Fitch : « La décarbonation est une question secondaire pour le transport maritime » 

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Dans un rapport cherchant à noter la « vulnérabilité climatique » des différents modes de transport, l’agence de notation financière internationale estime que la « menace existentielle » qui pèse sur le transport maritime est faible compte tenu de l'importance du commerce mondial. Moins exposé à la pression sociétale et à la réglementation, il serait moins enclin à investir dans des technologies non éprouvées.

L’agence de notation internationale financière porte la charge sabre au clair. La durée d’amortissement des navires, la forte dépendance énergétique et surtout le peu d'alternatives viables font du transport maritime l'un des secteurs les plus difficiles à décarboner, entend-on régulièrement dans les colloques. Dans un rapport cherchant à noter la vulnérabilité climatique à long terme des différents modes de transport – maritime, aérien, routier et logistique –, Fitch Ratings y ajoute quelques autres facteurs explicatifs.

Dans un scénario de statu quo, l’agence de notation financière internationale estime que le transport maritime pourrait contribuer à environ 10 % des émissions mondiales de carbone d'ici à 2050 si aucune nouvelle réglementation ayant un impact sur l'efficacité énergétique ou l'intensité de carbone n’ait adoptée. 

Pas de menace existentielle 

Selon son barème, plus le score est élevé, plus la vulnérabilité est grande. Ainsi la société a évalué la vulnérabilité du transport maritime à 40 d'ici 2050, contre 50 pour les compagnies aériennes et 30 pour le fret routier et la logistique. Par exemple, un secteur dont le score est de 90 est confronté à une « menace existentielle liée aux risques climatiques », alors qu'un secteur dont le score est de 10 subira peu de perturbations et pourrait même en bénéficier. 

Dans l'ensemble, Fitch estime que la « menace existentielle » qui pèse sur le transport maritime est faible compte tenu de l'importance du commerce mondial et de l'absence d'alternatives viables. Toutefois, le spécialiste de la notation relève que le transport maritime joue un rôle crucial dans l'obtention d'un niveau d'émissions nettes nulles (Scope 3), qui ne sera pas atteint sans les efforts de décarbonation de l'ensemble de la chaîne de valeur.  

« Nous considérons que la réglementation environnementale du secteur du transport maritime est moins mature que celle du secteur de l'aviation, avec un objectif fixé plus lâche que ne l’exige l’Accord de Paris, commente Fitch. L'OMI n'a mis en œuvre aucune mesure de compensation basée sur le marché pour combler les lacunes en matière de réduction des émissions jusqu'à ce que les mesures relatives à la technologie, aux opérations et aux infrastructures apportent des solutions à long terme ».  

Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), si le secteur du transport maritime devait contribuer à l'accord de Paris, il ne devrait pas émettre plus de 17 gigatonnes (Gt) de CO2 pour devenir neutre en carbone, alors que l'objectif de l'OMI se situe entre 28 et 43 Gt d'émissions de CO2 entre 2015 et... 2075. 

Des mesures trop concentrées sur l’efficacité des navires

Fitch estime que les principales réglementations visent essentiellement une plus grande efficacité des navires. Sans les nommer, il fait référence aux EEXI, EEDI et CII qui entreront en vigueur en 2023. L’EEXI oblige les exploitants de flotte sur la conception des navires. Il est analogue à l’EEDI (qui s'applique aux nouveaux navires depuis 2013) sauf qu’il contraint désormais toute la flotte marchande mondiale. Le CII concerne davantage l’exploitation, c’est-à-dire l’intensité carbone du navire, qui sera classé de A à E selon son profil. Les deux partagent la même unité : le CO2 par mille nautique divisé par la taille du navire. La principale différence réside dans le fait que l’EEXI mesure théoriquement les émissions du navire pour une certaine puissance de moteur, tandis que le CII évalue les émissions de CO2 du navire sur la base de ses activités annuelles réelles. 

Les moyens actuellement déployés par le secteur pour réduire les émissions de carbone visent à la fois l’efficacité opérationnelle (slow steaming, arrivées dans les ports en flux tendu et l'optimisation des itinéraires ) et technique (hydrodynamique : conceptions de coque, revêtements, encrassements ; amélioration mécanique des moteurs, hybridation) ainsi que des carburants de substitution (biocarburants, GNL…).

Moins visible, moins exposé à la pression sociétale ?

Mais pour l’un des cinq géants mondiaux de la notation financière, « aucun d'entre eux n'est individuellement suffisant pour atteindre l'objectif de l'OMI. À l'heure actuelle, les navires consomment les carburants raffinés de la plus basse qualité. Cela rend plus encore difficile toute transition vers des carburants plus chers. », balaie le rapport. A fortiori en l’absence d’un « mouvement politique plus harmonisé pour faire progresser les nombreuses options alternatives ».  

Les représentants institutionnels du secteur craignent en effet que la superposition des politiques climatiques régionales, alors que l’OMI est l’instance internationale de régulation, ne finisse par avoir des effets contreproductifs en rendant une solution moins disponible ou plus onéreuse et ainsi « entraîner des désavantages concurrentiels importants ». 

« Du point de vue du consommateur final, le transport maritime est moins visible, ce qui signifie qu'il est moins exposé à l'examen environnemental de la société, malgré son rôle déterminant dans les activités économiques mondiales. Cette situation, associée à un lourd endettement et à de faibles marges, a fait de la décarbonation une question secondaire pour l'industrie », crucifie Fitch.

Adeline Descamps

 

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