Avec le naufrage de la société de location de conteneurs P&R, l’Allemagne connaît un nouveau scandale financier record où 54 000 investisseurs privés se « partagent » 3,5 milliards d’euros de pertes. Dans cette faillite, une chose frappe avant tout. C’est l’absence de contrôle et de réactions du législateur et des autorités financières de contrôle (BaFin) face à cette société, certes leader sur son secteur, mais entourée depuis un certain temps de rumeurs croissantes.
P&R a été lancée dans les années 70 sur le modèle suivant: des investisseurs privés achètent un conteneur et, via son intermédiaire, le loue à des sociétés de transport diverses. Au bout de 5 ans, la société allemande s’engage à racheter le conteneur à 65 % du prix d’achat. P&R garantissait pour cet investissement direct un rendement annuel moyen de 5 %. Ce modèle a longtemps fonctionné au point de devenir un placement dit de « père de famille ». Ainsi, la moitié des investisseurs de P&R ont plus de 60 ans.
Mais le système s’est grippé. Alors que les loyers des conteneurs semblent avoir été régulièrement payés, les rachats de conteneurs, eux, ont été repoussés à plusieurs reprises. Par ailleurs, des analystes ont relevé que le volume des loyers versés en 2017 était clairement supérieur aux revenus de P&R. Enfin, plusieurs experts du secteur, interrogés par les médias allemands, ont repéré un décalage entre le volume d’achat de conteneurs neufs annoncé par la société de location et le niveau réel des transactions constatés sur le marché. Ces signes avant-coureurs n’ont pour autant pas fait pas réagir la BaFin.
Il faut savoir que, jusqu’en 2017, la loi allemande n’a soumis les investissements directs à aucune obligation de publication ni de contrôle. L’année dernière, une « loi de protection des petits investisseurs » a pallié partiellement ce vide. À savoir que les sociétés sont désormais priées de produire une information légale, aussi pour les investissements directs. Charge à la Bafin d’en contrôler la cohérence, ce qu’elle ne semble pas avoir fait avec P&R, qui a fini par déposer son bilan en mars 2018. Motif avancé: l’écart entre le prix de vente des conteneurs d’occasion, à la baisse, et le prix de rachat des conteneurs garanti aux investisseurs aurait grevé les finances de la société.
Aujourd’hui, la société aux placements atypiques est dans le viseur du parquet de Munich et fait l’objet d’un audit mené par PWC. Mi-mai, l’administrateur judiciaire Michael Jaffé confirmait que sur les 1,6 million de conteneurs prétendument détenus par P&R, près d’un million étaient fictifs!
L’affaire montre surtout comment des milliards d’euros ont été investis légèrement, c’est-à-dire dans un cadre très peu contraignant et sans aucun contrôle légal. L’Autorité fédérale de supervision financière risque de se retrouver sur le banc des accusés. Un cabinet d’avocats berlinois a en effet annoncé qu’il préparait une plainte collective contre la Bafin.