Comment l’industrie pétrolière a-t-elle vécu 2019 ? L’Union française des industries pétrolières (UFIP) note une moindre volatilité du prix du brut et une résilience aux tensions géopolitiques et mouvements sociaux en France. Une relative stabilité dans un contexte peu favorable.
« Perturbée, mais robuste et agile » affirme l’Union française des industries pétrolières (UFIP) qui, faute de pouvoir tenir sa rencontre habituelle avec la presse, a communiqué aux rédactions quelques données du puits à la pompe.
« On note une relative stabilité en 2019, qui a masqué deux phénomènes agissant en sens inverse : les tensions géopolitiques au Moyen-Orient [attaques d’installations pétrolières en Arabie Saoudite et arraisonnement de navires dans le détroit d’Ormuz, NDLR] et le différend commercial entre la Chine et les États-Unis », note le syndicat professionnel qui rassemble les entreprises exerçant en France une activité dans l’un des trois grands domaines du secteur, exploration et production de pétrole et de gaz naturel, raffinage et distribution. Il faut y ajouter les mouvements sociaux, déclenchés le 5 octobre suite au projet de réforme des retraites, qui ont rudoyé les ports, sans cependant provoquer de ruptures d’approvisionnement : il y aurait eu, selon l’UFIP moins de 3 % des stations en rupture au plus fort de la crise.
Volatilité moindre
Toutefois, la fédération note une moindre volatilité du prix du brut en 2019 comparé à 2018, où les valeurs moyennes mensuelles du Brent (brut de référence sur les marchés boursiers, dont le prix détermine en partie celui de près des deux tiers de la production pétrolière mondiale) avaient en effet voyagé entre racines et cimes. Cette année-là a notamment été marquée par l’assouplissement de l’embargo iranien et la hausse de la production américaine (en octobre, le baril a alors tutoyé les 80 $) et la réduction de la production de pétrole à hauteur de 1,2 Mbj par les membres de l'OPEP et de l’OPEP+ en décembre, où le cours a atteint les 50 $.
En 2019, les valeurs moyennes mensuelles du Brent ont en effet été plus uniformes, évoluant dans une fourchette entre 60 et 70 $, sans à-coups majeurs, si ce n’est une poussée de fièvre lors des attaques répétées dans le détroit d’Ormuz et un infléchissement quand l’OPEP+ (pays de l’OPEP et dix producteurs extérieurs à l’organisation) a annoncé une réduction supplémentaire de 0,5 million de barils par jour (Mbj) pour soutenir les cours. Mais c’était avant l’apparition du coronavirus en décembre en Chine, premier importateur mondial de pétrole, qui a précipité le baril à 30 $, un niveau inobservé depuis début 2016.
Marge brute à 28$/t en 2019
En France, les huit raffineries encore actives (avec celle de Martinique), pour la plupart implantées à proximité des zones portuaires afin de faciliter leur approvisionnement en pétrole brut par voie maritime, cumulent une capacité de raffinage de 62 Mt de pétrole brut par an (soit l’équivalent de quelque 1,2 million de barils par jour). La France comptait 24 raffineries sur son territoire en 1975, condamnées ensuite par les chocs pétroliers. Entre 2010 et 2013, Flandres, Reichstett, Berre, Petit-Couronne ont également cessé leur activité dans un contexte européen d’asthénie et alors que la marge brute était tombée à 14 €/t en moyenne en 2011. En 2019, elle était de 28 €/t, comme en 2018, mais de 34 €/t en 2017. Sur une durée plus longue, depuis 2007, la marge brute la plus élevée a été enregistrée en 2015 à 45 €/t.
Conversion entravée
D’autres sites, non sans déboires, tentent une reconversion, à l’instar de la raffinerie Total de la Mède dans la zone industrialo-portuaire de Marseille-Fos, qui a fermé en 2016 pour une seconde vie en bioraffinerie à partir d’une technologie développée par IFP Énergies Nouvelles. Mise en service à l’été 2019, l’usine est dimensionnée pour produire 500 000 t/an de biodiesel de type HVO (Hydrotreated Vegetable Oil ou huiles végétales hydrotraitées) à la structure chimique comparable à un carburant standard. « Il peut être utilisé à 100 % ou en mélange dans un moteur », indique le groupe pétrolier. Or son autorisation de pouvoir importer de l’huile de palme pour produire des biocarburants est sujet de polémiques de plus en plus récurrentes. Une note des Douanes, parue en décembre et considérant que les biocarburants fabriqués à partir de résidus d'huile de palme (FPAD, distillats d'acide gras de palme) pourront finalement bénéficier de l'avantage fiscal dont l'huile elle-même est privée depuis le 1er janvier, avait alors enflammé les associations de défense de l’environnement.
Quoi qu’il en soit, quatre ans après l'accord de Paris sur le climat, les grands groupes pétroliers et gaziers mondiaux restent loin des objectifs fixés en 2015 : réduire leur production fossile d'un tiers au cours des vingt prochaines années. La France s’est fixée pour objectif la réduction de la consommation primaire d’énergie fossile de 40 % en 2030 (par rapport à 2012).
Adeline Descamps
Infographie : ©Olivier Pieton Pixel pour JMM