Le trafic conventionnel est estimé aux environs de 200 Mt par an, selon les consultants de Maritime Insight. Un trafic qui a augmenté de 1,3 % sur la période 2004-2013. Au cours des dernières années, et d’après les prévisions du consultant, ce trafic ne devrait pas connaître une croissance de 0,1 % par an. La variable de ces flux devrait se faire sur les bois et produits forestiers. Maritime Insight envisage que, sur les prochaines années, ces courants pourraient légèrement s’élaguer. Dans le même temps, les principaux flux (projets industriels, produits chimiques, produits d’alimentation et autres) devraient se stabiliser.
Les facteurs favorables à la concurrence
Cette tendance plutôt morose tient surtout à la concurrence du conteneur. Depuis plus de 20 ans, un certain nombre de flux sont passés du conventionnel à la conteneurisation. Il en est ainsi, par exemple, de la farine. En septembre, Christian Poirot, directeur export des Grands Moulins de Paris, a expliqué le transfert des flux sur l’Afrique vers les conteneurs par la disparition des navires de type conbulk que l’armement Delmas alignait sur les rotations. Ces navires présentaient l’avantage de pouvoir charger du vrac, mais aussi des marchandises en sac. A aussi pesé la faiblesse des infrastructures des ports africains pour traiter ces flux, en grue ou en magasin. Cependant, le développement de terminaux à conteneurs sur toute la côte Ouest africaine a joué un rôle prépondérant pour faire basculer cette logistique vers la conteneurisation qui offre une souplesse et une plus grande diversité d’armateurs.
Cet exemple de la supply chain des farines depuis le conventionnel vers la conteneurisation se décline sur d’autres flux. Les exemples ne manquent pas, à l’image des navires de plaisance de plus en plus transportés sur de longues distances par des porte-conteneurs, mais aussi des produits autrefois ensachés et désormais en conteneurs, comme le sucre ou les ronds à béton, dès lors que leurs dimensions sont adaptées au conteneur.
La progression de la conteneurisation
Les prévisions pour les prochaines années ne sont guère optimistes. En 2015, la baisse de la demande en transport pour les navires Multi Purpose a été de 3 %, indique le consultant britannique Drewry dans une étude publiée le 14 avril. Les navires dédiés aux trafics de conventionnels se trouvent confrontés à une double concurrence. La conteneurisation tente de prendre toutes les parts de marché possibles pour rentabiliser les derniers-nés de leurs flottes. D’autre part, avec la baisse des trafics de vracs secs, et par voie de conséquence des taux de fret, des unités de type Handysize viennent grignoter des parts de marché aux navires conventionnels.
Au final, le secteur souffre aussi de surcapacité, alors que les commandes passées il y a quelques années se sont portées sur des navires de plus grande taille. Dans un entretien avec le Journal of Commerce en janvier, Steven Neuedorff, directeur de la filiale américaine de Hansa Heavy Lift, explique que cette situation ne devrait guère s’améliorer. Il reconnaît qu’il reste sur la planète une demande, mais que le marché s’effrite. La Chine continue d’importer des projets industriels, principal trafic de ces navires, mais la croissance de ces flux se ralentit. Au Moyen-Orient, la construction de gratte-ciel dans des émirats comme Dubaï, ou encore le besoin de matériels du Qatar pour préparer les infrastructures de la Coupe du monde de football de 2022 constituent encore des marchés à potentiels. Pour Steven Neuedorff, une grande partie de ces flux est menée sur le pétrole. Ainsi, avec le développement pétrolier dans le golfe du Mexique, les Américains importent de nombreux matériaux. Croissance des investissements dans l’industrie pétrolière aux États-Unis, mais aussi, en raison de la baisse du prix du pétrole, réduction dans d’autres pays dont l’économie repose essentiellement sur cette industrie. Cela se constate notamment en Afrique de l’Ouest, au Nigeria ou en Angola, mais aussi dans le golfe Persique, en Arabie saoudite.
Quel avenir pour le conventionnel?
Est-ce à dire que le marché du conventionnel est condamné à terme? La croissance de la flotte en 2016, estimée à 1 %, pourrait être absorbée par une augmentation de la demande, à condition que les projets prévus soient réalisés, indiquent les analystes du secteur. Autre élément rassurant, les prémices d’une reprise dans les vracs secs pourraient permettre le transfert des navires de type Handysize depuis le marché du conventionnel vers son marché d’origine que sont les vracs secs. Un point de vue que Susan Oatway, analyste sur le secteur du conventionnel chez Drewry, ne partage pas. « Alors que la demande en conventionnel et pour les projets industriels affiche des signes d’une reprise, à moyen terme, les volumes devraient croître. Il reste que nous ne pensons pas que les secteurs concurrentiels au conventionnel, comme les conteneurs et les petits navires de vrac sec, retourneront sur leur marché d’origine rapidement. » Pour estimer la demande en navire conventionnel, Drewry a examiné l’ensemble des flux et leur répartition entre les différents types de navires. « Nous estimons que la demande pour les navires Multi Purpose devrait revenir à une tendance positive, avec une croissance de 2,7 % par an jusqu’en 2020. Cependant, cette croissance sera sombre en 2016, et ne devrait pas montrer d’amélioration significative avant la fin de 2017 », a continué l’analyste. Si la demande peut connaître un boom dans les prochaines années, l’offre augmente faiblement. Selon le carnet de commande et les candidats probables au déchirage des navires, la croissance de la flotte ne devrait pas excéder 0,5 % dans les années à venir, jusqu’en 2020. Dans ces prévisions, Drewry estime que la flotte de navires destinés aux projets industriels devrait augmenter de 4 %, quand on prévoit une hausse de 3 % pour les Multi Purpose simples. « Jusqu’à présent, les armateurs ont supporté des conditions de marché difficile plus longtemps qu’attendu, il existe aujourd’hui un véritable risque financier pour les armateurs de ce secteur », explique Susan Oatway. Et la consultante britannique de déclarer que les armements qui auront pu se tirer d’une année 2016 qui s’annonce difficile pourraient survivre. Le marché devrait enregistrer suffisamment de croissance dans les années suivantes pour se permettre de revenir à des niveaux d’avant 2011.