Depuis la fin de l’année dernière (cf Crise de l'énergie : la chine en butte à un conflit d'intérêt), des accords majeurs autour du GNL se nouent entre la Chine et les États-Unis.
Au grand étonnement de nombre d’observateurs internationaux – les tensions entre les deux premières puissances économiques mondiales étant alors vives –, des entreprises chinoises ont négocié en octobre dernier avec des compagnies américaines des contrats de plusieurs dizaines de milliards de dollars afin de sécuriser leurs approvisionnements à long terme de GNL.
Selon des informations publiées par la ministère américain de l'Énergie, le géant pétrolier d'État chinois Sinopec avait ainsi contracté avec Venture Global pour deux contrats de 20 ans totalisant 4 Mt de GNL par an. La société américaine a également signé un troisième accord avec Unipec pour fournir 1 Mt par an de GNL à partir de son installation de Calcasieu Pass pendant trois ans à compter du 1er mars 2023.
Ces accords faisaient suite à celui signé pour 13 ans entre la société privée chinoise ENN Natural Gas et Cheniere Energy, le premier depuis 2018 entre des ressortissantes des deux premières puissances mondiales.
20 Md$
Ces échanges ont notamment permis de doubler les volumes que la Chine importe des États-Unis, premier exportateur mondial de gaz naturel liquéfié mais qui n’était en 2020 que son sixième fournisseur avec des volumes limités à 3,1 Mt.
Le premier pays de la région asiatique a ainsi supplanté en 2021 son éternel rival, le Japon, en tant que premier acheteur mondial de GNL grâce à des importations en hausse de 18 %, à 79 Mt.
Le pays est tout aussi actif cette année et ses entreprises d’État ne semblent pas se contenter du seul marché domestique. Le négoce mondial de GNL est alléchant. D'ici 2027, selon les projections, le commerce spot de GNL représentera 20 Md$, soit plus du double de sa valeur de 2020.
En ordre de marche
Les sociétés publiques Sinopec et Sinochem, mais aussi des acteurs privés (ENN Natural Gas et China Gas), sont ainsi en train d’essaimer des antennes commerciales à Pékin, Singapour et Londres. Les volumes signés avec les fournisseurs américains devraient laisser aux négociants chinois de grandes quantités de GNL à négocier sur le marché mondial, après avoir satisfait la demande intérieure, justifient des négociants installés sur place auprès de Reuters.
Chinaoil, filiale du géant public de l'énergie PetroChina, a négocié l'année dernière plus de 15 Mt de GNL en dehors de la Chine, taillant des croupières à Vitol et Trafigura, selon ces professionnels.
Unipec, une branche commerciale de Sinopec qui s’est déjà imposée sur le négoce de pétrole, rivalisant avec les acteurs historiques établis, semble la plus active sur le marché émergent. Illustration du poids pris sur le marché, l'appel d'offres lancé par la société le mois dernier a fait chuté de 36 % les prix spot asiatiques.
Succès conditionné
« En disposant de plusieurs gazoducs alimentés par la Russie et l'Asie centrale, d'une production nationale toujours croissante, d'un portefeuille d’actifs GNL en expansion et d'une capacité de stockage accrue, les entreprises chinoises seront certainement en mesure de détourner un plus grand nombre de flux vers les marchés au comptant et à court terme » a résumé le dirigeant de la société Capra Energy, qui fait référence au nouvel accord de gazoduc conclu par le plus grand groupe pétrolier de Chine, China National Petroleum Corp (CNPC), avec la Russie.
La poussée des entreprises chinoises dans le GNL intervient deux décennies après leur conquête du négoce de pétrole. Une concurrence sérieuse pour Shell, TotalEnergies et Vitol, les actuels grands faiseurs dans le GNL.
Les analystes estiment que le succès des chinoises dépend de leur capacité à « renforcer leur capacité d’exportation et à posséder un actif terminal en Europe ». Soit dit en passant.
Adeline Descamps