Total change de nom pour tourner la page des années noires

Le géant pétrolier et gazier a enregistré une perte nette de 7,2 Md$ en 2020, contre un bénéfice de 11,2 milliards en 2019. Une perte inédite, un déficit historique mais un destin partagé avec l’ensemble des acteurs de son marché en 2020. Le groupe veut accélérer sa transformation énergétique et veut désormais s’appeler TotalEnergies pour refléter ses orientations stratégiques.

La présentation par Total de ses résultats du 4e trimestre et de l’année a clôturé la session financière des compagnies pétrolières. Le groupe français, qui soumettra à son conseil d’administration lors de l’assemblée générale du 28 mai une proposition pour changer son nom en TotalEnergies et ainsi refléter ses nouvelles orientations stratégiques, n’a pas été moins épargné que ses consœurs par les crises de son marché.

En l’occurrence, dans le secteur, l’année 2020 a été marquée par deux événements majeurs qu’il est difficile de départager du point de vue de l’effet destructeur ou « accélérateur de tendances », selon les points de vue. La pandémie a asséché la demande mondiale en hydrocarbures, qui n’a toujours pas trouvé l’énergie pour repartir. La déroute des marchés pétroliers a emmené le baril de brent dans les tréfonds. Depuis ce sinistre jour de cotation, le 20 avril, où le baril américain West Texas Intermediate (WTI) s’est abîmé sous zéro dollar pour la première fois de son histoire et le Brent descendu à un niveau inférieur à 20$ par baril, plus rien n’est comme avant.  

Bien que rétabli au-dessus de 50 $, avec même une échappée le 8 février à plus de 60 $, le prix du baril reste inférieur au niveau du tout début 2020. ​En conséquence, toutes les grandes majors pétrolières font état de déficits historiques, loin des dizaines de milliards de profits auxquels elles avaient habitué les investisseurs ces dernières années.  

Total claque la porte du puissant American Petroleum Institute

2020, année de la bascule énergétique

« Au quatrième trimestre, le groupe a connu un rebond de ses résultats par rapport au trimestre précédent dans un contexte où les prix du pétrole se sont stabilisés au-dessus de 40 $ par baril grâce au maintien de la discipline des pays de l’OPEP+, et aux prix du gaz qui se sont fortement appréciés en Europe et en Asie. Mais les marges de raffinage sont restées faibles, toujours affectées par une faible demande et des stocks élevés », a expliqué Patrick Pouyanné, le président du groupe à l’issue du conseil d’administration le 8 février, arrêtant les comptes pour l’exercice 2020. 

Total termine l’année sur une perte nette de 7,2 Md$ en 2020, contre un bénéfice de 11,2 milliards en 2019. « En cohérence avec son ambition climat, la société a procédé à des dépréciations exceptionnelles d’actifs pour un montant global de 10 Md$ », indique le rapport. Il s’agit principalement des actifs oil sands (sables bitumineux) au Canada, « ce qui conduit à un résultat en perte de 7,2 M$. » L’entreprise s’y était préparée, taillant dans la masse tout au long de l’année ses dépenses d’investissement, notamment dans l’exploration (13 Md$ en baisse de 26 %), et ses coûts (1,1 Md$ d’économies).

Guettée comme ses homologues par les « stranded assets », ces actifs dépréciés qui rebutent tant les investisseurs, Total doit aussi accélérer sa transition vers un mix énergétique plus en phase avec son époque. « 2020 constitue une année charnière pour la stratégie du groupe et son ambition d’aller vers la neutralité carbone, poursuit le PDG. Le groupe affirme sa volonté de se transformer en une compagnie multi-énergies pour répondre au double défi de la transition énergétique : plus d’énergie, moins d’émissions »

Le « voyage » vers la transition énergétique des majors du pétrole 

Dix ans pour opérer sa grande transformation

Total se donne une fenêtre de dix ans (date butoir : 2030) pour mettre d’équerre son portefeuille en renversant la vapeur. Elle allouera désormais son cash-flow prioritairement à des projets qui sous-tendent sa transformation. Le GNL, les énergies renouvelables et l’électricité prendront le pas sur produits pétroliers, dont la part devrait baisser de 55 à 30 % dans le total de ses ventes. Elle devrait consacrer en 2021 plus de 20 % de ses investissements nets dans les renouvelables et l’électricité. 

En 2020, la production d’hydrocarbures, à 2,8 Mbj, a baissé de 5 %, mais de façon plus conjoncturelle que structurelle. Les volumes raffinés ont dégringolé de 23 % et les ventes de produits pétroliers de 20 %. « Les activités aviation et marine restent particulièrement impactées dans ce contexte et le repli des ventes de l’activité réseau a néanmoins été modéré par les nouveaux développements en Angola, en Arabie Saoudite, au Brésil et au Mexique », indique le groupe. 

CMA CGM : cinq navires supplémentaires sous pavillon français et soutés par Total à Fos

35 GW à horizon 2035

En 2020, l’entreprise pétrolière et gazière a ajouté 10 GW à son portefeuille dans les renouvelables et elle se montre en appétit depuis le début de l’année. Elle vient de prendre une participation de 20 % (pour 2,5 Md$) dans Adani Green Energy, gros développeur solaire en Inde, et de mettre la main sur un portefeuille de quatre projets solaires aux Texas, d’une puissance installée de 2,2 GW. Grâce à cette dernière opération, elle peut revendiquer près de 4 GW de capacité d'énergie renouvelable aux États-Unis, ce qui la rapproche de son objectif d'atteindre près de 35 GW de capacité de production renouvelable en 2025. « Plus de 20 GW bénéficient déjà de contrats d'achat d'électricité à long terme », précise Patrick Pouyanné.

Fournisseur de CMA CGM pour ses navires au GNL

Les ventes de GNL ont augmenté en 2020 de 12 % grâce aux démarrages des trois trains de Cameron LNG aux États-Unis, à la montée en puissance de Yamal LNG en Russie et Ichthys LNG en Australie et aux activités de négoce. Le grand investisseur dans le GNL qu’est Total s’attend en 2021 à une hausse de ses ventes de 10 % par rapport à 2020, notamment grâce à la montée en puissance de Cameron LNG. 

Pour rappel, Total est lié par un contrat long terme avec CMA CGM pour avitailler en GNL ses neuf megamax de plus de 23 000 EVP au GNL ainsi que cinq unités au 15 000 EVP. 

Le français a signé par ailleurs deux accords d’affrètement avec les armateurs Hafnia et Viken Shipping pour deux nouveaux aframax au GNL de 110 000 t chacun, à livrer en 2023. Un symbole de ses convictions quant à la pertinence du GNL, carburant marin, pour réduire son l’empreinte carbone de ses activités de transport maritime. 

Total contracte avec deux armateurs pour quatre aframax au GNL

Dividende de 2,64 €

Pour 2021, compte tenu des incertitudes prégnantes, le groupe entend maintenir sa discipline sur les dépenses avec un objectif d’économies supplémentaires de 0,5 Md$ en 2021. Les investissements prévus se fixent désormais tout de même à 12 Md$. Gageant sur la mise en œuvre disciplinée des quotas par les pays de l’OPEP+, l’entreprise française anticipe une production stable par rapport à celle de 2020. 

Fort de sa « solidité financière avec un taux d’endettement à 21,7 % à fin 2020 » et confiant dans ses fondamentaux, le conseil d'administration proposera à l’assemblée générale des actionnaires du 28 mai la distribution d’un solde de dividende au titre de 2020 de 0,66 € par action, hissant donc la rétribution à 2,64 € par action au titre de 2020.

Adeline Descamps

 

 

 

 
 

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