Actuellement, l’enjeu pour les marchés pétroliers est d’éliminer l’excédent de production, soit 2 Mbpj par rapport à une consommation de 93 Mbpj, explique Guy Maisonnier, expert à l’Institut français du pétrole-énergies nouvelles (Ifpen). Cet excédent provient de la croissance de la production américaine et de la décision de l’Opep en novembre 2014 de maintenir sa production. Cette position de l’Opep et surtout de l’Arabie Saoudite procède d’une vision à long terme visant à contrarier la production américaine. Pour le court terme, cela implique que c’est au marché de définir le nouveau prix d’équilibre qui permettra de renforcer la demande et réduire l’offre. Cela s’explique par le fait qu’il n’y a plus d’acteurs pour soutenir les prix dans un contexte d’abondance de l’offre. La baisse du prix du baril en 2014 reflète cette situation avec un prix de destruction des excédents, favorisant la demande et réduisant l’offre hors Opep. Les effets ont continué à se faire sentir en 2015 avec un rebond de la demande dans les pays occidentaux, en Europe, mais surtout aux États-Unis. Ce retournement est historique alors que la demande dans ces zones ne cessait de baisser depuis 2005.
Premiers signes de recul côté offre
Côté offre, les premiers signes de recul se font sentir aux États-Unis même s’ils sont inférieurs à aux prévisions annoncées. Mais la baisse drastique de l’activité de forage aura progressivement des effets qui pourraient être significatifs en 2016. Au niveau mondial, la baisse des investissements dans le domaine de l’amont (– 20 % en 2015 environ) pèsera aussi progressivement sur les approvisionnements. L’accord du 14 juillet avec l’Iran (puis son entrée en vigueur le 16 janvier) est survenu dans ce contexte, continue Guy Maisonnier, et a mis un coup d’accélérateur à la baisse des prix du baril. Vers le 20 janvier, le Brent s’est situé à moins de 30 $/b, un seuil bas qui n’avait plus été atteint depuis fin 2009 avant de remonter à partir de la mi-février. Le niveau annuel moyen du Brent a été de 52 $/b en 2015, en recul de 47 % par rapport à 2014, précise l’Ifpen. Au mois de février, la Russie a annoncé être favorable à l’idée d’un gel de la production, en concertation avec l’Arabie Saoudite. Il s’agit d’essayer d’arrêter la course aux parts de marché de la part d’un pays non-membre de l’Opep, une demande de longue date de l’Arabie Saoudite.
Un objectif de production de 4 Mbpj
Dans le même temps, les Iraniens ont indiqué que compte tenu de l’embargo de long terme qu’ils ont connu, ils avaient toute légitimité pour renforcer leur production dès 2016. Ils ont annoncé un objectif de production de 4 Mbpj sans préciser de date exacte pour ce niveau qui est celui de 2008, soit avant le renforcement des sanctions et de la mise en place d’un embargo. Au lendemain de la signature de l’accord, l’Iran a communiqué un objectif de + 0,5 Mbpj six mois après la levée des sanctions, et + 1 Mbpj un an après. La production iranienne a atteint 2,9 Mbpj en janvier 2015 et 3,2 Mbpj en janvier 2016. « La mise sur le marché de pétrole par l’Iran va donc relativement vite, souligne Guy Maisonnier. Toutefois, il existe une ambiguïté sur cette offre. Celle-ci provient peut-être davantage de stockage flottant que d’un essor de la production. » Guy Maisonnier estime possible que l’Iran augmente sa production de 0,4 Mbpj d’ici à la fin 2016, soit un total de 3,6 Mbpj. Le point central pour l’Iran concernant sa production sera les capacités d’investissement, selon Guy Maisonnier, avec des besoins en pétrole et gaz estimés entre 180 Md$ et 200 Md$ entre 2016 et 2020, dont 85 Md$ à 130 Md$ pour le secteur amont. La hausse de la production iranienne constitue à l’évidence un enjeu important pour les marchés pétroliers et leurs évolutions à court et moyen terme. En effet, les prévisions d’un retour à l’équilibre entre l’offre et la demande, ainsi qu’à des prix moins volatils et supérieurs à 40 $ pour fin 2016 ou début 2017, ont été faites en supposant une stagnation de l’offre Opep, sujet qui sera débattu à la réunion Opep/non Opep du 17 avril. Ces prévisions pourraient être remises en cause par les annonces de l’Iran et il existe un risque de voir les prix stagner à un niveau relativement plus faible en 2016.
Des ambitions pour le gaz aussi
L’Iran a des ambitions de développement dans le gaz, y compris pour l’exportation de gaz nature liquéfié (GNL), selon Guy Maisonnier. La priorité sera toutefois la consommation intérieure. Le pays prévoit 20 Mt à l’export (27 Mdm3 de gaz), ce qui signifie des quantités relativement significative de GNL qui pourrait être mises sur le marché. Les délais apparaissent incertains pour ces exportations qui viendraient à disposition sur un marché en situation excédentaire au moins jusqu’en 2020, lié en partie à la production américaine de GNL.
L’essor de la production d’hydrocarbures va se faire lentement
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a déclaré à maintes reprises que le niveau de la production iranienne, une fois les sanctions levées, augmenterait lentement jusqu’à + 0,6 Mbpj. « Cela reste notre prévision, considérant que l’Iran produit actuellement environ 3,2 Mbpj, soit 0,3 Mbpj de plus comparativement à fin décembre », indique Andrew Wilson, expert à la division industries et marchés pétroliers de l’AIE. La production iranienne devrait atteindre environ 3,5 Mbpj en juillet 2016 et rester à ce niveau au moins jusqu’en 2020. L’AIE ne prévoit pas que la production de brut de ce pays atteigne 4 Mbpj dans un avenir proche, contrairement aux annonces récentes de Téhéran. « Nos prévisions pour 2017 et au-delà supposent que l’Iran ne renouera pas avec ses niveaux d’avant les sanctions avant la fin de la décennie », poursuit Andrew Wilson. Jusqu’en 2020, la capacité de production de brut de l’Iran devrait être proche de 3,6 Mbpj. Avec la levée des sanctions, l’Iran devrait importer plus d’essence qui pourrait provenir d’autres pays du Moyen-Orient et d’ex-URSS ou encore d’Asie, selon l’AIE. En ce qui concerne ses exportations de brut, l’Iran pourrait servir davantage les pays européens proches de la Méditerranée comme la France, la Grèce et l’Italie. Téhéran envisage également d’augmenter ses exportations vers l’Afrique du Sud et la Turquie. Les autres pays où l’Iran exporte du brut, des condensats et du fuel lourd sont la Chine, l’Inde, la Corée, le Japon, l’Indonésie, Singapour et les Émirats arabes unis. L’AIE précise qu’en dehors du pétrole, l’Iran pourrait reprendre les importations d’acier de l’Ukraine pour soutenir des projets d’infrastructure. Avant la mise en place des sanctions, l’Ukraine était le principal fournisseur d’acier de l’Iran.