1,3 Md$ d'exportations agricoles américaines restées à quai

 

Selon des données compilées par le Census Bureau, le centre des statistiques du département du Commerce des États-Unis, des cargaisons agricoles totalisant plus d’1 Md$ n’auraient pas été prises en charge dans les principaux ports américains entre juillet et décembre 2020. Une nouvelle pièce à charge pour les transporteurs de conteneurs auxquels il est déjà reproché de privilégier le renvoi de conteneurs vides en Chine dans le but d’accélérer certaines rotations fort lucratives. ​

Les données compilées par le Census Bureau, le bureau de recensement du département américain du Commerce, et les ports de Los Angeles et Long Beach en Californie, et le port de New York dans le New Jersey ne vont pas assainir le climat alors que la Federal maritime commission (FMC), l’autorité américaine en charge du respect des lois maritimes, s’interroge toujours sur les causes et conséquences de la congestion des principales portes d’entrée des conteneurs dans le pays. La gestion des conteneurs vides intéresse tout particulièrement les commissaires, sensibilisés à la problématique par représentants professionnels des secteurs agricole et manufacturier.

Ces derniers alertent depuis des mois les pouvoirs publics sur la perte potentielle de marchés que représente le refus, tacite ou implictite, d’embarquer leurs chargements. Fin octobre, les expéditeurs américains de soja et d’autres produits agricoles, représentés par la Specialty Soya and Grains Alliance (SSGA), avaient peu apprécié la décision de Hapag-Lloyd de suspendre le chargement du fret trop éloigné des ports. L’armateur allemand avait motivé sa décision car les boîtes vides s’accumulaient dans les entrepôts américains. Mais pour les exportateurs de céréales de l’hinterland, l’impossibilité d'expédier leurs produits est non négociable sur un marché hyper concurrentiel. Le risque est trop grand de voir « leurs clients asiatiques, lassés de la situation, se tourner vers des sources d'approvisionnement alternatives et ne plus revenir finalement vers les marchés américaines. »

Préférence donnée aux conteneurs vides ?

Ces craintes ne sont pas totalement infondées. Le soja brésilien est le principal concurrent des États-Unis. « Le Brésil a augmenté sa production de soja pendant la guerre commerciale et ce refus du commerce ne peut que l'aider aux dépens de l'agriculteur américain », estime Peter Friedmann, le directeur de l'Agriculture Transportation Coalition. Le représentant des professionnels n’a pas la main qui tremble quand il pointe le doigt accusateur vers les transporteurs, « principalement les lignes européennes, qui ont privilégié les conteneurs vides au détriment des exports américains ». Il salue toutefois les efforts des compagnies asiatiques qui ont assuré le relais. 

Si les exportations de soja se font majoritairement par vraquiers, les conteneurs sont surtout sollicités pour les marchés secondaires qui prennent de plus petits volumes. Hapag-Lloyd aurait ainsi transporté plus de 17 000 EVP de soja américain entre octobre 2019 et septembre 2020, notamment vers l'Asie du sud-est. Selon les données du ministère américain du Commerce, 9 % des expéditions de céréales ont été transportés dans des conteneurs en 2019. 

370 505 EVP en mal d’embarquement

De juillet à décembre, 370 505 EVP auraient ainsi été « rejetés » par les trois principaux ports américaines*, pour une valeur de 1,3 Md$**, selon les statistiques du ministère américain du Commerce. Les commissaires doivent déterminer si « ce refus » constitue une violation de la loi sur le transport maritime de 1984, dont l’une des principales obligations légales est le principe « non discriminatoire des transporteurs pour le mouvement des marchandises ». Cette enquête intervient à un moment où les exportations de la Chine atteignent des records (535 M$ depuis le début de l’année), le plus élevé depuis 2015. 

Les rejets de marchandises ont été particulièrement importants en décembre. La valeur totale des exports perdus pour ce seul mois était d'au moins 257,5 M$. Selon le Freightos Baltic Index, les transporteurs facturent 5 548 $ par conteneur vers la côte Est, et 4 571 $ vers la côte Ouest. Sachant que le traitement des conteneurs d'exportation de produits agricoles américains est plus long car le produit doit être déchargé et le conteneur doit être nettoyé.  

Enquête après enquête 

La commissaire de la FMC, Rebecca Dye, dirige actuellement une enquête sur la gestion des conteneurs, lancée en mai 2020 et élargie en novembre pour inclure la disponibilité des équipements pour les exportateurs américains ainsi que les frais de stockage et de détention facturés par les transporteurs. Dans la foulée, la FMC avait publié des lignes directrices pour la détention et les surestaries, qui stipulent que « des frais ne doivent pas être facturés lorsque l'expéditeur ou le transporteur routier n'a pas le contrôle du mouvement de retour du conteneur. »

Dernièrement, les régulateurs américains ont serré d’un vis supplémentaire. Particulièrement visés par les dernières ordonnances : les transporteurs maritimes opérant dans le cadre d'alliances. Implicitement, la question est de savoir si elles contribuent à « l'encombrement et à la sous-performance de grands ports du pays. » « Les informations reçues des parties pourront être utilisées comme bases pour des audiences, des mesures d’exécution ou l'élaboration de nouvelles règles », a fait valoir le FMC. 

La situation s’améliore dans les ports

Pendant ce temps, le nombre de porte-conteneurs au mouillage dans la baie de San Pedro se régule progressivement. Dix-sept porte-conteneurs étaient au mouillage mardi en fin de matinée, dont 10 à destination du port de Los Angeles, selon son directeur Gene Seroka. Il y en avait 40 en attente d’une place le 1er février. Le temps d'immobilisation des conteneurs sur les terminaux (4,1 jours) et d’attente pour l’espace d'entreposage (6,3 jours) sont également en baisse.   

Le port de Los Angeles a pu atténuer la congestion de la baie tout en établissant un record pour le mois de février : 799 315 EVP, soit un bond de 47 % par rapport à l'année précédente. « Nous sommes aujourd'hui au septième mois d'une poussée historique des importations, alimentée par une demande sans précédent des consommateurs américains », a compté Gene Seroka à l’occasion d’une conférence de presse.

Le nombre de conteneurs vides est un autre indicateur de la problématique des exportations. Les conteneurs vides de plus de 285 000 EVP en février représentent une augmentation de 104 % par rapport à l'année dernière. « Le déséquilibre commercial dont nous sommes témoins atteint désormais des niveaux historiques. Nous avons besoin d'un plan d'exportation coordonné au niveau national qui créera des emplois et aidera les entreprises américaines à reprendre contact avec leurs clients à l'étranger », a ajouté le directeur du port ouest-américain. 

« L'Amérique est mieux servie lorsque nous expédions plus de produits que nous n'en faisons entrer », dira autrement le commissaire du FMC, Louis E. Sola.

Adeline Descamps

*Le décompte des refus a été calculé en prenant la différence entre les exportations vides réelles en 2020 par rapport à la part des exportations vides de 2019. La différence représente la quantité d'exportations de conteneurs vides qui auraient dû être remplies en 2020. 

**Pour calculer la valeur minimale des pertes commerciales résultant du rejet des exportations agricoles, le Census Bureau a utilisé le prix des exportations agricoles conteneurisées du port de Los Angeles pour le soja, les oléagineux et les céréales. 

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