Tous les experts s’accordent: au moins 200 000 poids lourds pourraient être retirés de la route vers le Rhône, soit un volume de 5 millions de tonnes. Le constat prend aujourd’hui un sens écologique, mais sa valeur est surtout économique. Rotterdam a bâti sa prédominance à partir d’un puissant réseau fluvial assurant 40 % du post et pré-acheminement des marchandises. La leçon est sue, mais mal appliquée en France. La part modale du fluvial sur Marseille-Fos a atteint l’an dernier 5,34 % (contre 3,65 % en 2002) et l’ambition est de la porter d’ici cinq ans à 12 %. Un objectif audacieux, mais encore très éloigné des standards nord-européens.
L’État à contre-courant
Pourquoi? Le grandiose projet de liaison Rhône-Rhin a accaparé pendant des décennies la pensée fluviale de l’État, quitte à oublier que la pente naturelle du puissant fleuve allait vers le sud. Il a fallu attendre la fin des années 90 pour que les opérateurs locaux s’embarquent. Le mouvement est parti de…Bourgogne. Aproport (CCI de Chalon s/Saône, Mâcon, Villefranche s/Saône et de Nord Isère) investit alors loin de ses bases, sur une plate-forme multimodale à vocation, à Port Tellines, non loin du quai Brûle-Tabac et de la darse 2 de Fos.
Dans le transport, le fluvial prend souvent sa source dans le maritime. C’est à cette même époque que Lyon Terminal démarre des relations privilégiées avec le Port autonome de Marseille. Les deux partenaires mettent l’accent sur les navettes ferroviaires et fluviales.
Porté par ce courant, le trafic fluvial du port de Marseille-Fos a progressé de 60 % ces cinq dernières années. Mais il reste de la marge. « Dans l’état actuel, ce trafic pourrait être quintuplé sans problème », estime Michel Margnes, président de la CNR. Avec un volume de 2,71 Mt dont 60 000 EVP, Fos a appris à compter avec cet axe.
Aujourd’hui, le port et le Rhône ne font plus lit à part. Ils ont même trouvé une nouvelle confluence. « À terme, un conteneur de Fos sur dix prendra le Rhône » assure Guy Janin, directeur du PAM. Avec la mise en service de Fos 2XL, cela pourrait représenter 200 000 EVP. « Le fleuve a des atouts. Il coûte 15 % moins cher que la route. Un seul convoi de pousseurs, c’est 300 camions en moins sur la route » rappellent les trois partenaires, PAM, VNF et CNR, réunis depuis cinq ans dans un contrat de progrès fluvial. Ce « fleuve routage » est encouragé par la convention signée par la douane avec les ports de Lyon et de Marseille afin d’autoriser le dédouanement.
La majorité de grosses unités qui sillonnent la voie du Rhône appartiennent encore à des petits armements et à des artisans. Dans ces conditions, il n’a fallu que quelques années à la CMA-CGM pour s’imposer. Sa filiale, River Shuttle container (RSC), est devenue le premier transporteur fluvial de conteneurs sur le Rhône et en France, et le seul prestataire présent sur l’ensemble des grands bassins français: Seine, Rhône et Saône. Un titre que ne peut lui disputer l’autre opérateur fluvial d’importance, Logirhône, filiale de CFT, qui a succédé à Alcotrans depuis début janvier 2008. Les deux opérateurs renforcent leur flotte. RSC vient tout juste de réceptionner trois nouveaux automoteurs (Nirvana, Guadania et Camael). D’une capacité de 200 EVP, ils permettront de d’offrir trois départs par semaine au lieu de deux, ce qui portera à 1 200 EVP sa capacité hebdomadaire sur la ligne Fos/Lyon/Mâcon /Chalon.
L’axe le plus dynamique de l’Hexagone
Pratiquement absent il y a une vingtaine d’années sur la carte des dessertes fluviales, le Rhône est aujourd’hui l’axe « le plus dynamique de l’Hexagone » selon François Bordry, président de VNF. Confortés par le Grenelle de l’environnement, les partenaires et les opérateurs logistiques multiplient les investissements. De la plate-forme logistique de Pagny (sud de Dijon), du port Edouard-Herriot à Lyon (qui arbore le titre de « port avancé de Marseille »), jusqu’à la darse 2 de Fos, c’est à coup de millions d’euros que l’axe se renforce entre Bourgogne, Rhône-Alpes et PACA. Lyon Terminal vient de voir la CNR investir 16 M€ dans le doublement de sa capacité conteneurs (130 000 EVP). De son côté, la CNR effectue des travaux de modernisation et d’extension des installations de la voie fluviale (coût: 6 M€).
Les terminaux conteneurs embranchés
Fos va connaître d’importants chantiers. 22 M€ (12 M€ venant de coopératives céréalières, Cerevia, et le reste du public) vont permettre d’agrandir le terminal céréalier des Tellines (Port-Saint-Louis-du-Rhône) avec un deuxième silo et une bande transporteuse qui le reliera au quai Gloria. Cette extension, opérationnelle à l’été 2009, devrait presque doubler le trafic céréalier sur le site en le portant à 1 Mt. Enfin, 22 M€ supplémentaires iront dans la réalisation d’une nouvelle liaison fluviale de 3,5 km entre le pôle conteneurs (darse 2) et le canal du Rhône. Marseille-Fos sait plus que jamais qu’une part de son avenir se joue dans le lit du Rhône.
Les investissements fluviaux du PAM
• 2 portiques de type « Panamax » dédiés. Coût: 3 M€.
• Depuis le 1er janvier dernier, mise en place d’un tarif spécifique fluvial, qui ne sera plus payable au « shift », mais au nombre de conteneurs à partir d’un minimum de 30 mouvements. Conséquence: une réduction moyenne des tarifs de 35 %.
• Création d’une liaison fluviale entre le fond de la darse 2 et le canal du Rhône à Fos. Coût de 22 M€ inscrit au Contrat de Projet État-Région 2007-2013. Ce nouveau canal, d’une longueur de 3,5 km, permettra le croisement de convois fluviaux de grand gabarit et réduira de 1 h 30 environ, le trajet entre le Rhône et les terminaux.
• 3 rénovations et 6 créations de postes à l’intérieur du Port de Fos sont prévus pour 2008-2009. Montant estimé: 6 M€ (cofinancement dans le cadre du CPIER Plan Rhône)
• Adaptation du terminal céréalier du bassin des Tellines et liaison avec le quai Gloria à travers une bande transporteuse. L’ensemble des travaux (bande transporteuse + outillages) s’élève à 10 M€, dont 5,6 seront financés en propre par le PAM (Le reste est cofinancé dans le cadre du CPIER Plan Rhône). Le manutentionnaire occupant le terminal céréalier des Tellines, sera incité à développer les trafics, grâce à des tarifs dégressifs en fonction du tonnage traité.