Hapag-Lloyd: cap sur l’Afrique et sur les quais

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Le numéro cinq mondial de la ligne conteneurisée a plusieurs fois créé la surprise au cours de l’année. Le transporteur le plus soucieux de sa rentabilité a multiplié les investissements dans des secteurs où il n’était pas attendu. Hapag-Lloyd, petit dernier du top 5 mondial, n’a pas d’autre choix que de grossir.

En mettant la main sur NileDutch, dernier grand indépendant opérant dans le conteneur en Afrique, Hapag-Lloyd s’est doté d’une capacité supplémentaire d’environ 35 000 EVP, a étoffé sa flotte de dix navires supplémentaires de 600 à 8 000 EVP, a enrichi son offre de services pour la passer à neuf lignes, a acquis un parc de conteneurs de 80 000 EVP et hérite d’une spécialisation sur les trafics conteneurisés entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest. « L’Afrique est un marché de croissance stratégique. L’acquisition de NileDutch renforce notre position en Afrique occidentale et sera un excellent complément à nos activités sur le continent », justifie le dirigeant.

Selon les données de la Fondation Sefacil, Maersk, MSC et CMA CGM détiendraient environ 70 % des capacités déployées en Afrique de l’ouest et du centre et 65 % en Afrique de l’est et du sud. L’armateur de porte-conteneurs a été plus tardif sur le continent africain où il n’a ouvert une deuxième ligne au départ de l’Europe « qu’en » 2018. En Afrique de l’ouest, il émerge derrière PIL et devant Cosco mais ne figure pas parmi les six premiers en Afrique de l’est et du sud en termes de capacités déployées.

Changement d’époque, évolution des cultures. Avant la pandémie, le transporteur semblait vouloir tirer un trait sur la croissance externe. « La taille n’est plus la raison d’être du transport maritime », avait indiqué Rolf Habben Jansen, directeur général de Hapag-Lloyd depuis 2014 et dont le contrat a été prolongé jusqu’au 31 mars 2024. Nous étions alors en novembre 2018 et il présentait la stratégie à horizon 2023. La presse glosait alors sur un éventuel rapprochement de CMA CGM et de Hapag-Lloyd, ce que les principaux actionnaires du fleuron d’outre-Rhin, notamment la famille Kuhne, CSAV et la Ville de Hambourg, avaient fini par admettre, mais tout en signifiant y avoir opposé un refus. L’allemand a largement participé à la structuration du secteur ces dernières années dans le transport maritime de conteneurs. Après avoir raté sa compatriote Hamburg Süd, absorbée par A.P Møller Maersk, il a mis la main sur la chilienne CSAV en 2014 et sur United Arab Shipping Co. (UASC) en 2017, ce qui lui a permis de doubler sa capacité de transport.

Arrivée sur les quais

« Keep the right to play », disent les anglo-saxons. Pour garder son droit d’entrée dans la cour des grands, Hapag-Lloyd n’a pas d’autres solutions que d’investir. En 2021, il s’y est employé. Il a convenu avec le manutentionnaire allemand Eurogate d’un accord lui attribuant 30 % des parts du terminal de Jade Weser à Wilhelmshaven, jusqu’alors détenu par Eurogate (70 %) et APM Terminals (groupe Maersk). La transaction comprend aussi 50 % des parts du Rail Terminal Wilhelmshaven (RTW) de Jade Weser Port.

L’armement réalise ainsi sa troisième prise de participation dans les terminaux où, contrairement à ses pairs, il a toujours limité sa présence. Il détient 25,1 % du capital de Container Terminal Altenwerder (CTA), l’une des trois installations qu’exploite l’HHLA à Hambourg. Il contrôle aussi, depuis novembre 2019, 10 % du terminal Tanger Alliance (TC3), le quatrième terminal de Tanger Med, aux côtés de Marsa Maroc (50 % plus une action) et d’Eurogate/Contship (40 % moins une action).

Au cours d’une conférence presse, interrogé sur ses investissements portuaires, Rolf Habben Jansen n’a pas caché son intérêt pour d’autres actifs: « Nous avons appris au cours des 18 derniers mois à quel point il est important d’avoir un réseau robuste autour de quelques terminaux, où nous pensons qu’il est nécessaire d’avoir le contrôle ». La compagnie envisage de consolider son transbordement dans une quinzaine de terminaux, a-t-il signifié. « Et il ne serait pas illogique d’investir dans la moitié d’entre eux. »

Cap sur les contrats-cadres

Sur le plan plus maritime, Hapag-Lloyd (6,9 % de parts de marché mondial avec une capacité de 1,75 MEVP et une flotte de 257 porte-conteneurs) semble considérer que la hausse des contrats long terme compensera la décélération inévitable des taux spot. C’est sans doute pour cette raison qu’il a suivi CMA CGM dans son gel de la hausse des taux spot, espérant inciter les chargeurs à privilégier des taux de fret négociés sur plusieurs années. Le cinquième transporteur mondial de la ligne conteneurisée soutient que les 50 plus gros clients représentent nettement moins de 50 % de son volume de fret.

Quant à son environnement de marché, Rolf Habben Jansen ne s’attend pas à une normalisation de la situation avant la fin du premier semestre 2022 au plus tôt. Il ne croit pas non plus à une surcapacité incompressible en 2023-2024. « Nous considérons que la croissance de la demande dépassera l’offre en 2022. Et en 2023 et 2024, l’écart [entre l’offre et la demande] sera juste plus faible. Les règles environnementales seront sans doute le grand joker. » La demande dépasserait l’offre de 3,2 % en 2023 et de 2,5 % en 2024 selon ses projections.

Option GNL

Il a lui-même cédé aux commandes. Le membre de THE Alliance, aux côtés de ONE, HMM et Yang Ming, a un peu plus 415 000 EVP sur 22 navires en cours de construction, soit 23,8 % de sa capacité en exploitation. Il a signé pour deux séries de six grands porte-conteneurs de 23 660 EVP avec le constructeur sud-coréen. Un investissement de 2 Md$ pour des livraisons entre avril 2023 et décembre 2024. La conversion onéreuse d’un de ses porte-conteneurs au GNL – le Sajir, rebaptisé Brussels Express, qui lui a coûté 35 M$ –, a sans doute été déterminante dans un arbitrage en faveur de constructions neuves.

Hapag-Lloyd soigne en outre son parc de conteneurs dans lequel il a investi à plusieurs reprises. En fin d’année dernière, il possédait ou louait 1,79 million de boîtes d’une capacité de 2,97 MEVP. Dans le contexte actuel, le conteneur est un élément compétitif. Et continuer à jouer dans la cour des grands est tout sauf une évidence pour le petit dernier du top mondial.

Un endettement réduit de 3,41 Md$

Tout comme ses homologues de la ligne régulière, Hapag-Lloyd a les moyens de ses ambitions. Il sortira de l’année les caisses pleines de liquidités avec 4,47 Md€. Ses capitaux propres atteignaient 12,24 Md€ fin septembre, soit 5,52 Md€ de plus en six mois. L’endettement net du groupe ressortait à 1,04 Md€ au 30 septembre et s’est donc réduit de 3,41 Md€. Le bénéfice avant impôts et intérêts devrait être de l’ordre de 10,1 à 10,9 Md$ en 2021 et le résultat d’exploitation entre 8,7 et 9,5 Md$. Au cours des neuf premiers mois de 2021, le chiffre d’affaires a augmenté d’environ 70 % pour atteindre près de 15 Md$ alors que les volumes n’ont augmenté que de 3,3 % avec 8,98 MEVP. Le taux de fret moyen, qui a augmenté de 65,7 %, a donc bien été le seul maître à bord. A fin septembre, le résultat net s’établissait à 5,56 Md€ (588 M€ il y a un an).

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