Les céréales françaises ont connu une bonne campagne d’exportation en 2023-2024. La récolte de 35 Mt de blé tendre à l’été 2023 a permis d’expédier sensiblement les mêmes quantités qu’au cours de la saison précédente : 6,3 Mt vers les pays membres de l’Union européenne et 10,2 Mt vers les pays tiers, selon les données publiées par France AgriMer le 18 septembre. Pour les orges, 12,3 Mt avaient été récoltées, ce qui a donné lieu à 2,9 Mt d’exportations vers l’UE et 3,8 Mt vers des pays tiers.
La campagne en cours, qui a débuté le 1er juillet, n'aura pas le même bilan. L’établissement public de la filière agricole a en effet dû revoir à la baisse les prévisions de la récolte 2024. Alors que, début juillet, il tablait encore sur une production de près de 30 Mt de blé tendre et de plus de 11 Mt d’orges, seuls 25,8 Mt de blé tendre et 10 Mt d’orges ont été récoltées au cours de l’été.
Baisse de 61 % des exportations vers pays tiers
Les prévisions ont été revues en conséquence : vers les pays de l’Union européenne, la France devrait expédier 6 Mt de blé tendre et 2,8 Mt d’orges, en baisse d’environ 5 %. C’est à destination des pays tiers que le repli sera le plus important : - 61 % pour le blé tendre (4 Mt) et - 43 % pour les orges (2,2 Mt).
Ce grand export est le plus concerné par les expéditions maritimes, puisqu’une partie des céréales à destination de nos voisins européens utilise le transport ferroviaire ou la voie fluviale. À cela s’ajoute le fait que la qualité des blés récoltés est bien moindre. Une grande partie de la production française sera en effet destinée à l’alimentation animale car elle ne satisfait pas aux critères pour être classée en blé meunier.
Or les grands clients de l'épi gaulois, en Afrique du Nord et en Afrique de l’Ouest en particulier, réclament cette qualité meunière. Le blé fourrager, en revanche, pourra être massivement exporté vers nos voisins européens, ou sera consommé en France, remplaçant ainsi des importations d’aliments pour bétail.
Les exportations en baisse à Rouen en août
C’est ainsi qu’une baisse de 25 % de la production céréalière peut aboutir à une perte de plus de moitié des exportations maritimes. Le port de Rouen, par exemple, par lequel transitent chaque année environ 50 % des volumes sortants, a fait une très bonne campagne l’an dernier avec 8,72 Mt de céréales chargées sur navires. Pour le blé tendre, les principales destinations étaient la Chine (2,5 Mt), le Maroc (2 Mt) et l’Algérie (1,1 Mt).
Mais là encore, la même performance est hors d'atteinte cette année, puisque s’ajoutent à la concurrence des blés d’origine mer Noire la faible quantité des céréales disponibles à l'international et une qualité qui ne satisfait pas les grands pays acheteurs. « Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de blé meunier à exporter, tempère Manuel Gaboriau, responsable développement pour les filières agricoles de Haropa. Nous pouvons nous référer à la mauvaise campagne que nous avons connue en 2016-2017, au cours de laquelle Rouen avait traité seulement 4 Mt de céréales. Nous ne savons pas si les exportations de 2024-25 seront de ce niveau-là, mais c’est possible au vu des quantités récoltées. »
En juillet, les envois depuis le port de Rouen ont atteint 615 000 t. Un volume qui s’explique par le recours aux stocks de la récolte précédente. Au mois d’août, en revanche, les effets de la faible récolte se sont fait sentir avec seulement 300 000 t expédiées en un mois : pour un tiers, de l’orge à destination de la Chine, le reste vers l’UE, du Maroc et de l’Afrique de l’Ouest.
Étienne Berrier