Ressource stratégique pour les pays qui dépendent des importations pour nourrir leurs populations, les céréales sont aussi un enjeu politique pour un certain nombre d’États exportateurs. C’est le cas par exemple de l’Argentine, où l’imbrication du politique dans les exportations crée de l’instabilité, faute de visibilité sur les variations des taxes à l’exportation et le niveau de production des prochaines années. Mauricio Macri, président de 2015 à 2019, avait libéralisé le commerce de céréales. Depuis son départ, les taxes à l’exportation ont été restaurées. Pour 2021, le blé argentin sera présent sur le marché mondial. Mais au-delà, le flou persiste. Cette influence politique sur les exportations de céréales existe aussi, dans une moindre mesure, en Ukraine et en Russie, où elle est masquée cependant par la hausse de la production. La Russie a évoqué la possibilité d’instaurer des quotas à l’export de janvier à juin 2021. La Chine joue-t-elle aussi avec l’arme du blé, constituant des stocks qui lui permettront, en alimentant un pays étranger affamé, d’en faire un État vassalisé? François Gâtel, directeur de France Export Céréales, ne croit pas au fait que le pays achète pour réexpédier: « Il y a une diplomatie russe du blé, le président Poutine se présente partout comme exportateur de blé. Mais ce n’est pas vrai pour la Chine. Très consommatrice de blé, elle cherche plutôt à renforcer ses stocks afin de garantir sa souveraineté alimentaire, ce qui a toujours été une grande ligne directrice de la politique chinoise. La Chine reste un pays importateur, à la différence de l’Inde, deuxième producteur de blé au monde, gros consommateur mais qui peut, une fois par décennie, être excédentaire. L’Inde exporte alors, mais pour écouler des surplus, pas pour des raisons diplomatiques. »
Céréales
La géopolitique s’en mêle
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