Avec 1,5 Mt enregistrées sur les neuf mois, de juillet 2020 à mars 2021, de la campagne en cours qui s’achèvera fin juin, l’Algérie n’est plus le premier pays client de l’épi français. La place revient à la Chine dont les achats ont doublé pour atteindre 1,8 Mt. Le grand consommateur asiatique de commodités est aussi le premier client de la France pour les orges (2,5 Mt) : les quantités exportées vers les ports chinois ont triplé par rapport à l’an dernier, incluant tant l’orge fourragère que de brasserie. La Chine absorbant l’essentiel des exportations hexagonales, deux grands clients familiers se sont fournis ailleurs : le Maroc et l’Arabie saoudite.
Les exportations françaises devraient s’essouffler au cours des trois derniers mois de la campagne, traditionnellement moins actifs. Ils ne pourront donc pas compenser une saison en très grand contraste avec la précédente qui avait permis de récolter 39 Mt de blé tendre à l’été 2019 contre 29 Mt à l’été 2020. De juillet 2020 à mars 2021, 6,3 Mt de blé tendre ont été exportées vers des pays extérieurs à l’UE, soit 33 % de moins qu’au cours des neuf premiers mois de la campagne précédente.
Les exportations sont surtout en recul à destination des clients traditionnels des céréales françaises : - 22 % pour l’Afrique subsaharienne (1,5 Mt), - 43 % pour le Maroc (0,8 Mt) et surtout donc, - 62 % pour l’Algérie (1,5 Mt). Les exportations d’orges devraient quant à elle atteindre 5,7 Mt, dont 3,2 Mt hors UE, sur une production 2020 de 10,4 Mt.
2,2 milliards de tonnes récoltées au niveau mondial
Au niveau mondial, la campagne céréalière en cours est marquée par une production très élevée : 2,2 milliards de tonnes (Mdt) récoltées en 2020, toutes céréales confondues, dont 1,139 Mdt pour le maïs, 740 Mt pour le blé tendre et 158 Mt pour les orges.
Depuis quelques années, les achats chinois exercent une forte influence sur le marché mondial. « Les devises de plusieurs grands pays exportateurs comme la Russie et l’Argentine se déprécient face au dollar tandis que l’appréciation du yuan rend les achats plus chers pour la Chine », note Marc Zribi, chef de l’unité grains et sucre de France Agrimer. Cela n’empêche pas la seconde puissance mondiale d’importer beaucoup de blé blanc américain pour l’alimentation animale et même, de redevenir le deuxième client du blé australien derrière l’Indonésie.
Les tensions politiques et commerciales entre Pékin et Canberra avaient conduit la Chine à mettre en place des taxes sur les orges australiennes en fin d’anné dernière pour en limiter très fortement l’importation. C’est donc auprès du Canada et surtout de l’Ukraine que la Chine a constitué ses stocks en orges.
La Russie en force sur le marché égyptien
L’Égypte, un des premiers acheteurs mondiaux de blé, a bouclé sa campagne fin février avec un total de près de 5 Mt importées, en baisse de 17 % par rapport à la précédente qui s’était achevée en avril 2020. La France n’a exporté que 240 000 t à destination de l’Égypte, contre 900 000 t l’an dernier. L’Ukraine (705 000 t) et surtout la Roumanie (240 000 t) ont aussi perdu des parts de marché en Égypte tandis que la Russie (3,7 Mt) y augmente ses ventes de 20 % et rafle déjà les premiers achats égyptiens de la prochaine campagne à la faveur d’une nette baisse des prix.
Une bonne moisson attendue en Europe pour l’été
« Ce printemps 2021 est marqué par des conditions de cultures favorables pour les céréales en Inde, en Chine et en Europe mais qui le sont moins en Amérique du Nord et en Russie », indique Marc Zribi qui fait état d’anticipations de production en hausse de 12 Mt pour l’UE avec un retour de la France à un niveau de production habituel. Les estimations de production sont cependant en baisse pour la Russie et pour l’Australie après des récoltes record en 2020. La production marocaine est aussi attendue en très forte hausse en 2021 après deux années de sécheresse.
Rouen, leader français
Les nouvelles capacités de chargement n’auront pas suffi à Rouen pour égaler le record de la campagne 2019-2020 au cours de laquelle le port normand avait exporté 9,87 Mt de céréales. En cause, la faible quantité récoltée au cours de la moisson de l’été 2020 qui se traduit par une baisse de 23 % des exportations de céréales à fin mars. Quelque 5,5 Mt de céréales ont ainsi été chargées à l’export au cours de neuf premiers mois de la campagne 2020-2021.
Sur le port normand également, la Chine s’impose en tant que première destination de ses exportations. Les achats chinois ont été conséquents cette année avec un total, fin mars, d’1 Mt d’orge fourragère et de 400 000 t d’orge brassicole. La surprise vient plutôt du blé tendre dont la Chine n’est pas un client régulier. Elle en a déjà acheté à Rouen plus de 600 000 t depuis le début de la campagne. « Ces volumes exceptionnels en orge sont liés à la décision chinoise de taxer les importations en provenance d’Australie, ce qui a eu un impact important pour nous, explique Manuel Gaborieau, délégué commercial en charge de la filière céréales/agro-industrie/engrais au port de Rouen. Quant au blé, la Chine en a tout simplement importé beaucoup plus que d’habitude, toutes origines confondues. »
En Algérie, concurrence des pays nord-européens
L’Algérie, habituellement premier client du port, passe à la deuxième position avec seulement 1,3 Mt chargées fin mars. Cela s’explique à la fois par la faiblesse de la récolte française (avec peu de tonnage disponible dans les silos rouennais) et par la forte concurrence des pays d’Europe du Nord. Sur les 3,9 Mt de blé tendre que le pays a importés au cours des neuf premiers mois de la campagne, la France en a fourni 40 %, et l’Allemagne 27 %.
Le blé russe, désormais autorisé à l’importation par l’Algérie, n’a pas fait l’objet d’achat par Alger malgré l’abondance de la récolte en Russie. Lors de la précédente campagne, l’Algérie avait importé 6,1 Mt de blé tendre dont 88 % en provenance de France, 6 % des États-Unis et 3 % de Suède.
Le Maroc en force
Autre destination très importante pour les céréales rouennaises : le Maroc (720 000 t) qui avait cette année de forts besoins d’importation pour cause de sécheresse ayant touché la récolte locale. L’agence nationale portuaire, qui exploite les principaux ports du Maroc à l’exception de Tanger, a enregistré en 2020 une hausse de 34 % des importations de céréales avec un tonnage record de 9,4 Mt.
Pour la troisième année consécutive, Rouen réalise une bonne campagne sur l’Afrique de l’Ouest avec 870 000 t exportées à fin mars, la récolte française 2020 correspondant à la qualité élevée requise par les meuniers locaux.
En revanche, les exportations de céréales à destination de l’UE n’ont concerné que 180 000 t depuis le début de la campagne. Les silos rouennais sont habituellement tournés vers le grand export davantage que vers les pays européens mais il s’agit tout de même d’un tonnage plutôt faible cette année. L’Italie et la péninsule ibérique, qui se fournissaient volontiers à Rouen, ont réalisé en 2020 de bonnes récoltes et se tournent de plus en plus fréquemment vers la mer Noire.
Étienne Berrier