Président de l’Autorité portuaire de Barcelone (APB) pendant deux mandats, de 1996 à 2004, Joaquim Tosas est décédé le 7 mars du Covid-19. Il est l’artisan de l’extension du port de Barcelone et a contribué de façon décisive à façonner son visage actuel.
À l’automne 1996, le JMM avait rencontré Joaquim Tosas au siège historique de l’APB, situé près de la statue de Christophe Colomb. Il avait déployé un plan du port et de ses environs et dessiné au stylo les contours de la future enceinte et en particulier le projet-phare : la déviation de 2 km du cours du fleuve Llobregat afin de permettre l’extension de la zone d’activités logistiques (ZAL) et gagner 540 ha. L’originalité de l’initiative, pensée dès la fin des années 80 et inscrite dans le Plan directeur de 1998, résidait dans le fait qu’elle s’insérait dans un vaste et ambitieux programme d’aménagement du territoire, nécessitant l’accord de différentes administrations. Une tâche qui n’est jamais facile en Espagne.
« C’est le grand investissement du futur » nous avait déclaré Joaquim Tosas. Face aux interrogations naturelles du journaliste, il avait reconnu que le projet était certes complexe... mais « il se fera », avait-il assuré. Force est de constater qu’il avait vu juste. Les différents obstacles ont été aplanis, les infrastructures prévues ont été construites et les investissements privés se sont matérialisés, notamment celui du groupe Hutchison qui a installé un terminal à conteneurs semi-automatisé dans un espace gagné sur la mer. La réalisation du projet doit beaucoup à l’engagement et à la personnalité du président de l’époque, fidèle à la réputation des Catalans, faite de discrétion, de ténacité et de travail acharné.
Détourner les regards des ports du range nord
À l’époque, le port étouffait dans son périmètre : il fallait lui fournir l’espace supplémentaire pour lui permettre de continuer à se développer. Surtout, Joaquim Tosas avait esquissé la grande vision stratégique du port de Barcelone, que ses successeurs vont conforter. « Notre objectif central est de transformer le port en une grande plate-forme logistique qui soit la principale porte d’entrée du Sud de l’Europe » avait-il affirmé. Avec, à la clé, l’idée que les navires en provenance d’Asie auront intérêt à décharger les marchandises à destination du Vieux Continent à Barcelone plutôt que dans les ports d’Europe du nord, en profitant d’un moindre transit time et d’infrastructures performantes.
L’ancien président du port a aussi impulsé d’autres projets, notamment la plateforme Portic, les autoroutes de la mer et le transport ferroviaire de marchandises afin de consolider et d’élargir l’hinterland du port. En 1996, la première ligne Barcelone-Madrid avait été lancée dans le cadre d’un partenariat, original à cette époque, entre des acteurs publics et privés. En 2019, le trafic ferroviaire a représenté 250 000 EVP, un chiffre appréciable dans le contexte espagnol.
Daniel Solano