Brexit : Stena appelle l'UE au pragmatisme

 

L’opérateur de ro-pax suédois demande à Bruxelles d’assouplir sa position en matière douanière à l’issue de la période de transition du Brexit, comme s’y est engagé le Royaume-Uni en retardant de six mois les contrôles sur la plupart de ses importations. La compagnie estime que les autorités douanières ne seront pas prêtes en début d’année. 

À moins d’une vingtaine de jours du « vrai » retrait du Royaume-Uni de l’UE, et alors que les médias européens relaient les difficultés de la ligne droite des négociations entre l’Europe et la Grande-Bretagne, le retour des formalités douanières et sanitaires ainsi que des contrôles à la frontière constituent les principaux sujets d’inquiétude.

Côté français, l’ensemble des services publics concernés – les douanes au premier chef – soutiennent s’y être préparés de longue date pour garantir la fluidité et la sécurité du passage aux passages clés dans les ports : à Calais (26 000 mouvements de navires, 5 millions de véhicules légers, 1,8 millions de poids lourds, 3,5 millions de passagers, 17,4 Mt de marchandises) et à Dunkerque (583 1000 unités de fret, 579 000 voitures, 2,34 millions de voyageurs et 15 Mt de marchandises) mais aussi à Eurotunnel (tunnel sous la Manche) géré par Getlink (1,6 millions de camions et 2,65 millions de véhicules légers).

Report de six mois

À l’occasion d’une conférence organisée le 8 décembre par Norlink sur l’état de préparation de la région Nord et de ses entreprises mais aussi de celle de l’autre côté de la Manche, Olivier Thouard, président du groupe de travail Brexit de TLF (organisation des commissionnaires de transport) a partagé ses doutes.

« La problématique que nous rencontrons est de faire comprendre aux opérateurs notamment aux exportateurs français qu'il faut préparer la sortie de l'Europe mais également l'entrée britannique puisque ces derniers ont choisi un schéma de ce qu'il appelle ‘pre-lodge’qui imposent que les formalités douanières soient réalisées avant la traversée ». Ce qui porte le risque d'arriver à la frontière sans être prêts. « Mais la bonne nouvelle, si je puis dire, c'est que les anglais n'étant pas prêts du tout, et ils le disent, ils ont reporté en trois phases la mise en place de la frontière. Il n'y aura donc pas de vrai contrôle à la frontière avant juillet mais ça ne veut pas dire néanmoins qu'il ne faudra pas faire les déclarations d'importation avant juillet »

16 000 camions en transit

Selon le ministère des transports britannique, sur les 12 000 camions par jour qui circulent entre le Royaume-Uni et le continent européen (actuellement, ils sont plutôt au nombre de 16 000, les entreprises constituant des stocks pour anticiper le Brexit), 58 % viennent de la frontière française, donc 5 800 camions, alors que 8 000 places de parking sont offertes. Ce qui donne une idée de l’engorgement si les formalités n’ont pas été préalablement formalisées.

« La connaissance précise des flux et du degré de de préparation des entreprises qui aujourd'hui traversent la manche de manière spontanée sans aucune formalité est très difficile à évaluer, explique à son tour Paul François Schira, sous-préfet en charge du Brexit. Pour notre part, nous avons fait des projections de scénarii en fonction desquels on peut évaluer la capacité d'absorption de chaque plateforme et donc les risques de débordement sur l'autoroute à partir duquel il faudra absolument déclencher ce qu'on appelle le plan de gestion de trafic prévue par les pouvoirs publics pour gérer l'engorgement ».

Selon les données britanniques, sur la base de sondages, à peu près 50 % de poids lourds seraient prêts au jour J pour réaliser leur traversée maritime. L’administration française assure de son côté avoir travaillé sur la base de scénarii d'hypothèses afin d’anticiper plusieurs schémas de gestion d'un trafic, y compris le pire des scénarios possibles.

Pragmatisme recommandé

C’est dans ce contexte que Stena, un des principaux acteurs européens de ce marché, demande à l'UE d'adopter une approche pragmatique en matière douanière à l’issue de période de transition de Brexit. La compagnie maritime, qui opère des ro-pax, estime – qu’il y ait accord ou pas – que les systèmes et infrastructures nécessaires aux contrôles douaniers en Irlande du Nord et dans le reste du Royaume-Uni ne seront pas finalisés à temps pour le 1er janvier 2021. « Comme de nombreuses entreprises de la chaîne d'approvisionnement ne sont pas encore prêtes, nous pensons qu'une nouvelle phase de mise en œuvre est nécessaire tant au Royaume-Uni que dans l'UE », explique Ian Hampton, directeur exécutif et porte-parole de Brexit de Stena, dans un communiqué de presse.

Pour l’heure, entre les négociateurs, pas de « deal » mais pas non plus de « no deal ». Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, poursuivent les échanges jusqu’à dimanche, date butoir pour lever tous les blocages persistants. Et ils semblent se diriger vers un éventuel accord commercial alors que de nombreux points coincent entre les deux ex-partenaires depuis des mois.

Les nouvelles règles peuvent attendre encore un peu

Stena Line souhaiterait que l’approche britannique, qui a reculé de six mois les contrôles sur la plupart des importations en Grande-Bretagne, soit également mise en œuvre au Royaume-Uni. « Il est dans l'intérêt du Royaume-Uni et de l'UE de donner la priorité aux flux commerciaux plutôt qu'aux contrôles douaniers et phytosanitaires à la frontière. Les marchandises transportées ne changeront pas beaucoup à court terme, et comme le Royaume-Uni a adopté toutes les règles de l'UE, il y aura peu de risques après le 1er janvier 2020 ».

Il est essentiel, insiste le dirigeant, que le rôle du Royaume-Uni en tant que pont terrestre (la route qui relie la République d'Irlande au reste de l'UE via la Grande-Bretagne et vice-versa) se poursuive. Et pour Stena, ce pont terrestre reste la voie la plus courte pour l'entrée des marchandises irlandaises sur le marché de l'UE, et vice versa. « Il est donc particulièrement vital pour l'Irlande que l'UE joue son rôle pour que le fret continue à transiter par la Grande-Bretagne et à atteindre le continent », adresse-t-il en ultime message à Bruxelles à quelques heures du dénouement d’un long serpent de mer.

Adeline Descamps

 

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