rend obligatoire le recyclage des navires battant pavillon européen dans des sites agréés par l'UE. Les armateurs soutenaient alors que l’Europe ne serait pas en capacité de garantir le recyclage au vu du faible nombre de chantiers disponibles dans la mesure où les installations et/ou cales sèches agréés par l’Europe ont une forte activité dans la réparation navale et les travaux en mer. Par ailleurs, selon eux, il n’y aurait qu’une seule installation taillée pour les plus gros navires (et pas exclusif non plus au démantèlement). À l'heure actuelle, 41 chantiers sont agréés, dont 34 dans l'UE et sept en dehors de l'Europe : six en Turquie et un aux États-Unis.

L'Association européenne des armateurs (ECSA) demandait pour cette raison une extension de la liste des chantiers à agréer. « Lorsque des installations non communautaires telles que les installations indiennes sont jugées conformes aux exigences, elles devraient être incluses dans la liste de l'UE, car cela aura des effets bénéfiques en Asie du Sud et dans le monde entier ». Et pour toute solution, les armateurs invitaient les État à ratifier au plus vite la convention de Hong Kong. 

Hong Kong, une convention-clef 

En décembre, l'Inde a rejoint la liste des pays signataires de la Convention internationale de Hong Kong réglementant le démantèlement des navires. Une décision importante car l’Inde fait partie des cinq plus grands États recycleurs au monde en volume. Son adhésion – la 14e – serait donc de nature à débloquer l'entrée en vigueur de ce traité, toujours lettres mortes deux décennies après son adoption, faute du quorum de ratification atteint fixé à 15 États représentant au moins 40 % de la flotte mondiale de navires de commerce. Lorsque l'Allemagne a adhéré au traité en juillet dernier, en tant que 13e État contractant, elle portait à 29,42 % le tonnage mondial. Il est considéré par l'OMI que si la Chine ou le Bangladesh (47,2 % de parts de marché mondiales dans le démantèlement) adhéraient au traité, il entrerait de facto en vigueur à l'échelle mondiale. 

Les ONG Shipbreaking Platform et Transport & Environment (T&E), qui dénoncent depuis des années les conditions d’emplois et de sécurité dans ces chantiers « peu respectueux des règles », avaient taxé les allégations des armateurs de « faux-fuyant évident ». Car l’enjeu est aussi financier. 

Une affaire de coût

Aujourd’hui, si l’Europe possède des infrastructures respectant les conventions internationales, elles absorbent tout au plus 3 % des bateaux en fin de vie, faute de compétitivité tarifaire. Les pays asiatiques restent pour cette même raison les destinations les plus prisées avec 80 % à 90 % de parts du marché de la démolition. Sur les 2 725 navires de propriété européenne envoyés à la casse entre 2010 et 2017 (données de Shipbreaking Platform), 91 % ont été démantelés en Asie du sud-est. Dans ces contrées, les armateurs et/ou propriétaires de navires peuvent espérer récupérer entre 350 et 400 € par tonne de ferraille, contre à peine 100 € sur les rares chantiers européens. Actuellement, le prix de démolition du tonnage de conteneurs dans le sous-continent indien se situe plus proche des 300 $/t. La Turquie propose entre 170 et 180 $ la tonne contre environ 240 $ avant que n’émerge le virus.

Selon Alphaliner, 300 000 EVP devraient être retirés du marché en 2020 pour mise au rebut, loin du record historique de 655 000 EVP enregistré en 2016. Seuls 88 000 EVP auraient été vendus pour le recyclage depuis le début de l’année. Pour autant le consultant maintient ces prévisions.

Adeline Descamps

 

 

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