Une ligne ferroviaire rénovée pour le Burkina et la Côte d’Ivoire

 

La Société internationale de transport africain par le rail, Sitarail, filiale du groupe Bolloré, concessionnaire des réseaux ferrés de Côte d’Ivoire et du Burkina Faso, a engagé fin 2017 des travaux de réhabilitation de la ligne reliant Abidjan à Ouagadougou. Quelles avancées ? Quelles sont les projets du groupe en Afrique de l'Ouest en lien avec les ports maritimes ?... Entretien avec Éric Melet, PDG de Bolloré Railways.

La Société internationale de transport africain par le rail (Sitarail), filiale du groupe Bolloré, concessionnaire des réseaux ferrés de Côte d’Ivoire et du Burkina Faso, a engagé fin 2017 des travaux de réhabilitation de la ligne reliant Abidjan à Ouagadougou. Ce chantier comprend aussi le prolongement de la ligne jusqu’à Kaya, ville située à une centaine de kilomètres au nord de Ouagadougou, afin de permettre la desserte ferroviaire de la mine de minerai de manganèse de Tambao. Initialement, le projet prévoyait une « boucle » ferroviaire en Afrique de l’Ouest, passant aussi par le Bénin et le Niger : 3 000 km de voies ferrées au total, dont 1 170 km de nouvelles voies à construire, le kilométrage restant étant constitué de voies existantes à réhabiliter. Un projet nécessitant un investissement de 3 Md€. Les travaux avaient bien commencé à Cotonou, capitale du Bénin. Une centaine de kilomètres de voies nouvelles avaient été construites au Niger. Mais les travaux sont interrompus depuis 2015, la légitimité de Bolloré à les mener à bien étant remise en cause à la fois par des entreprises concurrentes et par les nouvelles autorités béninoises, qui se tourneraient plus volontiers vers la Chine pour réaliser des investissements d’ampleur. Entretien avec Éric Melet, PDG de Bolloré Railways.

Où en sont les travaux de réhabilitation de la ligne Abidjan - Ouagadougou ?

Éric Melet : La vision des États a permis de préserver un savoir-faire ferroviaire, qui constitue un atout, souvent disparu dans de nombreux pays voisins. Avec le projet de réhabilitation, c’est un nouveau chapitre de l’histoire du chemin de fer entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso qui va s’ouvrir. Le programme des travaux prévoit le renouvellement complet de la voie sur les zones identifiées, la rénovation de plusieurs gares, la réhabilitation de la plateforme, la consolidation et la réhabilitation des ouvrages d’art et hydrauliques ainsi que les travaux d’assainissement le long de la ligne et dans les gares (Port-Bouët à Abidjan, par exemple). Il prévoit en outre le renouvellement et la modernisation du parc roulant ainsi que des équipements industriels lourds des ateliers de maintenance.

Au total, le programme – rénovation des infrastructures et modernisation des équipements – représente un ivestissement de 600 M€, dont presque 250 M€ sur la première phase prévue entre 2019 et 2023. Au total avant même la mise en vigueur de l’avenant de la concession, Sitarail a déclenché 17 milliards de FCFA d’investissements (soit 26 M€). La deuxième phase du projet s’enclenchera en coordination avec le démarrage et la montée en puissance des exportations du minerai de manganèse issu de la mine de Tambao prévue par le Burkina Faso.

Quel tonnage pourra être transporté sur cette ligne ?

E.M. : La première phase (2019-2023) permettra à la voie ferrée actuelle d’augmenter sa capacité de transport pour atteindre 1 Mt de marchandises et plus de 300 000 voyageurs par an. En fin de projet, le réseau sera en mesure de transporter 5 Mt de marchandises, dont 2 à 3 Mt de manganèse.

Quels trafics sont prévus en relation avec le port d'Abidjan ?

E.M. : Historiquement, le réseau Sitarail réalise le transport d’une partie importante des importations et des exportations du Burkina Faso qui transitent via Abidjan. L’augmentation de capacité permettra de consolider et de développer les parts de marché du corridor ivoirien à destination et en provenance du Burkina-Faso. N’oublions pas que la voie ivoirienne est soumise à une rude concurrence des corridors ghanéen, béninois et togolais, et que le chemin de fer apporte une réponse sans équivalent aux problèmes de congestion urbaine que doivent traiter tous les ports et les corridors du continent.

À titre d’exemple, Sitarail a permis en 2018 d’éviter les effets cumulés de congestion urbaine, de pollution, et de dégradation des routes équivalant à 50 000 camions. De plus, l’entreprise entend jouer un rôle majeur dans la facilitation au développement industriel burkinabé. Ainsi, les minoteries et unités de production de pâtes alimentaires et les cimenteries en cours de construction à Bobo-Dioulasso (Burkina-Faso) ont prévu de fonder une partie importante de leur schéma de transport sur le chemin de fer. CIMFASO teste depuis quelques mois le transport de son clinker entre Abidjan et Ouagadougou avec Sitarail. À terme, 1,5 Mt de clinker seront acheminés chaque année d’Abidjan vers le Burkina Faso. 

Quelles sont les projets du groupe en Afrique de l'Ouest en lien avec les ports maritimes ?

E.M. : Depuis le début de cette année en effet Camrail, notre concession ferroviaire du Cameroun, a acquis cinq nouvelles locomotives fabriquées par l’américain General Electric. Quatre autres locomotives destinées au trafic voyageurs et commandées par l’État devraient être livrées avant la fin de l’année. Il s’agit de locomotives de dernière technologie (motorisation asynchrone) offrant un très bon rendement écologique. Elles viennent renforcer les capacités de transport de Camrail, qui dessert par des solutions rail-route, le Tchad, mais aussi la Centrafrique à partir du port de Douala et de Kribi.

Cette acquisition fait partie d’un programme de modernisation engagé avec le gouvernement du Cameroun. Nous pilotons par ailleurs de nombreuses actions d’optimisation du réseau existant par la mise en place de systèmes automatisés d’exploitation et de signalisation avec pour ambition, une amélioration du transit time par le biais de l’augmentation de la cadence de cantonnement et une offre de capacité de transport supérieure aux besoins du marché, susceptible d’être utilisée par des opérateurs miniers. Dans le cadre du plan quinquennal n°1, 175 km de voie ferrée ont été renouvelés entre Batchenga-Ka’a et dans les villes de Douala et Yaoundé.

Avec l’État et ses bailleurs, un projet de modernisation de son réseau comprend le renouvellement complet des voies Douala-Yaoundé, Belabo-Ngaoundéré et Douala-Kumba. À l’issue, Camrail triplera ses vitesses de circulation, offrira un outil capable de supporter le développement minier du pays et de desservir le port en eaux profondes de Kribi. Dans cette perspective, le projet d’extension du réseau vers le Tchad est un projet d’intérêt pour Camrail, qui est membre de la commission ferroviaire Cameroun-Tchad.

Où en sont les projets ferroviaires au Bénin et au Niger ?

E.M. : Comme vous le savez, le projet de boucle ferroviaire a été suspendu par décision de justice. Les États souhaitent un projet très différent pour leur interconnexion qui passe par le choix de financement institutionnel et d’autres partenaires. Le développement de cette liaison ferroviaire entre le Bénin et le Niger est essentiel au développement des économies. En tant que logisticien et opérateur portuaire, nous sommes bien sûr favorables à toutes les solutions permettant à ce projet de voir le jour. Dans l’intervalle, rappelons que Bénirail a relancé les activités de l’ex-OCBN, totalement arrêtées, a régularisé les salaires de 500 cheminots, et a réussi le tour de force de relancer cette activité ferroviaire en opérant plus de 50 trains chaque mois malgré la situation juridique.

Propos recueillis par Étienne Berrier

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