Toujours vice-président, mais à présent en charge de la Justice, de la Liberté et de la Sécurité, Jacques Barrot était à Paris le 23 mai. L’occasion de présenter le bilan de son action aux Transports.
Désireux de « faire direct et court », Jacques Barrot a estimé qu’il avait fait « bouger les transports dans quatre directions »: une mobilité « accrue, plus sûre, plus juste et plus durable ».
Jacques Barrot a regretté que certains États membres « traînent les pieds » dans le domaine de la sécurité. Pour expliquer le rejet par les États membres de la proposition sur le contrôle effectif des navires par l’État d’immatriculation, il a eu cette formule: « Il m’a manqué une marée noire ». Le projet de régime européen de responsabilité civile des propriétaires de navires n’a pas eu plus de succès et n’a pu obtenir la majorité qualifiée lors du Conseil Transport du 7 avril.
Parmi les six chantiers que doit mener à terme la Commission Barroso jusqu’en 2009, le projet de l’espace européen de transport maritime sans barrière, mené par le nouveau commissionnaire chargé des Transports, l’italien Antonio Tajani. Il s’agit d’éviter les tracasseries administratives aux navires faisant uniquement escale dans les ports de l’UE.
Jacques Barrot a également exprimé le regret de n’avoir pu obtenir une place d’observateur à l’OMI. Il a fait valoir l’argument qu’un observateur sans droit de vote ne devrait pas inquiéter les États membres. Il attend également de voir à quoi va aboutir l’OMI en ce qui concerne la réduction des gaz à effet de serre ou nocifs émis par les moteurs marins.
Le dossier des Autoroutes de la Mer en suspens
Les autoroutes de la mer (AdM) restent toujours largement potentielles. La Commission franco-espagnole aurait fait des modifications à son premier appel à projets. Mais es résultats de cet appel sont restent pour l’instant confidentiels. La Commission reprend maintenant le dossier d’une manière différente, en proposant aux États membres d’augmenter la subvention nationale pouvant être accordée à un projet d’AdM.
Jacques Barrot a déclaré attendre beaucoup du rapport sur les obstacles au développement des AdM que doit lui remettre à la mi-juin Luis Valente de Oliveira, coordonnateur européen en charge de ce serpent de mer.
Plus incisif, le chef de cabinet de Jacques Barrot, Benoît Le Bret, estimé que les AdM n’avaient peut-être encore trouvé leur bon « business model ». En effet, contrairement aux autoroutes terrestres pour lesquelles l’argent public crée une infrastructure sans garantie de trafics, pour les AdM, c’est l’armateur privé qui, en mettant ses navires, crée l’infrastructure et l’exploitation sans garantie de trafics.
Si le projet d’AdM ne décolle pas, la dernière approche sera de se poser la question de savoir s’il est juridiquement possible de considérer le navire comme une infrastructure.
Quand Jacques Barrot a pris ses fonctions, le discours dominant de la Commission portait sur le découplage entre la croissance économique et les échanges matériels. « J’ai refusé cette approche malthusienne. Si découplage il doit y avoir, c’est entre la mobilité et ses effets négatifs. Pas d’opposition entre les modes de transport. Il faut par contre, favoriser le transfert modal et rendre la route plus propre, car elle reste indispensable », a souligné l’ancien commissaire aux Transports.
Une réflexion stratégique du transport maritime à 2018
Le 19 mai, à la veille de la Journée européenne de la mer, la Commission européenne a invité des professionnels du transport maritime à venir réfléchir sur l’avenir de ce mode de transport. Il s’agit « d’assurer un avenir prospère au secteur européen du transport maritime », note la Commission. Bruxelles considère le maritime comme crucial pour le commerce extérieur de l’UE ainsi que pour sa sécurité en approvisionnement énergétique. Les changements qui s’opèrent dans ce secteur d’activité sont rapides. De plus, note la Commission, « l’Europe doit maintenir un secteur compétitif d’industries maritimes connexes disposant de marins et de professionnels de la mer qualifiés ». La croissance du transport maritime est indéniable, selon la Commission, ce qui implique une augmentation des opérations de transport maritime le long des côtes européennes. Dans ce cadre, l’Europe estime qu’une « vision stratégique du développement du transport maritime, des ports et des secteurs connexes à court, moyen et long termes est essentielle pour optmiser la politique transport maritime dans ses perspectives d’avenir »
La mise sur pied de cette stratégie maritime se fera par l’intermédiaire d’un document dont la publication est prévue avant la fin de l’année. Il devrait s’intituler Transport maritime: la ligne bleue de l’engagement. Cette communication sera basée sur l’analyse économique des tendances, des possibilités et des défis. Il permettra d’établir le cadre d’une politique stratégique pour l’élaboration de la politique de l’UE en la matière. En 1996, une communication sur le transport maritime avait vu le jour. « Un document qui s’est avéré utile pour indiquer les grandes lignes à suivre mais qu’il y a lieu de le mettre à jour », note la Commission.
Le groupe de réflexion ainsi constitué se compose de professionnels « de grande renommée ». Siègent dans ce groupe: Detthold Aden (BLG Logistics Group), John Coustas (Danaos corporation), Léo Dewailde (ex-échevin du port d’Anvers), Philippe Louis-Dreyfus (Louis Dreyfus Armateurs), Cecilia Eckelmann-Battistello (Contship Italia), Nikos Efthymiou (Union des armateurs grecs), Elisabeth Grieg (Grieg Shipping Group), Emanuele Grimaldi (Grimaldi Lines), Dagfinn Lunde (DVB Bank), Brian Orell (Nautilus), Knud Pontoppidan (AP Moller Maersk) et Marnix Van Overklift (Seatrade group).
Le Programme Marco-Polo II sous la loupe
Le Programme Marco-Polo est destiné à favoriser des actions pour transférer du fret de la route vers les modes de transport alternatif. Un premier programme a couvert la période de 2003 à 2006. Depuis décembre 2007, le second programme Marco-Polo est actif. La Commission a décidé de lancer une consultation auprès des professionnels pour chercher à l’amender. Les raisons de cette consultation apparaissent évidentes: les objectifs fixés lors du premier programme n’ont pas été atteints. Les 12 Md tkm de trafic supplémentaire absorbé par la route ne se sont pas reportés sur des modes alternatifs. À conserver le Programme Marco-Polo dans les mêmes conditions d’exercice, la Commission risque d’être confrontée aux mêmes conséquences. Entre les deux programmes, seul le champ d’action a été élargi pour permettre aux pays tiers de participer. La première analyse de la Commission démontre que les subventions accordées ne sont pas suffisamment attrayantes. En effet, à l’issue des premières évaluations, il apparaît que seulement 55 propositions ont été reçues, pour un total de 93 M€ de subventions, alors que le budget n’est que de 56 M€. Après les premières évaluations, 27 dossiers ont été retenus pour des subventions s’élevant à 58 M€, soit un déficit de 2 M€. La Commission propose trois voies d’action pour améliorer le Programme Marco-Polo. À court terme, elle propose d’augmenter sa dotation de 1 € à 2 € par 500 tkm transférées. À moyen terme, elle estime qu’elle pourrait augmenter le budget de ce programme. À plus long terme, elle souhaite modifier les termes du programme. Le premier Programme Marco-Polo a couru de 2003 à 2006. Doté d’un budget de 102 M€, il a permis la signature de contrats pour un montant global de 74 M€. De plus, seulement 64 % des objectifs de transfert modal ont été réalisé, soit 7,7 Md tkm. Un raté que la Commission attribue à deux causes: d’une part, un manque d’attractivité et, d’autre part, la difficulté pour les opérateurs d’atteindre les reports de trafics promis.
H.D