Alliances maritimes : un hold-up généralisé ?

Dans un rapport intitulé The Impact of Alliances in Container Shipping, l’ITF (International Transport Forum, OCDE) passe au crible l’impact des alliances maritimes sur l’ensemble des parties prenantes de la chaîne du transport. Une analyse à charge.

Trop puissantes et trop enclines à l’entente illicite, les alliances maritimes? Dans un rapport de 127 pages avec annexes, l’organisation intergouvernementale a réalisé ce que beaucoup attendaient – une étude d’impact – pour confirmer ou infirmer des soupçons quant à la tendance du transport maritime conteneurisé à devenir monopsone. Et à bafouer les règles de la concurrence dans un marché déjà ultra concentré. Les quatre premiers transporteurs (Maersk, MSC, Cosco et CMA CGM) apportent 60 % de la capacité mondiale. Trois alliances (2M, Ocean Alliance, THE Alliance)* exploitent 95 % de la capacité totale des navires et dominent à 80 % les routes maritimes les plus fréquentées.

L’étude analyse (de façon inédite ?) dans le détail et sur l’ensemble des parties prenantes « l’effet » de ces consortiums, qui ont pris le relais des « conférences maritimes »** déclarées illégales en 2008 par une décision européenne. Une décision par ailleurs souvent tenue responsable de la volatilité des prix du transport. Dès lors, la tentation a pu être forte pour les transporteurs de continuer à s’entendre– discrètement –, sur les conditions de leur offre, ce que Bruxelles condamne chroniquement.
Le champ lexical du rapport emprunte à l’omnipotence. La liste des doléances est longue. Pouvoir de négociation des transporteurs en raison de leur puissance d’achat. Pression sur les prix et les investissements dans les ports. Concurrence destructrice entre les ports et entre les exploitants de terminaux, attisée par l’intégration verticale des transporteurs. Accélération de la consolidation au sein de certains services portuaires (tel le remorquage désormais dominé par quelques acteurs d’influence, comme Kotug Smit et Fairplay). Fragilisation des métiers intermédiaires (transitaires). Érosion de la qualité de service, de la fiabilité des horaires, perturbations dans les chaînes d’approvisionnement...

Régime d’exception

L’ITF publie son rapport alors que la Commission européenne doit se prononcer sur le renouvellement de l’exemption de groupe dont bénéficient les transporteurs maritimes dans le cadre des alliances, mais qui arrive à échéance en avril 2020. Par le règlement 906/2009, les transporteurs sont autorités à offrir des services communs pour autant qu’ils ne dépassent pas une part de marché de 30 %, qui peut cependant l’être sous certaines conditions. Sans surprise, au fait de son étude, l’organisation placée sous l’égide de l’OCDE plaide pour sa suppression. Le World Shipping Council (WSC), qui a soumis ses avis à Bruxelles en juin dernier, s’est prononcé pour sa part en faveur de la prorogation, arguant que, sans ce « cadre juridique simple et flexible », « les coûts de mise en conformité et l’insécurité juridique augmenteront », tout en rappelant que la suppression de ce régime mettrait l’Europe en « désaccord avec d’autres juridictions dans le monde, et désavantagerait les transporteurs concentrés sur le trafic européen ».

« De toute évidence, il y a une grande divergence d’opinion », relève en médiateur l’analyste Drewry, rappelant au passage que, « sans exemption, les accords de consortiums de conteneurs ne deviendraient pas automatiquement illégaux. Cela signifierait seu- lement qu’ils seront examinés au regard des règles générales de concurrence ».
Qui a raison? Que penser? D’une part, les alliances seraient devenues trop importantes et les compagnies membres pourraient tout aussi bien fonctionner indépendamment. D’autre part, le marché est encore fragmenté et aucun transporteur ne pourrait offrir le même niveau de service en agissant seul. D’un côté, les alliances et les accords de partage de navires sont accusés de réduire la concurrence entre transporteurs. De l’autre, sans eux, la consolidation aurait fait plus de victimes et plus rapidement encore. Un juge de paix?

Adeline Descamps

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