Surcapacité et incertitudes de marché: quelles réalités portuaires africaines?

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Il y a 10 ans déjà, dans les colonnes du Journal de la Marine Marchande, nous faisions état du fait que la révolution portuaire africaine était un des prérequis essentiels pour accompagner l’émergence économique, sociale et politique de tout le continent. Une décennie plus tard, force est de constater que la quasi-totalité des autorités portuaires continue d’orchestrer cette modernisation vitale. Les manutentions ont plus que doublé. Les grands opérateurs globaux de terminaux luttent pour remporter les concessions portuaires. De nouveaux rapports de force et de collaboration s’instaurent entre concessionnaires privés et autorités publiques « concédantes », avec des procédures d’attribution des marchés issues d’innovations économiques, juridiques et financières promues notamment par des cabinets spécialisés français. Une sorte de maturité accélérée se constate avec des pionniers comme Pointe-Noire ou Téma.

Le saut incrémental des terminaux portuaires

Les terminaux portuaires ouest et centre africains ont fait un saut incrémental majeur en ce qui concerne le dimensionnement des terminaux, la profondeur d’eau ou la longueur des linéaires de quais. La gestion stratégique de l’interface avec le navire demeure intéressante, mais il n’en demeure pas moins la déficience chronique en matière de connectivités terrestres.

Et si on avait maintenant trop de capacité en concurrence? Cela fait partie en quelque sorte de la magie de notre économie libérale basée sur le commerce et la facilitation des échanges commerciaux: il faut constamment repenser le subtil dosage entre une offre et une demande en perpétuelle mouvance. Avec la surcapacité navale mondiale, les compagnies maritimes ont elles aussi opéré un saut incrémental majeur dans la desserte des marchés africains.

Avec la stimulation du commerce entre le continent et l’Afrique, on a vu les navires passer de 2 800 EVP à 4 000 EVP, puis 6 000 EVP et maintenant près de 10 000 EVP pour relier quelques têtes de ponts portuaires africaines à Singapour ou Shanghaï avec des temps de transit records. Tout cela s’est opéré en une décennie, au fur et à mesure que les terminaux et leurs exploitants pouvaient proposer des services et prestations adaptées à la demande maritime (voire terrestre). La question qui se pose aujourd’hui est: est-ce que la robustesse de la croissance économique africaine peut alimenter les terminaux et les navires qui servent le continent? Avec une économie européenne atone et des matières premières dévalorisées sur le marché mondial, le continent ne pourrait-il pas subir une sorte de « désalignement » entre les volumétries attendues (import/export/ transit/transbordement/courte distance) et les investissements infrastructurels consentis? Kribi, Lekki, Badagry ou encore TC2 Abidjan ne sont-ils pas de trop? Ou dit autrement, les retards dans leur mise en œuvre opérationnelle ne représentent-ils pas en quelque sorte une bonne nouvelle pour la santé générale des systèmes de transport en Afrique de l’Ouest et du centre? Plus que les perspectives des économistes, ce sont les rouages insondables du marché africain qui nous distilleront la vérité… et ses conséquences en matière portuaire.

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