La fin des VLOC convertis ?

 

La décision de Vale de mettre un terme à l’affrètement de 25 minéraliers pourrait condamner définitivement ces navires controversés en raison de leurs défauts de structure. Il n’y aura pas pour autant de pénurie de tonnages. Les importations chinoises de minerai de fer de la Chine ont été le principal moteur de l’incroyable expansion des vraquiers ces deux dernières années.

La société brésilienne d'extraction de minerai de fer a annoncé la semaine dernière qu'elle allait progressivement mettre un terme à ses contrats d’affrètement de 25 VLOC (very large ore carrier), ces vraquiers dans la catégorie des 200 000 à 299 999 tpl qui étaient à l'origine des pétroliers à simple coque de type VLCC (very large crude carrier) mais que la réglementation internationale (Marpol) a condamnés.

Avec ce tonnage de pétroliers obsolètes et donc bon marché, les investisseurs avaient alors vu une opportunité de les convertir en minéraliers et de les exploiter avec des contrats d'affrètement souvent conclus sur la durée de vie prévue du navire. Le géant brésilien, qui domine les approvisionnements et les ventes de minerai de fer du Brésil à la Chine, avait ainsi contracté avec plusieurs armateurs sur une base de 25 ans.

Accidentogènes

Dans la famille des vraquiers, les VLOC figurent donc parmi les navires les plus âgés, souvent construits en 1999 ou avant. Il y aurait moins de 40 unités encore en service de cette classe d’âge (soit 10,6 Mtpl selon Clarksons). L’information ne surprend pas vraiment l’organisation internationale BIMCO, qui représente les armateurs et les propriétaires de flotte (2/3 du tonnage niveau mondial), dans la mesure où cette classe a toujours été « controversée », impliquée dans de nombreux accidents.

Le 31 mars 2017, un de ces navires, le Stellar Daisy, construit en 1993 et qui avait été converti en 2008, avait en effet coulé dans des circonstances tragiques pour l’équipage (seuls deux marins philippins ont pu être sauvés parmi les 24 membres d'équipage composé de 8 Coréens et 16 Philippins). L’enquête avait révélé des défauts de structure de la coque, qui aurait été compromise au fil du temps en raison de l’usure des matériaux, de la corrosion et d'autres défauts lié à sa résistance. Cet incident avait d’ailleurs suscité une surveillance accrue de ces navires et par ailleurs motivé les commandes pour le renouvellement de la flotte.

Plusieurs autres VLOC convertis appartenant à l’armateur coréen Polaris Shipping et affrétés par Vale ont rencontré des défaillances analogues, dont le Stellar Queen, mis en service en 1994, et le vraquier Stellar Unicorn, datant de 1993. Le 27 février dernier, c’est à nouveau une unité du même opérateur qui a été mise en cause. Le Stellar Banner, chargé de 275 000 t de minerai de fer, s’est échoué à près de 100 km au large des côtes de São Luís, au Brésil.

Plus aucun intérêt économique

« Aujourd'hui, trois VLOC sur cinq ne sont plus en service car leurs affrètements à long terme ont maintenant expiré », relève Peter Sand, analyste des transports maritimes au sein de BIMCO, qui considère qu’ils sont désormais condamnés. Selon lui, il ne resterait plus que 28 VLOC convertis en service, dont huit ne sont plus employés. « Tous approchent de l'âge moyen de démolition et ont été remplacés par des Valemax plus grands et plus récents. » En juin 2017, BIMCO avait analysé cette flotte, qui se composait alors de 51 navires d'un âge moyen de 23,8 ans, non loin de l'âge moyen de démolition de 24,2 ans. Depuis, 22 navires ont été mis à la casse et un est endommagé.

« À l'époque, nous avions fait valoir que les navires sous contrat à long terme étaient toujours économiquement viables, compte tenu d'un prix d'occasion égal à la valeur de la ferraille et de la stabilité de leurs revenus. Les coûts de maintenance sont sans doute nettement plus élevés que pour un tonnage plus jeune, mais ce propos est toujours valable aujourd’hui à condition que les navires soient employés dans le cadre d'un contrat à long terme. Une fois expiré, il n’y a plus aucun intérêt économique à maintenir ces navires à flot », explique l’analyste.

Retour sur investissement assuré

Le coût de la conversion étant estimé entre 12 et 15 M$, les recettes issues des contrats à long terme – principalement pour des transports de longue distance de minerai du Brésil vers la Chine (70 % du total mondial) – ont largement rempli leur office en termes de retour sur investissement.

« Il semble peu probable que la stratégie d'investissement consistant à convertir le tonnage des pétroliers bon marché en vraquiers soit reproduite de sitôt », indique le BIMCO. « Les VLOC ont été acquis et contractés pour la conversion en 2007-2008, mais beaucoup de conversions n'ont été achevées qu’après la crise financière. Les navires sont entrés sur un marché qui n'a jamais retrouvé ses sommets précédents, mais qui est néanmoins resté rentable au cours des premières années ». En 2009 et 2010, l’indicateur du vrac sec (Baltic Dry Index), qui fournit une évaluation du prix à payer pour transporter les principales matières premières sur 26 routes maritimes, s'est établi en moyenne à 2 616 et 2 758 points respectivement. « Cela reste bien en dessous des 6 390 points de 2008, mais au-dessus des moyennes de 2011-2019, qui n'ont jamais dépassé 1 600 points », indique Peter Sand.

Pas de pénurie de tonnages

« L'évolution du commerce mondial du fer au cours des prochaines années aura une grande influence sur l'équilibre du marché », explique, dans une de ses publications, Richard Scott, directeur général de Bulk Shipping Analysis. « Mais les nouveaux navires entrant sur le marché et bénéficiant d'un emploi dans le cadre d'affrètements de longue durée ne seront pas affectés. Tout porte à croire en revanche que la tendance à la hausse du commerce mondial du minerai de fer a pris fin. » De 2017 à 2019, le transport maritime de cette matière première, principal emploi des minéraliers, aurait déjà diminué de 17 Mt (- 1,2 %).

« Au cours des deux dernières années, les importations chinoises se sont stabilisées, à environ 1,07 milliard de tonnes par an », indique Richard Scott. « Mais le commerce mondial de minerai de fer a augmenté de 560 Mt au cours de la dernière décennie, soit une hausse de 62 %. Les importations de la Chine ont dans le même temps augmenté de 433 Mt, ce qui représente plus des trois quarts de la croissance au cours de cette période. »

Un déplacement des flux entre les marchés de production et de consommation, qui a allongé les distances, a en outre stimulé les investissements dans les très grands minéraliers pour les économies d’échelle qu’ils permettent de réaliser. « Une part importante des achats de minerai de fer par l’Asie concerne des cargaisons en provenance du Brésil. Ces économies de coûts permettent de renforcer la compétitivité du Brésil face à l'Australie, le premier exportateur mondial, plus proche et donc aux coûts de fret moins élevés ».

Carnet de commandes 

Au 1er janvier 2020, sur les carnets de commande, il restait à livrer les Valemax issus des contrats conclus en 2016 et 2017. Trois sont prévus cette année, un pour l'armateur chinois China Ore Shipping et deux pour l'armateur japonais NS United. Aucun n'a toutefois été commandé au cours des deux dernières années.

Actuellement, 41 guaibamax (325 000 tpl) sont en commande et devraient être livrés à plusieurs propriétaires en Corée du Sud, en Chine et à Taïwan, dont 20 en 2020, 17 en 2021 et 4 en 2022. Ce sont ces navires qui doivent notamment remplacer progressivement les VLOC convertis. D’ailleurs, après avoir accueilli trois unités l'année dernière, Polaris devrait encore en recevoir 12 d’ici 2022. Le Coréen aurait pris des dispositions pour vendre 10 minéraliers convertis à des fins de démolition. 

Naturellement, ces équilibres avaient de la valeur avant que la crise sanitaire mondiale ne frappe… Des reports de livraison sont sans doute inévitables.

Adeline Descamps

 

{{ENC:1}}

Actualité

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15