Dans son rapport de mars, le groupe américain d’assurance Marsh rappelle que l’arrivée du CMA CGM Benjamin-Franklin en Californie et celle du MSC-Maya à Göteborg sont une « plaie » pour les États côtiers qui doivent investir pour vérifier que les hauteurs d’eau des routes empruntées par des navires de cette taille sont justes et permettent un passage sans risque. De nombreuses zones côtières n’ont jamais été cartographiées, ou alors il y a longtemps, du temps de la sonde à main.
Selon l’Organisation hydrographique internationale, en février, 22 % de la zone côtière britannique nécessitaient une nouvelle campagne de mesures des hauteurs d’eau; 29 % ne sont pas cartographiés. Au Japon, 47 % de la zone devraient être « resondés ». Au Panama, 75 %. Dans la péninsule Antarctique, de plus en plus fréquentée par les paquebots (français ou non), 40 % de la zone devrait également l’être, 60 % de celle-ci ne sont pas cartographiés.
Marsh rappelle également que depuis le début de l’année, l’OMI a le droit de vérifier comment les États côtiers respectent les obligations de la convention Solas relatives à la fourniture de voies de circulation maritime sûres. Mais l’OMI n’a pas les moyens de contraindre les États à respecter leurs obligations, souligne le rapport. Il propose que les exploitants de navires de commerce partagent avec des organismes internationaux les relevés de hauteurs d’eau réalisés durant les navigations côtières afin de s’assurer que les routes suivies sont sûres pour les très grands porte-conteneurs (TGPC). Cette idée a déjà été évoquée dans plusieurs enceintes internationales, mais rien ne semble bouger réellement, constate Marsh.
Les mauvaises surprises ne sont pas réservées aux États émergents: le rapport rappelle qu’en 2015, l’administration française a annoncé la présence d’une épave inconnue au sud-ouest de l’entrée de l’estuaire de la Gironde, à 7 m au-dessus du fond. Du côté de Saint-Pierre-et-Miquelon, l’administration a rectifié certaines sondes qui sont passées de 17 m (supposés) à 7,4 m (vérifiés). Avant d’y construire le grand port en eaux profondes, il va falloir sonder.
Deux ans pour dégager un 19 000 EVP
Concernant la faiblesse relative des capacités de sauvetage, Marsh se contente de rappeler les constatations existantes: le patron de Svitzer Salvage expliquait dans le Lloyd’s List du 22 septembre que « tout navire de 6 000 EVP et plus posera d’énormes problèmes d’allégement compte tenu du manque d’équipements susceptibles d’atteindre les conteneurs chargés en pontée ». En 2012, le président de l’International Salvage Union rappelait que les TGPC servent de stockages flottants d’une valeur de plusieurs centaines de millions de dollars. Un accident grave priverait les réceptionnaires de leurs importations. Si le concept du « juste-à-temps » a encore du sens, cela risquerait de poser de sérieux problèmes à l’industrie. Et Marsh de citer l’Allianz 2015 Shipping Review, selon laquelle le dégagement d’un porte-conteneurs de 19 000 EVP sévèrement échoué pourrait prendre deux ans, si tant est qu’il soit techniquement possible de le décharger complètement, pour un coût évalué à près de 2 Md€. Cela fait plusieurs années qu’est mise en avant la difficulté de porter assistance à un TGPC, ainsi que son coût. Sans le moindre début de solution.