« il est certain que ce texte nous apporte des solutions pour concurrencer nos homologues européens »

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Journal de la Marine Marchande: Le texte de loi a été adopté, avec quelques amendements le 20 mai. Quelle analyse, au lendemain de ce vote, faites-vous de l’évolution de ce projet de loi sur la réforme portuaire?

Christian Paschetta: Le texte a été adopté par le Sénat le 20 mai dans le cadre de la procédure d’urgence demandée par le gouvernement. Nous constatons une certaine rapidité dans le processus législatif. Après une première déclaration en juillet dernier, puis un démarrage officiel le 14 janvier, la discussion en première lecture s’est déroulée le 20 mai. Si nous comparons avec d’autres textes de réforme, nous ne pouvons que nous réjouir de voir le gouvernement avancer d’un pas décidé dans ce projet.

Globalement, à la lecture de ce texte, aucune disposition ne remet en cause le fond de ce projet. L’unicité de commandement dans la manutention y demeure. En y apportant une lecture rapide, avant d’avoir une approche plus analytique, nous constatons l’apport de quelques amendements qui nous paraissent intéressants. Ils visent à apporter des précisions et une adaptation sur plusieurs points. À ce titre, nous constatons des modifications sur les articles traitant de la gouvernance des ports. Ils modifient la composition du conseil de surveillance, avec un poids plus important pour les collectivités locales. Ensuite, un amendement consolide la gestion objective entre les intérêts publics et privés.

JMM: En 2007, vous déclariez au Journal de la Marine Marchande que l’objectif final était la performance des ports, l’unicité de commandement n’étant qu’un des moyens d’y parvenir. Ce texte colle à votre analyse. Quels sont vos objectifs pour l’amélioration de la productivité des ports?

C.P: La question de l’unicité de commandement dans les ports français est une revendication de longue date pour notre organisation. L’objectif de ce texte est de servir la relance des ports français. Il n’est pas concevable de prétendre relancer une activité économique si nous n’y mettons pas les moyens. Et en l’occurrence, les moyens sont principalement l’unicité de commandement qui permettra aux entreprises d’engager les investissements nécessaires dans un contexte sécurisé. En outre, ce texte lève certains freins à la compétitivité de nos ports. Celle-ci passera par des synergies et une qualité de service. Un armateur, lorsqu’il décide d’escaler dans un port, le fait au regard d’un compte d’escale qui comprend plusieurs éléments dont la manutention est un maillon. Le projet de réforme permet de porter l’organisation portuaire française au niveau de ses concurrents européens. Ensuite, le texte adopté par le Sénat lève un frein à l’investissement privé. Désormais, chaque entreprise qui décidera d’investir dans nos ports pourra être seule maître de son destin économique. Auparavant, lorsqu’une société achetait un portique ou une grue, elle ne maîtrisait pas totalement son avenir.

JMM: Vous abordez un élément essentiel avec la productivité des ports français. Le projet de réforme offre-t-il des clés qui permettront aux ports de l’Hexagone de se hisser au niveau de ses concurrents nord-européens et méditerranéens?

C.P: La productivité est une notion souvent avancée dans le monde portuaire, mais elle doit être évaluée en fonction de l’environnement économique. En Europe, nous n’aurons jamais les taux de productivité réalisés en Chine, car le contexte légal et réglementaire y est très différent. Par contre, il est certain que ce texte nous apporte des solutions pour concurrencer nos homologues européens. Notre organisation se calquera sur celle des autres ports. Cette similitude d’organisation en Europe met tous les ports à égalité sur la ligne de départ. Ensuite, pour faire la course en tête, d’autres paramètres entrent en ligne de compte. La qualité de l’ensemble de l’organisation portuaire, des mesures d’accompagnement pour disposer de dessertes massifiées, un cadre réglementaire et législatif sont autant de données à prendre en compte pour nous aider à arriver dans le peloton de tête.

JMM: Vous avez souvent rappelé que l’élément social était déterminant dans la compétitivité d’un port. Le texte de loi prévoit des négociations entre les partenaires sociaux, avec une date butoir fixée au 1er novembre. De leur côté, les syndicats semblent hostiles à ce projet et le font savoir par des grèves. Dans quel climat se déroulent ces négociations?

C.P: Les négociations menées par Yves Cousquer ont démarré très tôt. Ce dispositif est inscrit dans le texte de la loi, à son article 9. Les négociations sont cadrées tant temporellement que dans leur contenu. D’une part, il est prévu que ces négociations tripartites (Unim, Upaccim et syndicats de personnel portuaire) s’achevent avant le 1er novembre. D’autre part, sur le contenu, l’article cité prévoit les modalités de reprise du personnel portuaire dans les sociétés de manutention et les conditions sociales et financières de retour au sein de l’établissement. Actuellement, vous l’avez noté, les personnels revendiquent contre les principes énoncés par ce texte. Notre analyse de la situation est qu’aujourd’hui, le personnel portuaire est dans une phase de contestation des principes. Ils souhaitent savoir quel sera leur avenir. Il faut les rassurer. Quand le texte sera adopté, nous passerons de la contestation de principe à l’identification des questions à résoudre. Nous avons l’obligation de négocier dans le champ d’application de la loi. Il ne faut pas imaginer que demain le texte de la loi sera bénéfique à nos ports si nous n’avons pas une négociation réussie avec les partenaires sociaux.

JMM: Ces mouvements perturbent fortement l’activité portuaire depuis quelques semaines. Ne craignez-vous pas qu’ils mettent en péril les sociétés de manutention?

C.P: Les conséquences pour les sociétés de manutention sont lourdes et nombreuses. D’abord, les pertes en chiffre d’affaires se calculent en millions d’euros par société. Ensuite, pour faire face à ces difficultés, les entreprises sont obligées d’agir sur les coûts de fonctionnement et donc sur l’emploi. Ces mouvements ont gelé des recrutements et causé la non-reconduction de CDD. Des responsables patronaux français demandent une accélération du processus de réforme. Il ne faut pas demander plus que nous ne le pouvons et, comme je l’ai dit, ce processus prouve une volonté d’aller vite, mais nous devons respecter les formes.

JMM: Le texte traite aussi de la gouvernance des ports. Les entreprises de manutention, actrices de la vie portuaire, sont peu représentées dans le nouveau schéma de la gouvernance portuaire. Ce projet répond-il à vos attentes dans les domaines de la gouvernance et du financement des projets portuaires?

C.P: Nous intervenons peu sur les questions de gouvernance, cependant, nous pensons que les nouvelles dispositions de ce texte donnent plus d’autonomie à des ports qui n’étaient que peu autonomes auparavant. Elles permettent aux ports d’avoir un champ d’intervention plus élargi sur des sujets comme les dessertes terrestres. Ils disposeront de plus de capacités financières et donc de plus de moyens pour agir. Le seul point sur lequel nous aurions souhaité voir évoluer le texte touche les projets importants des ports. Il nous apparaît important que le conseil de développement donne son accord formel sur ces projets. Sur le financement des projets portuaires, la réforme est plus favorable aux autorités portuaires. Auparavant, les ports perdaient de l’argent dans la manutention. En se recentrant sur leurs tâches essentielles, ils vont pouvoir dégager une plus grande capacité d’autofinancement. Désormais, nous aurons des ports avec plus de cash-flow, des investisseurs privés et un État plus enclins à s’engager. Maintenant, nous reconnaissons que nous avons pris du retard en matière d’investissement. Nous avons des défis à relever sur de nombreux ports comme au Havre, à Port 2000 ou à Marseille avec Fos 2XL. Regardons ce que nos concurrents ont fait. Quand Hambourg a investi plus d’un milliard d’euros dans la conteneurisation, il l’a fait parce qu’il était assuré d’un retour. Avec la réforme, le gouvernement crée des conditions comparables à ce qui existe ailleurs, nous ouvrons un accès à ce développement. Ce sera plus facile.

JMM: Le texte a été transmis à l’Assemblée Nationale. Sur quels points souhaiteriez-vous voir des modifications?

C.P: Deux sujets doivent être pris en considération dans les prochaines discussions parlementaires. D’une part, sur le volet fiscal, nous réclamons une égalité de traitement. Dans le texte de loi, il est prévu que les outillages et équipements repris par les sociétés de manutention aux ports autonomes soient progressivement soumis à la taxe professionnelle et foncière. Une entreprise de manutention qui a investi sur ses propres deniers ne bénéficie pas de cette exemption. Nous devons nous prémunir contre toutes les inégalités de traitement. Ensuite, l’article 12 doit être manié avec prudence. Il prévoit les négociations sur les conventions collectives. Nous touchons ici notre rôle fondamental. Si cette négociation devait déboucher sur un changement significatif dans l’économie de la manutention, nous serions passés à côté de l’esprit de cette réforme. Ca serait la porte ouverte à de nouvelles difficultés.

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