AP Moller-Maersk tire profit de son orthodoxie budgétaire

 

En dépit de conditions de marché difficiles, le groupe danois de transport maritime a fait un parcours sans faute en 2019. Du moins par rapport à ses engagements de retour à la rentabilité, qui avait été malmenée par son recentrage stratégique entrepris en 2017 sur son coeur de métier.

La faible croissance des échanges (+ 1,4 % sur le conteneur), les tensions commerciales, les incertitudes géopolitiques sur de nombreux marchés n’auront pas fait faiblir la détermination du groupe danois de transport maritime dans son retour à la rentabilité, qui avait été rognée par sa stratégie de recentrage sur le transport maritime de conteneurs, les services portuaires et la logistique terrestre.

2019 a parachevé une première grande phase de la mue du conglomérat aux intérêts commerciaux auparavant diversifiés dans les services pétroliers, le transport maritime et la logistique, assure la direction du groupe AP Moller-Maersk. L’introduction en bourse de Maersk Drilling, qui a un mis un point final à ses anciennes activités énergétiques, l’intégration de Hamburg Süd et la réorganisation de l'entreprise en une structure intégrée auraient permis de dégager 1,2 Md$ en synergies de coûts. 

Rattrapé par son concurrent direct

Aucune présentation de ses résultats trimestriels jalonnant l’année n’a en effet manqué de rappeler que l'objectif était la restauration de ses ratios financiers. Le groupe a rempli sa mission, de ce point de vue, au prix d’une stricte orthodoxie budgétaire. Pour contenir ses investissements en dessous de 2 Md$, Maersk a réfréné ses envies de nouveaux navires et « ne s’est pas aventuré pas dans de nouveaux projets de terminaux », a souligné le CEO Søren Skou. Il a manifestement préféré rémunérer ses actionnaires. En 2019, 1,3 Md$ ont été distribués sous forme de dividendes ordinaires et de rachats d'actions (la société a notamment racheté des actions pour une valeur de 791 M$).

Avec 4,13 MEVP (307 navires en propriété et de 401 affrétés) et près de 18 % de parts de marché mondiales, Maersk n'attend en effet que quelque 40 000 EVP quand ses concurrents, MSC et Cosco, ont délié les bourses. Résultat : ils grignotent quelques parts du marché mondial (respectivement + 1,1 % et 1 % au cours des deux dernières années). Maersk en a perdu 1,5 % sur la même période, selon les données d'Alphaliner. MSC, le 2e armateur mondial par la capacité conteneurisée (707 navires, 4,2 MEVP), dispose à ce jour de 15,9 % de PDM et 303 668 EVP sont à livrer.

Amélioration du profil financier 

En dépit d’un chiffre d'affaires en léger retrait (de 39,3 à 38,9 Md$), reflétant l’affaiblissement des échanges conteneurisés, déjà manifeste depuis au moins deux trimestres, A.P. Moller - Maersk a réduit son endettement de 3,3 Md$ en 2019 (ce qui porte sa dette nette à 11,7 Md$). Il a amélioré sa trésorerie (6,8 Md$, contre 5,1 Md$ en 2018), accru ses bénéfices et son cash-flow. En hausse de 14 % par rapport à 2018, ses bénéfices avant intérêts, impôts et amortissements (Ebitda) atteignent les 5,7 Md$ et sa marge a augmenté à 14,7 %.

« Cela nous donne un point de départ solide pour 2020 pour continuer à déployer notre stratégie d’offre qui consiste à intégrer la logistique de conteneurs de bout en bout tout en gérant les défis du marché », a ainsi commenté Søren Skou, PDG d'A.P. Moller - Maersk.

Offrir des prestations intégrées

La division Ocean, qui comprend les activités maritimes de Maersk (Maersk Line, Safmarine et Sealand) ainsi que les marques Hamburg Süd (Hamburg Süd et Aliança) et les terminaux portuaires dits « stratégiques »* – soit 73 % de son chiffre d’affaires – a vu son Ebitda croître de 15 % pour atteindre 4,4 Md$. Sa marge suit la même trajectoire grâce à une base de coûts plus faible. Malgré une baisse des volumes (13,3 MEVP), les recettes se sont élevées à 28,4 Md$, grâce à la diminution du coût unitaire du bunker (de 1,7 %) et d’une parité des taux de change plus favorable.

Le segment a particulièrement souffert au 4e trimestre, où les volumes ont atteint 6,58 MEVP (contre 6,70 MEVP à la même période de 2018). En cause, les difficultés des routes Est-Ouest et Nord-Sud, où les flux transportés ont chuté de 5,7 % et 2,5 % respectivement, malgré des taux de fret moyens plus élevés, supérieurs de 1,7 % et 4 % à ceux de 2018 (cf. plus bas).

Cette meilleure fortune, Maersk l’explique en partie par sa stratégie commerciale consistant à « configurer des services différenciés et personnalisés », notamment grâce à la numérisation. « Pour répondre aux exigences de transparence et de visibilité, nous avons lancé un nouveau produit, Maersk Spot, en mai 2019, offrant des prix fixes et une garantie de chargement. Il représente désormais 24 % des volumes. Notre site web est devenu l'un des plus grands portails de transactions B2B au monde, avec un chiffre d’affaires de plus de 20 Md$ par an », indique la direction, qui se félicite d’avoir regroupé les forces de vente de l’ensemble de ses produits sous la marque A.P. Moller - Maersk. « Le fait d'être présent sur le marché avec une force de vente unique permet d’offrir des prestations intégrées ».

Sur un plan « corporate »

L’entreprise a été chahutée cette année dans son management avec des départs en nombre, la nomination de Vincent Clerc au poste de PDG d'Ocean & Logistics et d'Henriette Hallberg Thygesen à la tête de Fleet & Strategic Brands. En outre, il a été annoncé le 12 février 2020 que Patrick Jany occupera le poste de directeur financier et membre du conseil d'administration à partir du 1er mai 2020.

« En tant que leader mondial du conteneur, nous avons la responsabilité de faire œuvre de pionnier en matière de changement climatique. Nous avons réduit notre consommation de 6,7 % depuis 2018, et notre efficacité en matière de CO2 s'est améliorée de 5,2 % », assure le leader mondial qui a multiplié cette année les annonces dans ce sens. Le groupe est la tête de proue d’une coalition internationale pluridisciplinaire (banques, négociants en matières premières, raffineurs…) en faveur de la décarbonation totale du secteur. Il s’est engagé à faire entrer dans sa flotte dès 2030 des navires zéro carbone. En attendant, il équipe sa flotte de scrubbers. D’après Alphaliner, 42 unités seraient actuellement équipées, d'une capacité totale de 550 000 EVP. Une quinzaine, totalisant 187 000 EVP, seraient actuellement en cale dans différents chantiers navals pour recevoir les systèmes.

Des acquisitions à venir ?

Soren Skou a visiblement retrouvé de l’appétit et affirme disposer d’un chèque de 1 Md$ « pour des acquisitions créatrices de valeur dans des domaines tels que le courtage en douane ou l'entreposage». Dans l’immédiat, en 2020, « les orientations sont soumises à d’importantes incertitudes compte tenu de l'épidémie de coronavirus, qui a considérablement réduit la visibilité sur ce à quoi il faut s'attendre en 2020 », indique Soren Skou. Le dirigeant mentionne également l'impact sur les prix du bunker de la mise en œuvre de l’IMO 2020 sur la teneur en soufre des carburants, le ralentissement des échanges mondiaux et « d'autres facteurs externes ». A.P. Moller Maersk prévoit néanmoins un volume conforme ou légèrement inférieur à la croissance moyenne du marché, estimée à 1,3 %.

Adeline Descamps

* ceux d’APM Terminals : Rotterdam, Maasvlakte II, Algesiras, Tanger-Med II, Port Saïd et ceux exploités en joint-venture de Salalah, Tanjung Pelepas et Bremerhaven

 

 

Une activité segmentée en trois grandes divisions

Outre la division Ocean (73 % de son chiffre d’affaires), les deux autres départements comprennent d’une part les activités regroupées sous l’appellation Logistics & Services (15 % du CA global) et Terminals & Towage (10 % du CA du groupe).

Division Ocean : Les volumes sont restés quasiment inchangés (et donc inférieurs à la croissance du marché de 1,4 %) en raison de la diminution des échanges Est-Ouest et Nord-Sud, justifie Maersk. Elle a été partiellement compensée par l'augmentation des volumes des échanges intra-asiatiques. « Les volumes en Amérique du Nord sont en baisse, due aux tensions entre la Chine et les États-Unis, combinée à des décisions commerciales et opérationnelles pour améliorer la rentabilité. La demande sur les trafics d'Amérique latine et d'Océanie a été faible tout au long de 2019, en partie contrebalancée par l'augmentation des volumes en Afrique de l'Est et de l'Ouest en provenance d'Asie et du Moyen-Orient ». Le transporteur n’a pas été aidé par les taux de fret moyen, en légère augmentation de 0,2 % pour atteindre 1 883 $/EVP, tirée par la route Est-Ouest (+ 1,3 %).

Logistics & Services : Le département englobe toutes les prestations de gestion de la supply chain de ses trois compagnies (Maersk, Safmarine et Sealand), du transport de conteneurs vers le port d'embarquement, et du port de déchargement vers le point de déchargement par la route et le rail : stockage de conteneurs, entreposage sous douane, dépotage, transports terrestres…L'expédition de fret par voie maritime et aérienne continue d'être assurée sous la marque Damco, celle-ci étant non intégrée.

En 2019, l'Ebitda de ce secteur a augmenté de 24 % pour atteindre 238 M$ avec une marge en hausse de 4 %, tandis que les recettes ont légèrement diminué, passant de 6,1 à 6 Md$, en raison d'une baisse des activités de transport maritime et aérien, qui n'a été que partiellement compensée par une augmentation des activités d'entreposage et de distribution.

Terminals & Towage : Il s’agit des terminaux impliquant des activités terrestres (activités portuaires où les clients sont principalement les transporteurs), et le remorquage avec la société Svitzer. L’activité a enregistré une augmentation de ses bénéfices avant impôts de 11 %, à 1,1 Md$ et de son chiffre d'affaires de 3,2 %, à 3,9 Md$. Les volumes ont augmenté de 3,9 %, soutenus par une croissance des activités dans les Amériques et dans la région Asie, Moyen-Orient et Afrique.

Parmi les faits marquants de 2019 dans les opérations portuaires, les terminaux de Moin, au Costa Rica, de Tema, au Ghana, et de Vado, en Italie, sont entrés en service tandis que ceux de Izmir et Kobe ont été cédés.

 

 

 

 

Shipping

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15