La Méditerranée occidentale représente un passage obligé dans les échanges internationaux. Avec le détroit de Gilbraltar à l’ouest et le canal de Sicile à l’est, la région occidentale de la Méditerranée s’apparente avant tout à une zone de transit entre l’Asie et l’Europe du Nord. Dans son Atlas des villes portuaires du sud et de l’est de la Méditerranée, réalisé par l’Agence d’urbanisme de l’agglomération de Marseille (Agam) en octobre 2013, les auteurs expliquent que cette mer concentre à elle seule 30 % du commerce maritime mondial et quelque 20 % à 25 % du trafic pétrolier. Bien plus, parmi l’ensemble des flux méditerranéens, seuls 25 % concernent les échanges intraméditerranéens quand les 75 % restants sont des flux de transit. En 2005, le trafic méditerranéen a porté sur environ 504 Mt, tous produits confondus. « Il apparaît que sur les 564 Mt de marchandises générales circulant en Méditerranée en 2005, si 25 % de ce total constitue du trafic intraméditerranéen, 17 % concernent du trafic interne aux pays méditerranéens de l’Union européenne (UE), contre 7 % seulement PSEM-UE Med (soit 39,5 Mt de trafic) et 1 % PSEM-PSEM. On retiendra ainsi que pour les marchandises générales, les échanges PSEM-UE Med représentent 7 % du trafic méditerranéen total de marchandises, les échanges PSEM-PSEM 1 %, ce qui témoigne d’une Méditerranée peu intégrée », explique l’Atlas des villes portuaires du sud et de l’est de la Méditerranée.
L’UE pèse entre 60 % et 80 % du commerce extérieur du Maghreb
Dans le trafic global méditerranéen, les marchandises générales emportent la plus grande part avec 36 % du volume. Or, dans le trafic intraméditerranée, ces flux pèsent peu, continue l’Atlas: « Cette part du hors vrac (40 Mt) est plus faible encore dans les échanges UE Med-PSEM, qui apparaissent encore plus dominés par le poids des hydrocarbures (66 %), et dans une moindre mesure des vracs solides (25 %) circulant dans le sens sud-nord (sauf céréales). » Si la part des marchandises générales reste faible, l’Europe et le Maghreb sont avant tout des partenaires économiques importants. En effet, l’UE représente entre 60 % et 80 % du commerce extérieur maghrébin alors qu’inversement, le Maghreb entre pour 1 % à 2 % du commerce extérieur de l’UE.
Le trafic intraméditerrranéen des marchandises générales a été dominé pendant des années par le transport roulier. Au cours des dernières années et avec l’émergence de hubs, la conteneurisation a pris le dessus. Aujourd’hui, le tonnage conteneurisé nord-sud représente 20 Mt quand le roulier pèse 15 Mt, indique l’Atlas des villes portuaires du sud et de l’est de la Méditerranée. Les armateurs conteneurisés sont revenus aux fondements de la mer Méditerranée (la mer au milieu de la terre, comme l’appelaient les Romains). En créant des hubs à Malte, dans le sud de l’Italie à Gioia Tauro, à Tanger, Barcelone ou Valence, la conteneurisation met en pratique son concept de hub & spoke tant sur la rive Nord que sur la rive Sud de cette région. Les grands noms de la conteneurisation ont pris des positions clés dans ce concert: CMA CGM a investi à Malte puis a revendu ses intérêts à Yildirim Port. Eurogate, APM Terminals, CMA CGM sont présents à Tanger. DP World a pris pied en Algérie dans le port de Djen Djen. Ces quelques exemples démontrent de la pertinence de créer un réseau de distribution avec un point d’éclatement sur les flux provenant de l’Est ou de l’Ouest pour une redistribution localement.
Quand les opérateurs conteneurisés opèrent des rouliers
Si la conteneurisation connaît aujourd’hui un développement en Méditerranée, elle est avant tout destinée à de la redistribution de flux en transits depuis l’Asie ou l’Amérique du Nord ou du Sud vers la rive Nord ou Sud de la Méditerranée. Les flux intraméditerranéens sont toujours réalisés en grande partie par la voie routière. Les lignes ro-ro entre l’Afrique du Nord et le sud de l’Europe ne cessent de s’accroître. Dans une étude de l’Union européenne publiée en 2010 sur le plan stratégique des autoroutes de la mer, le trafic routier du détroit de Gilbraltar est évalué à 217 000 poids lourds dont 130 000 rejoignent le nord de l’Espagne pour partir vers l’Europe du Nord. Dans un rapport réalisé par le bureau de promotion du short sea en Grèce en 2013, il apparaît que les opérateurs conteneurisés ont adopté une double stratégie. Certains, à l’image de CMA CGM, Marfret, Nisa Maritime, Cnan Med, Neptune Shipping, Messina Lines et Nolis déploient des services conteneurisés et rouliers. Une façon de jouer sur les deux tableaux pour continuer à prendre des parts de marché sur le roulier tout en développant la conteneurisation. Cette volonté d’être présents globalement est aussi parfois liée à des acquisitions. Ainsi, lorsque CMA CGM a repris la Comanav, compagnie marocaine opérant des ferries entre la France et le Maroc, le groupe français a conservé les lignes et les a intégrées à ses services conteneurisés. Des opérateurs font le choix d’une approche purement conteneurisée. MSC, Arkas Line, Seago (opérateur travaillant en lien étroit avec Mærsk Line sans être intégré dans ses comptes), UASC et X-Press Feeder développent des lignes sur la partie occidentale de la Méditerranée entre les trois pays du sud de l’Europe et ceux du Maghreb. X-Press Feeder a d’ailleurs signé avec le groupe espagnol Marguisa pour opérer les conteneurs de cet armateur vers le Maghreb au départ de l’Europe méditerranéenne. X-Press Feeder opère aussi des lignes en common feeders pour le compte de Mærsk Line, Evergreen, Hamburg Süd, MOL, Boluda, DAL, Arkas et Portline. Il assure des rotations en Méditerranée occidentale entre les différents ports européens et nord-africains au départ d’Algésiras. En marge de ces opérateurs conteneurisés qui font le choix du tout-conteneurs ou du mix conteneurs et rouliers, les opérateurs rouliers restent encore largement présents sur le marché.
Nous retrouvons dans cette catégorie des grands noms méditerranéens et purs opérateurs rouliers à l’image du groupe Grimaldi Lines. Le groupe italien a créé un réseau dédié à la Méditerranée avec des navires rouliers entre les différents ports. Le concept de Grimaldi Lines a été de créer une sorte de « bande transporteuse » entre les différents centres de consommation pour faire de cette partie de la Méditerranée un marché à part entière. Les navires rouliers opèrent des trafics rouliers, voitures ou engins de chantiers, mais aussi des projets industriels et des conteneurs chargés sur mafis. À côté de Grimaldi, Grandi Navi Veloci, qui est désormais entre les mains de Marinvest, fonds d’investissement de MSC, assure des liaisons ro-pax entre l’Espagne, l’Italie, la France, le Maroc et la Tunisie. DFDS a aussi mis un pied en Méditerranée lorsque le groupe a constitué une co-entreprise à 80/20 avec LD Lines, dont il est majoritaire. Dans l’escarcelle de ce mariage, DFDS a hérité de la ligne entre Marseille et Tunis. Une ligne qui permet au groupe d’être sur un marché en croissance avec son expérience du nord de l’Europe. Enfin, la liste de ces opérateurs ne serait pas complète si l’on ne parle pas de Corsica Maritima qui a repris les navires de la SNCM pour développer le marché nord-africain.
Ainsi, le conteneur est toujours face à une concurrence féroce des opérateurs rouliers qui apportent aux opérateurs du commerce international des solutions logistiques de bout en bout.