Haropa, ces ports « qui parlent ​» aux clients confinés

 

Pour sa seconde conférence en ligne, les ports de l’axe Seine ont convoqué leurs représentants internationaux basés en Chine et en Corée du sud pour répondre en direct aux questions des importateurs et exportateurs. Au-delà du format, qui semble avoir trouvé son public, la formule est plutôt efficace en termes de rapport temps consenti-problématiques abordées-réponses sourcées. 

La reprise de la production industrielle chinoise est-elle réelle ? Les ports asiatiques sont-ils vraiment opérationnels ? Les usines chinoises sont-elles autorisées à importer et à exporter ? Les conteneurs sont-ils chargés et déchargés ? Les tarifs vont-ils flamber ? Faut-il s’attendre à goulets d’étranglement dans les semaines qui viennent ? Les produits de luxe peuvent-ils être expédiés ? Les conteneurs reefers vont-ils enfin revenir en Europe ? Les annulations d’escales génèrent-elles des transit time beaucoup plus longs ? Quelle solution pour le stockage de longue durée ?... Ils étaient 150 à s’être inscrits pour le second webinaire organisé par Haropa le 23 avril. Et ils avaient manifestement de nombreuses questions auxquelles l’autorité portuaire s’est engagée, pour celles qui ne trouveraient pas de retours immédiats, à y répondre « dans les 24 à 48 heures ».

550 000 EVP dépendent de la Chine

La première conférence en ligne initiée par les trois ports de l’axe Seine avait surtout pour objet d’assurer qu’étant « opérateurs d’importance vitale », ils restaient O.P.É.R.A.T.I.O.N.N.E.L.S. Pour sa seconde session dédiée à l’Asie, axe majeur pour « le premier port du range nord touché à l’import et le dernier à l’export », l’autorité portuaire a « réquisitionné » les relais qu’elle dispose sur place, Christophe Cheyroux et Stanislas Roussin, au contact des marchés chinois et sud-coréen, respectivement.

« 54 % de nos volumes conteneurs sont concernés par l’Asie dont la moitié par la Chine, justifie Laurent Foloppe, le directeur commercial et marketing d’Haropa devenu le « monsieur Confinement », le visage et la voix de l’axe Seine qui répond aux préoccupations des clients. Le Havre réalise 31 % de son trafic avec la Chine, soit près de 550 000 EVP, à 80 % à l’import. Shanghai et Ningbo apportent 45 % des volumes tandis que Shenzhen et Hong Kong y contribuent à hauteur de 25 % », déploie-t-il. La Corée du sud n’apporte à Haropa que 2 % du trafic, mais compte tenu de son profil d’économie extravertie, « l’ensemble des productions sud-coréennes sur le marché asiatique représentent 10 % de l’activité d’Haropa. 45 % de ces flux sont à l’import ». Le Havre est relié aux trois principaux ports sud-coréens par une quarantaine de services hebdomadaires mais Busan concentre 95 % des flux.

On rentre en Chine dans une 3e crise, celle de la demande

Quel est le niveau d’activité réel de la Chine ?

« Les ports chinois étant considérés par Pékin comme des équipements critiques, ils furent les premiers à être réactivés, répond le représentant d’Haropa en Chine, Christophe Cheyrou, mais les entreprises de transport, en quarantaine, ne pouvaient pas y opérer pour charger et décharger les conteneurs. Désormais, c’est réglé ». Mais l’Asie aura eu à peine le temps se remettre à produire et à réalimenter certaines circuits de distribution qu’elle s’est heurtée à l’effondrement de la consommation de ses marchés traditionnels, européens et américains. « À la crise sanitaire s’est substituée fin février-début mars, une crise de la production en raison des mesures de confinement. On rentre désormais dans une 3e crise, celle de la demande », confirme-t-il.

Certaines productions sont prêtes à partir mais n’ont pas les autorisations »

Les usines chinoises ont-elles des commandes ?

Depuis début avril, les annulations de voyages se multipliant (20 à 30 % estimées pour avril et mai), « les commandes ont glissé sur juin », reprend Christophe Cheyroux. Les grandes centrales d’achat européennes et la plupart des intervenants de ce marché auraient différé les commandes d’avril et de mai. « Certaines productions sont prêtes à partir mais n’ont pas les autorisations à cause du confinement en Europe. On navigue à vue avec des fenêtres de tir autorisées à 14 jours. Au-delà, c’est en attente. Ce qui est certain, c’est qu’il va y avoir un trou d’air de deux mois ». Christophe Cheyroux ne voit donc pas de reprise massive des exports avant juin, et donc d’arrivées avant juillet en France « si le déconfinement y a bien lieu mi-mai ». Après ? « personne ne sait ».

Les usines coréennes sont-elles suffisamment approvisionnées pour réexporter vers l’Europe ?

À Séoul, la situation n’est pas la même. « De façon inédite, on n’a pas eu ici de confinement de masse mais seulement par clusters, pose Stanislas Roussin, le représentant d’Haropa basé à Séoul. Le pays n’a donc pas été mis sous cloche. Mais la moitié de son PIB reposant sur les exportations, ses usines ont été paralysées par l’arrêt de la production industrielle chinoise ». Elles le sont désormais par la mise en apnée mondiale. Stanislas Roussin ne cache pas les inquiétudes des milieux d’affaires locaux. La situation risque aussi de se dégrader parce que « la crise pétrolière va peser sur la pétrochimie et la construction navale ».

Avec une baisse des exportations de l’ordre de 20 à 30 %, induisant une baisse quasi équivalente de la production, l’automobile est une activité particulièrement en souffrance. Ces flux pèsent dans les trafics portuaires. Le Havre reçoit notamment des produits automobiles, des matières plastiques, du caoutchouc… et exporte des pièces automobiles. « La Corée du sud a plutôt bien géré la défaillance de son voisin dans ses approvisionnements mais elle reçoit aussi des alliages d’Afrique du Sud et des pièces sophistiquées d’Europe. Ces chaînes d’approvisionnement sont beaucoup plus longues, avec moins de souplesse pour trouver des solutions supplétives ».

La reprise de la demande asiatique pour des produits français reste conditionnée »

La Chine se remet-elle à consommer ?

« Les grands magasins, qui proposent les produits français, notamment les vins et spiritueux et le luxe, sont de nouveaux ouverts. Les consommateurs chinois ont donc accès aux produits », répond Christophe Cheyroux. Mais la reprise de la demande asiatique se conjugue toujours au conditionnel du fait d’une possible seconde vague. 

En Corée du Sud, les tensions entre la Corée et Japon ont profité aux bières françaises et européennes et pour le vin, « il y a même eu un rebond », soutient Stanislas Roussin. Dans le luxe, la situation semble plus compromise. « La Corée est un des plus grands marchés de duty free au monde, notamment parce que les Chinois y viennent pour acheter des produits hors taxe ». Or là, c’est un « véritable massacre ». « La situation est telle que les opérateurs ont obtenu de la part du gouvernement le droit d’écouler leurs produits sur les circuits de ventes domestiques. Mais cela ne compense pas le manque à gagner chinois ».

« La problématique de la disponibilité des reefers est réglée »

Le défaut de conteneurs est-il réglé ?

La problématique des reefers qui se sont entassés sur les quais chinois ou qui ont été déroutés vers d’autres ports, du fait de l’hivernation forcée de l’appareil productif et de la reprise très lente des personnels portuaires, a alimenté la chronique des tout premiers jours de la crise sanitaire. Souffrant sans cela d’une véritable pénurie d’équipements sur le marché mondial (problème d’offre), les reefers sont devenus en Europe une espèce en voie de disparition. La situation sanitaire a exacerbé les déséquilibres entre l’import et l’export. « C’est en passe d’être réglé, annonce Christophe Cheyroux, et vous devriez le constater rapidement. Les premiers sont arrivés en Europe et on continue à en sortir. »

Les navires sont-ils remplis ?

« On considère le taux de remplissage à 70 % mais ces chiffres correspondent à la crise sanitaire et de production, pas à celle de la demande, répond Christophe Cheyroux qui a sondé les compagnies asiatiques de la grande Chine. « Haropa est en train de mettre une place une veille portant sur les chargements sur place, complète Laurent Foloppe. Quant aux « blank sailing », les participants au webinaire semble préoccupés quant aux escales rendues plus aléatoires et au transit-time non respectés. « On a en effet des services maritimes qui se réorganisent, des repositionnements qui engendrent des services plus longs mais tous sont maintenus au Havre », évacuesans autres précisions Laurent Foloppe.

MSC et CMA CGM offrent à leurs clients la possibilité de stocker temporairement leurs conteneurs

Quelle solution pour le stockage des conteneurs ?

Reste l’épineux problème du stockage des conteneurs, devenus encombrants du fait des déséquilibres des flux – la reprise des volumes en février par la Chine a coïncidé avec l’annonce du confinement dans les économies européennes – et de l’incapacité à écouler les flux. Les importateurs font valoir depuis quelques jours que les entrepôts atteignent la saturation. Le coût du stationnement des conteneurs sur les quais français est un sujet récurrent et... sensible. Les grèves de décembre et janvier en ont offert une nouvelle démonstration.

« Les terminaux de l’axe Seine sont remplis à 60 %. Des manutentionnaires proposent des services de stockage longue durée. Nous avons aussi la possibilité de délester une partie de ces conteneurs sur Rouen ou Paris de manière à maintenir la continuité de la chaîne logistique », reprend le directeur marketing d’Haropa. Il ne fera pas mention des récentes offres de CMA CGM et de MSC qui proposent à leurs clients la possibilité de stocker temporairement leurs conteneurs jusqu’à ce que le réceptionnaire soit prêt à les recevoir à la destination finale prévue au connaissement.

Confiance en l’avenir ?

Sondés sur la reprise des échanges maritimes avec l’Asie, les participants au webinaire se sont prononcés à 60 % pour une reprise progressive de mai à septembre. 27 % estiment en revanche qu’elle sera très lente, sur plusieurs mois. Ils ne sont que 13 % à penser à un big bang dès le mois de mai…

Adeline Descamps

 

 

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